1889

 

 

Mardi 1er Janvier

Matin visite avec tous les enfants à M. Allart, chez Père à l'Institut où nous trouvons réunis Adèle et ses enfants, Henri et Laure, Valentine. Après déjeuner visite chez ma tante Jannet à la Visitation, chez Béatrice. Nous étions allés voir Geneviève avant le déjeuner. Adèle vient nous voir avec Valentine et les enfants. Vers la fin de la journée je vais faire quelques visites: Pascal, Olléris.

Les enfants ont reçu pour leurs étrennes:

de nous

de Père

de M. Allart

Charles

un arc et des flèches

des cadres pho.p. sa chambre

10Fr

Louise

un carton p.le cours

des petits vases fleurs

10Fr

Henri

une cible avec flèches

des soldats de plomb

10Fr

Paul

un jeu de passe-boules

des soldats de plomb

10Fr

André

un canon, un album

un cheval

10Fr

Un mot d'André: Paul avait dit qu'il avait reçu pour ses étrennes une "gueule" (son passe-boule). André après avoir joué dit qu'il avait mis une balle dans la bouche du gueule.

Mercredi 2 Janvier

Après midi je vais faire visite à Mmes Dupont, Renard et à Mathilde.

Dimanche 6 Janvier

Après-midi bonne partie de balles au Luxembourg avec H. Petit, H. Deltombe, G. Leviez, Charles, Louise, Henri, Paul et même André. Le soir nous dînons avec tous les enfants sauf André à l'Institut où nous trouvons Pierre Petit, à Paris depuis le 2 Janvier, Adèle et ses enfants.

Dimanche 13 Janvier

Nous faisons sortir H. Petit et H. Deltombe. Je les emmène l'après-midi avec Charles, Henri et Paul visiter les travaux de l'exposition de l'esplanade des Invalides et du Champ de Mars. Nous entrons à la "Bastille" élevée près du Champ de Mars et assistons au simulacre de l'évasion d'un prisonnier. Le soir Père et Georges Leviez viennent dîner avec nous.

Lundi 14 Janvier

Sophie un peu fatiguée depuis plusieurs jours et fort enrhumée depuis plusieurs jours se plaint d'une douleur dans le côté, douleur très aiguë quand elle tousse.

Mardi 15 Janvier

Le mal de Sophie persistant je vais chez le Dr Bailly que je ne rencontre pas mais auquel je laisse un mot pour le prier de venir voir Sophie en lui expliquant son état. Dans la soirée visite du Dr Bailly qui ne constate rien d'anormal. Il conseille du sirop diacode.

Mercredi 16 Janvier

Nouvelle visite du Dr Bailly qui pense ne rien voir d'anormal dans l'état de Sophie, mais nous engage à voir notre médecin ordinaire.

Jeudi 17 Janvier

Profitant d'un beau soleil je conduis les enfants Louise, Henri, Paul et André faire une partie de ballon au Luxembourg. Sophie toujours souffrante ne pouvant les accompagner.

Incident Dame Gervais:

La balle lancée par un enfant ayant effleuré en retombant le chapeau d'une dame qui se promenait dans la même allée, cette dame furieuse ramasse la balle. Au moment où je m'avance le chapeau à la main pour lui présenter des excuses, elle déclare qu'elle confisque la balle, ajoutant, ce qui était absolument faux, que les enfants lui avaient déjà tiré les brides de son chapeau en passant derrière elle. J'insiste courtoisement auprès de cette dame pour lui déclarer que mes enfants son incapables de cette grossièreté et je réclame la balle. Refus de cette dame - "il ne me reste plus, Madame, qu'à vous prier de me donner l'adresse de votre mari - très bien Monsieur, Dr Gervais 13 rue de Navarre". En rentrant j'envoie une lettre recommandée (voir copie de lettre p. 35).

Vendredi 18 Janvier

Dans l'après-midi le Dr Gervais rapporte la balle avec un petit mot sur sa carte qui ne me semblant pas suffisant nécessite de ma part une nouvelle lettre (voir copie de lettre page 36).

Sophie se décide à faire venir le Dr Hutinel son mal ne disparaissant pas. J'envoie une dépêche au Dr Hutinel pour le prier de venir le lendemain matin.

Samedi 19 Janvier

Visite du Dr Hutinel qui constate une pleurésie sèche mais sans aucune gravité. Il faudra encore une huitaine de jours de repos. Le Dr Bailly, vient encore une fois prendre des nouvelles de Sophie.

Dimanche 20 Janvier

Dans la soirée pose d'un vésicatoire à Sophie. La journée n'a pas été mauvaise. Sophie est restée levée toute l'après-midi, mais elle ressent toujours une vive douleur au côté. Henri vient passer la journée à Paris. Nous allons nous promener avec lui et les enfants ainsi que J. Guibert, H. Deltombe et H. Petit sur les boulevards. Les affiches de Boulanger et de Jacques se recouvrent de plus en plus les unes sur les autres. C'est une véritable bataille d'affiches, une orgie de colle.

Jeudi 24 Janvier

La campagne électorale ouverte dans les premiers jours de janvier pour l'élection d'un député à Paris le 27 janvier se continue dans cette dernière semaine par un redoublement de violence dans la presse et par les affiches. Les affiches des 2 candidats Jacques, Président du Conseil Général, désigné par l'union des groupes républicains et le Général Boulanger le candidat révisionniste et de la dictature, se superposent sans relâche. C'est une véritable bataille d'affiches, une véritable orgie. Il sera curieux de compter les affiches superposées. Malgré les impudents mensonges étalés sur les affiches du Général Boulanger j'espère que Paris imposera une sanglante défaite à cet apprenti César sans vergogne, à ce général révolté condamné pour indiscipline par un tribunal suprême militaire.

Dimanche 27 Janvier

Election de Boulanger à Paris

Le matin après avoir conduit les enfants à la messe en remplacement de leur maman encore retenue à la chambre, je vais voter sans enthousiasme mais sans hésitation aucune. Je vote pour Jacques candidat désigné par la réunion du groupe républicain. Je vote surtout contre le Général Boulanger cet imposteur, ce fourbe grotesque qui est soutenu par la coalition éhontée du bonapartisme, de la monarchie, du cléricalisme et de toute une bande de braillards et de gens sans aveu. Avec ceux-là, il faut le reconnaître malheureusement, beaucoup de républicains mécontents mais à mon avis bien imprudents. Ainsi qu'on l'a très justement dit, le Boulangisme est le Syndicat des mécontents. Je vais ensuite faire de la photographie avec Charles sorti du Lycée Louis le Grand. Démolition de l'Hôtel Colbert. Après déjeuner je vais avec les enfants faire une partie de balle au Luxembourg.

Vers 6h1/2 je vais aux renseignement dans ma section. Dès la première inspection du commencement du dépouillement je juge la situation fort compromise et même perdue. Boulanger a 2/3, Jacques 1/3. Or le cinquième arrondissement donne généralement l'état assez exact de l'opinion de Paris. Je rentre dîner, désolé. Après dîner je pars pour les boulevards. Là ma stupéfaction est grande. Je m'imaginais qu'il y aurait lutte entre les 2 partis. Je trouve une population en fête au fur et à mesure que les résultats arrivent plus favorables à M. Boulanger. C'est l'aspect d'une soirée de Mardi-Gras. Les femmes surtout se font remarquer par leur exaltation. Ernest a tous leurs suffrages. De 9h à 11h je me promène seul d'abord, circulant de groupe en groupe puis avec un de mes confrères, Georges, entre la rue Montmartre et le bureau du Gaulois où sont placardés les résultats connus. La proportion reste toujours comme l'avait indiqué la section de mon arrondissement: 2/3 Boulanger, 1/3 Jacques. Ce résultat me stupéfie, je dirais plus me terrifie. L'aspect de cette foule en démence a quelque chose d'humiliant et de terrible. La situation est bien grave. La leçon pour nos gouvernants était peut-être ----- elle est rude. Voici donc où nous a amenés cette faiblesse, cette absence de caractère, cette lâcheté, ces attentats continuels à la liberté de conscience qui ont caractérisé tous les ministères qui se sont succédés depuis environ dix ans! Toutes fautes commises pour plaire à cette même foule qui siffle aujourd'hui! Nous sommes battus, nous autres républicains honnêtes. Il n'y a pas à en douter, cette foule inconsciente qui mélange les opinions les plus diverses, les plus opposées ne s'arrêtera pas maintenant. Ce sont ces gens-là qui font les dictateurs et les empires. Où allons-nous? Que va devenir la France si elle s'abandonne aux mains de cet homme sans valeur par lui-même, jouet des passions, des partis, de ce soldat indiscipliné qui avant de tomber sous le ridicule et l'horreur va peut-être causer bien du mal? Que vont faire les Chambres? Que va faire le Ministère? Que va faire le Président de la République, M. Carnot? Quant au Ministère, il faut qu'il saute! Ce Floquet n'a été maintenu au pouvoir que par peur du Boulangisme. Le Boulangisme n'a pris de véritable importance que par la présence de Floquet au Ministère. Il faut donc que les Floquet, les Locroy et tous ces farceurs s'en aillent, au plus vite, mais après?

A 11h je quitte les boulevards, la dernière affiche placardée à ce moment au Gaulois porte: Boulanger 166.000, Jacques 110.000.

Lundi 28 Janvier

J'avoue m'être trompé absolument sur le résultat de l'élection. Le Général Boulanger a recueilli partout, sauf dans le 3ème arrondissement, des majorités considérables dans toutes les classes de la société. De Belleville au Faubourg St-Germain, à St-Sulpice les éléments les plus divers contribuent à ce succès prodigieux. Par la calomnie, l'injure, une propagande et une réclame ne reculant devant rien on a hissé sur le pavois, avec l'aide de tous les ennemis de la République et de tous les mécontents, ce charlatan audacieux qui a pour état-major les Rochefort, les Laguesse, les Naquet! Voilà à quoi les monarchistes et les gens d'église ont donné la main! Il n'y a pas à en douter il existe un grand courant boulangiste qui menace de faire tache d'huile dans le pays. Que le Ministère Floquet contre lequel est justement indignée la majorité du pays et qui est cause de l'aggravation du mouvement boulangiste disparaisse. Que la Chambre vote au plus tôt le scrutin d'arrondissement et que les élections générales aient lieu le plus promptement possible. Attendre serait augmenter les chances du Boulangisme. Quand on pense à la stupeur et à l'indignation que causa à Paris, il n'y a pas bien longtemps encore, l'élection du Général Boulanger dans le Nord! Que de chemin parcouru depuis! Voilà chèrement payées ces trop longues années de politique radicale de la Chambre et autonomiste du Conseil Municipal. Paris siffle aujourd'hui ceux qu'il acclamait aux élections de 1885.

Le Boulangisme est en minorité dans le grand quadrilatère compris entre la Bastille, les Halles, la Gare du Nord, le Père Lachaise. Son principal centre se trouve dans la région des Champs-Elysées, Passy, le Gros-Caillou, les Invalides, Grenelle, plus St-Denis qui se distingue particulièrement. On a calculé que pour les 2 candidats Jacques et Boulanger il a été collé 1.000.000 affiches, 1.000.000 de prospectus ont été distribués, 2.000.000 de bulletins de vote Boulanger et 1.800.000 Jacques. On a pu compter à la Banque 67 affiches superposées et 85 à la Bourse.

Jeudi 31 Janvier

A la Chambre des Députés interpellation de M. Jouvenel au sujet des mesures à prendre afin de faire respecter les pouvoirs publics. Par 289 voix contre 236 et 41 abstentions, est adopté l'ordre du jour suivant accepté par le Gouvernement: "La Chambre confiante dans la fermeté du Gouvernement passe à l'ordre du jour". Séance très violente. Orateurs: de Jouvenel, Floquet, Paul de Cassagnac, Hubbart, Madier de Montyon, Laguesse, Clémenceau.

Lundi 11 Février

Discussion et adoption par la Chambre des Députés du scrutin uninominal en remplacement du scrutin de liste: 268 voix contre 222.

Mercredi 13 Février

Discussion devant le Sénat et adoption du scrutin uninominal en remplacement du scrutin de liste.

Jeudi 14 Février

Une dépêche de Ch. Rabut nous apprend la naissance de son fils Jean.

Discussion à la Chambre du projet de révision. La Chambre par 307 voix contre 218 vote l'ajournement. Chute du Ministère Floquet.

Vendredi 15 Février

Je vais à l'Hôtel de Ville chercher le programme du Concours pour la construction de la mairie du Xème arrondissement. Le concours est ouvert du 15 Février au 30 Avril.

Dimanche 17 Février

Sophie fait sa première sortie. La journée est splendide et chaude. Nous restons une heure au Luxembourg. Sophie gardait la chambre depuis 5 semaines. Sa dernière sortie avait été le 20 Janvier.

Jeudi 21 Février

"Papa, quand je serai grand, est-ce que je demeurerai encore chez nous?" me disait André ce matin en se prélassant dans un fauteuil de mon cabinet. -Oui mon chéri, lui répondis-je en l'embrassant sur les deux joues, tant que tu voudras, toujours si tu veux."

Lundi 25 Février

Mort de M. Eugène Deltombe décédé à Valenciennes à l'âge de 52 ans.

Mardi 26 Février

Sophie fait sa deuxième sortie. Elle n'avait pu sortir depuis le Dimanche 17 le temps étant devenu trop rigoureux. Sa sortie a pour but d'aller au Couvent de la rue Cassini pour s'assurer d'une garde. Elle rentre très fatiguée sans avoir obtenu de réponse favorable. Toutes les gardes sont depuis longtemps retenues, elles étaient déjà retenues lorsqu'au mois de novembre Sophie commença ses démarches.

Mercredi 27 Février

Alerte, vers la fin de la nuit certains indices nous font craindre qu'il n'y ait prochainement du nouveau. Je vais de bon matin prévenir le Dr Bailly. Il me dit que l'évènement, sans être imminent, est prochain et arrivera dans les 2 ou 3 jours. Il vient dans la matinée faire visite à Sophie. Le soir Sophie juge prudent de faire coucher Louise dans la chambre de ses frères en haut afin de l'éloigner de tout bruit en cas d'évènement.

Jeudi 28 Février

Naissances de:

Emile Georges Paul Henri à 8h15 du matin,

Georges Emile Paul Charles à 8h30.

A 6h du matin je réveille la domestique, Elise, et lui donne par écrit mes instructions. Prendre une voiture à l'heure, passer d'abord chez M. Allart, prévenir la domestique Henriette qui ira aussitôt rue Cassini demander l'adresse d'une garde laïque et aller chercher le Dr Bailly rue Rouget de l'Isle. A son défaut en ramener un autre dont le Dr Bailly m'a donné l'adresse. Et rapidement car ça presse. Je hâte l'habillement des enfants et quand ils ont embrassé leur mère, je les consigne dans la salle-à-manger leur recommandant le plus grand calme, leur mère ayant mal dormi et se disposant à se rendormir. Puis je ferme toutes les portes et dispose au milieu de la chambre le lit de camp. A 7h1/4, 1/4 d'heure après le départ de la domestique, les douleurs commencent et se suivent à intervalles assez rapprochés pour me faire craindre d'être seul au moment décisif. Un peu après 8h arrive enfin le Docteur! Il n'a que le temps de se disposer, à 8h15 arrive un petit bonhomme, mais Sophie n'est pas complètement soulagée: il y en a un deuxième dit-elle. En effet quelques minutes après vers 8h30 arrive le second. Le pauvre petit est bien maigre et ne pousse aucun cri sa figure toute pâle me fait croire à un accident. M. Bailly se penche sur lui, lui souffle dans la bouche, le manipule un peu, et l'on entend enfin un pauvre petit cri plaintif... En même temps ses yeux s'entrouvrent et le regard est si lamentable mais si douloureusement charmant que j'en suis ému jusqu'aux larmes. Je n'ai jamais vu une expression d'enfant si jolie et si triste en même temps si douloureusement poétique. C'était un vrai petit ange. Sophie ne voit rien mais suit sur mon visage toute la scène. Ma brave petite femme devinant une larme, que je fais tous mes efforts pour retenir, me réconforte elle-même en me serrant la main. Ne pleure pas dit-elle. Certes nous ne désirions pas 2 jumeaux surtout 2 garçons. Une bonne grosse fille aurait bien mieux fait notre affaire. Avoir 2 jumeaux est souvent considéré comme une calamité à cause des suites, des préoccupations de santé, etc... Eh bien ce petit être à peine venu au monde avant d'avoir même poussé son premier cri ne m'est déjà plus indifférent. Le sentiment qui me trouble est très complexe. L'énervement probablement de cette scène, toujours si grave, si pénible de l'accouchement, la vue de ce pauvre petit corps entrant dans la vie si pauvrement armé pour ce combat de l'existence, la pensée de l'avenir, la crainte de voir ce pauvre souffle disparaître, ou plutôt cette expression d'ange que je n'oublierai jamais, tout cela confusément vous secoue le coeur.

Les enfants fidèles à la consigne ne se sont doutés de rien. Vers 10h Henriette, ramenant une garde emmène chez leur bon-papa Louise et Paul. Henri part au catéchisme au lycée, nous gardons André. Charles était parti dès 6h1/2 pour Bossuet. A son retour du lycée vers 11h1/2 Henri apprend la nouvelle, il devient tout rouge et se précipite dans la chambre et prenant à peine le temps d'embrasser sa maman et l'un des petits frères - "Je vais leur annoncer..." et le voilà qui dégringole l'escalier. J'ai beau l'appeler, lui dire de m'attendre, que je l'accompagne chez son bon-papa, il file... il file. Arrivé en bas, je ne le trouve plus et quand j'arrive chez M. Allart il y est déjà depuis longtemps. C'est une joie qui tient du délire. Louise saute comme une folle: "J'en étais sûre. Je le disais bien que ce serait notre tour... Ah! ma tante Marguerite, Ah! ma tante Geneviève, vous ne nous dépasserez pas... 2 bébés! Nous sommes 7" dit-elle avec fierté 7! et il faut voir comme elle prononce ce fameux 7. "Oui, nous avons 6 garçons, c'est beau ça hein!" dit-elle en se frottant les mains et en se redressant." On veut tout de suite aller à la maison" et j'ai grand peine à leur faire comprendre qu'ils doivent d'abord déjeuner avec leur bon-papa. Je vais ensuite chez Père que je ne rencontre pas et je mets des dépêches à Adèle, Henri, Jeanne, Valentine, Etienne et Marguerite. Vers 1h1/2 les enfants de retour de chez leur bon-papa entrent comme un ouragan dans l'appartement. Charles revient à son tour de Bossuet. Le brave garçon est très ému et sanglote de joie en embrassant sa maman. "Pourquoi n'est-on pas venu m'annoncer la nouvelle tout de suite" dit-il. Inutile de dépeindre cette joie universelle. Les braves enfants! Voilà qui console de toutes les préoccupations que cette double naissance peut faire naître!

Vendredi 1er Mars

La nuit a été bonne pour Sophie mais la pauvre femme est d'une faiblesse extrême et contrairement à son habitude après ses couches elle n'a guère d'appétit. Aussitôt après la naissance nous avions pesé les enfants: l'un le premier né pèse 2Kg560gr l'autre, le 2ème né 2Kg230gr. Différence entre les deux 330gr.

Le médecin de la mairie était venu la veille dans la soirée. A 10h du matin je vais avec Père et M. AIlart à la mairie pour faire la déclaration. Nous appelons l'aîné: Emile Georges Paul Henri, le second Georges Emile Paul Charles c'est-à-dire à chacun réciproquement leur prénom auquel va s'ajouter le nom du papa et à l'un le nom de son bon-papa Wallon à l'autre le nom de son bon-papa Allart.

Samedi 2 Mars

Dans la matinée Geneviève veut bien aller avec le Dr Bailly nous choisir une nourrice. Elle nous en ramène une vers 11h. Je vais dans la matinée à l'église St-Etienne du Mont demander qu'un abbé vienne ondoyer les enfants.

Dimanche 3 Mars

Sophie est très tourmentée de voir que les petits refusent de prendre le sein de la nourrice. On est obligé de leur donner le lait à la cuiller et avec de grandes difficultés. Ma pauvre Sophie en pleure. S'ils persistent, dit-elle, je ne pourrai leur donner le sein, mon lait passera il nous faudra deux nourrices... Je la rassure de mon mieux et lui conseille de se faire téter par André pour éviter ce qu'elle redoute. André y consent avec quelques difficultés mais sur la promesse d'un gâteau.

Lundi 4 Mars

Dans la matinée petit Georges prend volontiers le sein avec sa maman. Sophie en est toute radieuse. Emile est toujours très paresseux. Le médecin ordonne de leur faire prendre matin et soir un bain de vin et de mélanger quelques gouttes de Cognac au lait qu'on tire de la nourrice. Après déjeuner Adèle vient chercher tous les enfants sauf André et les garde à dîner chez elle.

Mardi 5 Mars (Mardi-Gras)

Même état, amélioration pourtant. Sophie toujours très faible et très pâle va de mieux en mieux, l'appétit et le sommeil sont excellents. Adèle vient de bon matin chercher Charles, Henri et Paul, les emmène déjeuner et promener. Après midi je vais faire un tour avec Louise et André. Nous nous retrouvons tous à dîner chez Père.

Jeudi 7 Mars

M. Bailly, parait très satisfait de la maman et des petits qu'il trouve en bonne voie. Un instant après le Dr Hutinel auquel nous tenions à montrer les enfants se montre beaucoup moins optimiste. Il nous conseille l'emploi de la couveuse et m'engage à voir Malassez à ce sujet. Je vais aussitôt voir Malassez qui le jour même doit aller aux renseignements.

Vendredi 8 Mars

Malassez m'apporte tous les renseignements qu'il s'est procurés aux meilleurs sources. Tout en approuvant t'idée de la couveuse qu'il trouve excellente et qui ne peut produire que de bons résultats, il pense que nous pourrions encore demander au Dr Hutinel de revoir les enfants qu'il n'a vu qu'une fois, leur état paraissant depuis 2 jours plus satisfaisant. Le soir je porte un mot au Dr Hutinel à la Pitié pour le prier de venir le lendemain matin au sortir de l'hôpital. Tout en étant décidés l'un et l'autre à l'emploi de la couveuse j'appréhende pour Sophie l'impression que lui produira cette machine, cette boite dans laquelle les 2 pauvres petits paraîtront reposer comme deux petits cadavres. Mais ce n'est qu'une question de sentiments qui n'aura aucun poids dans nos décisions si la couveuse est jugée utile.

Samedi 9 Mars

Dans la matinée visite du Dr Hutinel. Il trouve en effet que vu le redressement de la température (il fait près de 15° dehors, 20 dans la chambre et 23 dans le berceau) on peut se dispenser de la couveuse que pour bien faire il eut fallu avoir le jour de la naissance. Mais le Docteur redoute pour le plus petit, Georges, une érysipèle à l'endroit du nombril. Il ordonne un antiseptique et me recommande de l'appeler en cas d'augmentation d'inflammation. Il ordonne également dans ce cas de ne plus coucher les enfants dans le même berceau.

Dimanche 10 Mars

En entrant dans la chambre de Sophie je la trouve tout en larmes. Le pauvre petit Georges n'a pas fermé l'oeil de la nuit il n'a fait qu'un cri. J'envoie une dépêche au Dr Hutinel et envoie acheter un deuxième berceau. La matinée se passe bien les enfants tètent volontiers et reprennent de la mine. Lorsque vers 3h le Dr Hutinel arrive, le mieux s'est accentué. Le Docteur paraît rassuré.

Lundi 11 Mars

Excellente nuit pour tout le monde. Le matin les petits ont un petit air tout reposé.

Lundi 18 Mars

Enterrement de l'Amiral Jaurès, Ministre de la Marine, décédé le 13 mars. En raison de sa belle conduite à l'armée de la Loire le Gouvernement décide que les funérailles auront lieu aux frais de l'Etat aux Invalides. Je vais assister au défilé des troupes aux Invalides.

Jeudi 21 Mars

Sophie qui depuis quelques jours se levait pour changer de lit commence à se lever sérieusement et à marcher un peu par la chambre. Matin, pesée des enfants: Emile:2Kg484 il pesait à sa naissance 2Kg560 il y a donc une diminution de 76gr. Georges: 2Kg422 il pesait à sa naissance 2Kg230 il y a donc une augmentation de 192gr.

Vendredi 22 Mars

Matin pesée des enfants, Emile 2Kg522 augmentation sur la veille de 38gr Georges 2Kg465 augmentation sur la veille 43gr.

Mardi 9 Avril

Mort de M. Chevreul à l'âge de 102 ans, sept mois, neuf jours.

Jeudi 11 Avril

Sophie commence à donner le sein alternativement à Emile et à Georges, Emile paraissant complètement guéri du muguet.. Avec Etienne, Ch. Rivière et Aristide Guibert nous faisons l'ascension de la Tour Eiffel par un temps tout à fait à souhait. Nous nous rencontrons sur la tour avec MM. Berthelot et Mascart. Etienne qui avait emporté un petit appareil portatif de photographie fait plusieurs vues qui montrent entre autres la photographie de ces messieurs sur le sommet de la tour à 300m. Nous montons aussi haut que l'on peut monter c'est-à-dire la terrasse qui domine le phare et d'où part le mât du drapeau. Nous allons ensuite déjeuner dans un restaurant de l'exposition et nous visitons les travaux.

Jeudi 18 Avril

Sophie fait sa première sortie.

Dimanche 21 Avril (Pâques)

Les petits cessent d'être complètement emmaillotés et sont mis bras dehors dans des brassières.

Mardi 30 Avril

Rendu du Concours de la Mairie du Xème Arrondissement. Entre deux averses je.......... dans la cour du papetier les cadres sur mes deux châssis et je puis arriver sans encombre, malgré la pluie, au pavillon de la Ville de Paris au Cours la Reine. Mes châssis mesuraient chacun près de 3m de long sur 1m65 de haut; ils sont portés dans ma charrette et abrités sous des toiles et couvertures. Après avoir déposé mon projet, je vais faire un tour au vernissage. Beaucoup de toilettes très élégantes au Salon, grande affluence. Je vais ensuite visiter les chantiers de l'exposition.

Samedi 4 Mai

Par une journée splendide et chaude Emile et Georges font leur première sortie. Ils restent deux bonnes heures au Luxembourg.

Dimanche 5 Mai

Fêtes du Centenaire de 1789. Père assiste aux cérémonies commémoratives de l'ouverture des Etats Généraux à Versailles. Attentat contre M. Carnot au moment où il quitte l'Elysée pour se rendre à Versailles.

Lundi 6 Mai

Ouverture de l'exposition Universelle. Fête grandiose et émouvante. M. Carnot est chaleureusement acclamé. Foule considérable dans l'enceinte de l'Exposition. Temps menaçant mais qui est très beau toute la journée et toute la nuit. Après une heure de queue j'entre au Champ de Mars à 3 heures. Les étrangers sont venus en foule. La fête est splendide. C'est une belle journée pour la France! La fête de nuit au Champ de Mars et sur la Seine est parait-il de toute beauté. J'assiste du balcon avec Sophie et les enfants aux illuminations et aux feux d'artifices. Nous en voyons trois: Celui de l'Ile des Cygnes, celui des Tuileries et celui du Pont-Neuf. Vers 11h après les feux d'artifices je mène les enfants jusqu'au Pont des Arts voir les illuminations des ponts et des quais.

Vendredi 10 Mai

Jugement du Concours de la Mairie du Xème arrondissement.

Premierer Prix Rouyer, deuxième Legrand, troisième Paul Wallon, quatrième Murcier, cinquième Morice. Le jury était composé de 8 membres, soit 3 nommés par les concurrents: Daumet, Vaudremer, Pascal; 3 nommés par l'administration: Alphand, Garnier, Bonnet; 3 nommés par le Conseil Municipal: Sauton, Hattat, Paillot; soit 7 architectes ou ingénieurs et 2 des 3 conseillers municipaux, Hattet fabricant de chaussures et Paillon négociant en vins.

Premier prix au premier tour: Rouyer 7 voix, Legrand 1, votants 8 (Garnier absent).

Deuxième prix au premier tour: Legrand 8 voix, unanimité.

Troisième prix au premier tour: Paul Wallon.

Quatrième prix: Murcier 7 voix, Henegel 1 voix.

Cinquième prix: Morice 5 voix, Héneux 3 voix.

Samedi 11 Mai

Fête à l'Hôtel de Ville. Banquet de 600 couverts offert par la Municipalité à l'occasion de l'ouverture de l'Exposition au Président de la République, aux ministres, bureaux du Sénat et de la Chambre, de l'Institut, aux principaux organisateurs de l'Exposition, aux représentants des diverses nations étrangères ayant adhéré à I'Exposition: Lord Maire de Londres, etc... Père assistait au banquet comme Secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscriptions. Je vais le soir à la réception. Concert Colonne.

Lundi 13 Mai

Je vais passer l'après-midi à l'Exposition.

Mardi 14 Mai

Matin, Je conduis Sophie au Salon et à l'exposition du concours de la mairie du Xème arrondissement. Après-midi je vais voir les Pignon arrivés de la veille à Paris pour 8 jours.

Jeudi 23 Mai

Louise renouvelle sa première Communion. Banquet au Grand Hôtel offert à M. Garnier, Président de la Société Centrale par la Société en l'honneur de sa promotion de Commandeur de la Légion d'Honneur. Nous sommes 85 convives.

Samedi 25 Mai

Je vais aux convoi et service de M. Léon Puiseux décédé à Paris, rue Claude Bernard 66, le 23 Mai à l'âge de 74 ans.

Lundi 27 Mai

Je conduis pour la première fois Sophie et Louise à l'Exposition. Nous partons en voiture à 1h1/2 pour le Trocadéro où nous visitons l'exposition de fleurs, nous traversons le pont d'Iéna, jetons un coup d'oeil sur l'histoire de l'habitation, passons sous la Tour Eiffel, prenons les jardins jusqu'à la grande fontaine, entrons dans la grande salle de la sculpture, traversons les salles de peinture, revenons par la terrasse vers le dôme central, pénétrons dans la galerie de trente mètres jusqu'à la galerie des machines dont nous admirons la vue d'ensemble en montant au premier étage. Visite de la rue du Caire et de tous les pavillons orientaux, rentrée dans la galerie des Arts Libéraux: Histoire du travail, etc... sortie sur le jardin jusqu'à la gare du chemin de fer Decauville qui nous mène à l'esplanade des Invalides que nous visitons en partie. La pluie commence à tomber à 6h. Nous rentrons à pied vers 7h moins un quart.

Mardi 28 Mai

Dans la soirée je reçois une dépêche de Leclerc puis de Moyaux m'annonçant que le jury du Salon m'avait décerné une deuxième Médaille pour mon exposition du projet de concours de Calais. Je suis ravi ne m'attendant pas à si haute récompense pour un travail qui n'avait pas été fait spécialement en vue du Salon.

Lundi 3 Juin

à 8Hh55 du matin départ pour Châtillon/Seine où je suis invité au mariage de Louise Pignon comme témoin: arrivée à Châtillon à 2h1/2. Je trouve à la gare M. Pignon et sa fille Marguerite venus au devant de moi. Je descend chez M. et Mme Pignon. Visite au cimetière de St Voiles à la tombe de mon ami Charles Saglier. Promenade en ville avec M. Pignon.

Mardi 4 Juin

Dans la matinée promenade avec M. Pignon dans la ville. Je prends plusieurs vues photographiques. A 6h lecture du contrat. 7h1/2 dîner de contrat, 25 couverts environ. 10h mariage à la mairie. Les témoins du marié sont M. le Général Roussel, M. le Commandant du Génie Berthier. Les témoins de la mariée M. Causard de Châtillon et moi comme premier témoin.

Mercredi 5 Juin

10h1/2 le matin, mariage à l'église, midi déjeuner de 25 couverts environ. Après-midi promenade avec M. Pignon et son ami, M. Drouin, percepteur à Reims. Mlle Jeanne Drouin qui a accompagné son père à Châtillon est une charmante jeune fille. Le père un homme des plus sympathiques. Avant le dîner je fais la photographie en groupe de quelques personnes présentes. Les mariés, M. et Mme Arthur Connétable, M. et Mme Pignon et Marguerite, Mme Connétable la mère, M. et Mlle Drouin, Mme Pamart, une tante du jeune homme, et deux officiers d'artillerie. Après le dîner auquel manquent les officiers du Génie obligés de repartir pour Langres, l'inspection ayant lieu le lendemain, soirée dansante jusqu'à 3h1/2 du matin.

Jeudi 6 Juin

Couché à 4h du matin, je me lève à 7h et quitte Châtillon par le train de 9h accompagné à la gare par M. Pignon. Je m'arrête à Troyes à 11h1/2. Je visite la ville que je ne connaissais pas et prends l'express de 3h1/2 qui me met à 6h à Paris. Je rentre à la maison à l'heure du dîner.

Dimanche 9 Juin

André met sa première culotte. Il est bien fier d'être habillé en garçon mais sa marraine est encore plus fière. Emile et Georges mettent aussi leur première culotte... de flanelle. Ils quittent pour la première fois leur maillot le jour. Nous allons nous promener au Luxembourg. André fait son jeune homme. Arrivé devant la fontaine de Carpeaux, il se plante devant, les deux mains dans les poches, et dit: "c'est chic ça". Un peu plus loin il traite de gosses d'autres enfants de son âge, puis il crache par terre, puis il prétend avoir un petit besoin à satisfaire et se met en position devant un arbre. Il lui faut cependant malgré tous ses embarras le secours de sa soeur qui, après avoir tout remis en ordre, vient nous dire: "il n'avait pas besoin, il voulait simplement faire comme un homme". A un autre moment, il dit à sa soeur: "veux-tu que je te montre ce truc!".

Lundi 10 Juin

Le succès de l'Exposition est extraordinaire. On a compté dans cette journée 353.766 entrées payantes.

Jeudi 13 Juin

Eté passer l'après-midi à l'Exposition avec Charles, Henri et Paul.

Lundi 17 Juin

Ouverture du Congrès international des architectes.

Mercredi 19 Juin

Au Congrès je fais une conférence sur les concours publics.

Samedi 22 Juin

Clôture du Congrès. Ascension de la Tour Eiffel.

Lundi 24 Juin

Je vais avec Sophie au Palais de l'Industrie à la distribution des médailles du Salon recevoir ma médaille de deuxième classe. La séance est présidée par M. Fallières, Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux Arts. Le soir après dîner je vais à l'Exposition avec Pierre. Nous assistons au concert (?) et danses du café arabe et après une visite générale de l'Esplanade des Invalides nous allons par le chemin-de-fer Decauville au Champ de Mars. Nous sortons de l'Exposition vers 11h1/2.

Mercredi 26 Juin

J'emmène à l'exposition Sophie, Louise et André ainsi qu'Emile et Georges, avec la nourrice et la femme de chambre, Elise. Nous partons vers 10h par l'omnibus St-Sulpice-Auteuil, entrons dans I'Exposition par la galerie de trente mètres, gagnons en traversant quelques galeries la rue du Caire, nous dirigeons vers la Tour après avoir visité l'histoire du travail, puis vers l'Esplanade des Invalides après divers arrêts. Après avoir visité les principales constructions et les campements, nous quittons l'exposition vers 5h1/2. Les petits ont assez bien supporté cette dure journée.

Jeudi 27 Juin

Dans la matinée je reçois la visite d'Henri Rousseau. Nous passons deux bonnes heures ensemble, enchantés de nous revoir après... des années. Après déjeuner je vais à l'exposition avec Charles, Henri et Paul. Nous visitons toute la partie située sur l'Esplanade des lnvalides. Le soir je dîne à l'Institut avec Adèle et ses enfants, Aristide et Anna, ma tante Jannet, Pierre et Béatrice, André et sa femme, M. et Mme Bouvet., Mlle Angélique Billet.

Mardi 2 Juillet

Emile et Georges sont vaccinés. Sophie les conduit au Dr Bailly à l'Académie de Médecine.

Jeudi 4 Juillet

Je conduis à l'Exposition Sophie, Charles, Louise, Henri, Paul et André, tous les enfants sauf Emile et Georges. Nous partons avant 10h, prenons le bateau au Pont des Sts-Pères jusqu'au Pont d'Iéna. Visite du Panorama le Transatlantique. Ascension de la Tour Eiffel jusqu'au sommet. Montés à 11h1/2 nous y restons jusqu'à 2h, faisant de longs arrêts à chacun des étages. Sophie rentre avec Louise et André. Nous l'accompagnons à mi-chemin des Invalides et la quittons à 4h1/2 pour retourner au Champ-de-Mars décidés à rester avec Ch., H. et P. à la fête de nuit qui doit avoir lieu à l'occasion de l'inauguration de la statue de Bartholdi à l'extrémité de l'Ile des Cygnes. Nous entendons au Pavillon roumain de la musique roumaine, puis je vais chercher au dehors quelques provisions et nous dînons tant bien que mal. La fête est très belle, les enfants paraissent très contents de leur journée et de leur soirée. Nous rentrons à la maison vers 10h1/2. La nuit le pauvre petit Paul est pris de vomissements fréquents; cette journée accidentée a été mauvaise pour son estomac.

Vendredi 5 Juillet

A 8h40 du soir départ pour Calais, arrivée à 1h15 du matin.

Samedi 6 Juillet

A mon lever, pour me reposer du voyage, je vais prendre un bain de mer, le premier de l'année. Je vais ensuite voir M. Beillier, l'architecte de la ville, avec qui je passe la matinée et chez qui je déjeune. J e vais avec lui à la comptabilité de la mairie pour me faire payer ma prime de 4.000Fr que je touche avant mon départ. Je vais également faire visite à M. Wintrebert, maire démissionnaire. Je quitte Calais à 3h et arrive à Lille à 5h. Me dirigeant vers la maison de Jeanne, je rencontre rue (?) Jeanne et sa fille Adèle. Jeanne très étonnée n'avait pas reçu ma lettre et n'avait pas entendu parler de mon voyage. Je dîne et couche chez Jeanne. Après dîner promenade dans Lille avec Jeanne et ses enfants, Adèle, Pierre et Joseph.

Dimanche 7 Juillet

A 10h du matin je quitte Lille pour aller à Tourcoing déjeuner chez H. Rousseau. Je fais connaissance de sa charmante femme et de ses trois enfants. Nous passons ensemble de bonnes heures, puis je le quitte pour aller à Valenciennes où j'arrive à 6h. Valentine, Célestin et leurs enfants, André, Pauline et Marguerite m'attendaient à la gare. Le soir après dîner promenade avec Célestin en ville. Incendie de l'Hôtel du Commerce.

Lundi 8 Juillet

A 8h50 je quitte Valenciennes pour Arras but de mon voyage. Albert Leviez m'avait prié de me rendre à Arras pour lui donner mon avis sur certaines modifications qu'il voulait faire à sa maison. Après déjeuner visite à la famille Taffin. Après dîner à 8h départ pour Paris je rentre à la maison vers minuit.

Mercredi 10 Juillet

Grande fête de nuit au Palais de l'Industrie. Bal offert par les exposants au Gouvernement et à la Municipalité de Paris. Fête très belle et très curieuse. Présence de tous les étrangers qui sont à l'Esplanade des Invalides et de certains autres personnages de marque, rois sénégalais, chefs arabes , etc... Je vais à cette fête avec Père, Pierre Petit, Adèle et ses enfants, Anna et Aristide, Etienne. Je rentre vers minuit.

Lundi 15 Juillet

Eté à l'Exposition avec Charles, Louise, Henri et Paul. Le soir dîner à l'Institut avec Sophie et les enfants, Ch., L., H., P., A.

Mardi 16 Juillet

Banquet des anciens Barbistes sur la Tour Eiffel, présidence du camarade Eiffel. Je me trouve à la même table que Clairon,Potier, Hatin, etc...

Mercredi 17 Juillet

Le matin je vais à Passy voir Henri Petit atteint depuis quelques jours d'une fièvre typhoïde.

Jeudi 18 uillet

Nous partons sans trop de difficultés par le train de 7h45 du matin. A la gare de Rouen nous voyons Henri et Laure. Arrivée à Cany à midi, aux Dalles vers 2h1/2.

Samedi 20 Juillet

Nous prenons notre premier bain de mer, Louise, Henri, Paul, André et moi.

Dimanche 21 Juillet

Avec Sophie visite à Mme Bayard, M. Colin, M. et Mme Nimier, Mme Eskine, Mme Musart. Nous passons ensuite l'après-midi sur la plage avec tous les enfants. Emile et Georges y font leur première apparition.

Jeudi 25 Juillet

Arrivée de Marguerite et de ses enfants aux Dalles.

Samedi 27 Juillet

Père vient passer quelques jours aux Dalles.

Dimanche 28 Juillet

Père, Marguerite et ses enfants viennent dîner à la maison.

Election des Conseils généraux. Echec de M. Boulanger. Le brav'général qui s'était porté dans plus de 400 cantons et qui faisait sonner bien haut son immense triomphe est élu dans... 12 cantons seulement. Ce piteux résultat est-il enfin l'annonce de la fin de ce sinistre saltimbanque?

Mardi 30 Juillet

Arrivée de Geneviève et de ses enfants. Geneviève loge dans la maison Bucquet.

Mercredi 31 Juillet

Dans la matinée nous recevons une dépêche de Valenciennes nous annonçant que Valentine est heureusement accouchée d'une petite fille. C'est la sixième petite fille de Valentine et le quarantième petit-enfant de Père. A 2h arrivée d'Adèle et de ses enfants, Anna, Joseph, André et Jean amenant la petite Pauline de Valentine et Joseph, Adèle, Jeanne et Marie de Jeanne. Joseph doit habiter avec nous, les petites filles avec Adèle. Le soir en l'honneur de la fête de Sophie dîner à la maison. Après dîner illuminations. Nous sommes vingt à table: Père, Marguerite, Geneviève, Adèle et tous les enfants qu'elle a amenés.

Jeudi 1er Août

Père retourne à Paris.

Vendredi 2 Août

Arrivée de Mathilde et de ses enfants aux Dalles. Etienne est parti de son côté pour une saison à Vittel.

Dimanche 4 Août

Conformément à la loi du 1er Juillet 1889 les cendres de Carnot, Marceau, La Tour d'Auvergne, Baudin sont transférées au Panthéon. Lazare Carnot né à Nolay (Côte d'Or) 1753 13 Mai, mort en exil à Magdebourg 2 Août 1823. Marceau Général des armées de la République né à Chartres (Eure et Loir) le 1er Mars 1769, tué à l'ennemi à Altenkirchen (Prusse rhénane) le 23 Septembre 1796. La Tour d'Auvergne, Premier Grenadier des armées de la République, né à Carhaix (Finistère) le 23 novembre 1743, tué à l'ennemi à Oberhausen (Bavière) le 27 Juin 1800. Baudin Représentant du Peuple, né à Nantua (Ain) le 23 Octobre 1811, tué à Paris pour la défense du droit le 3 Décembre 1851.

Mardi 6 Août

A 7h45 je quitte les Dalles. Train à Cany 9h45. Arrivée à Rouen midi. Déjeuner chez Henri et Laure. Après-midi promenade à la Mi-Voie. Dîner chez Henri avec M. et Mme Mauduit. 9h9 départ pour Paris arrivé à la maison vers minuit1/2.

Mercredi 7 Août

Déjeuner avec le fils Beillier de Calais. Après midi divers rendez-vous d'expertise à mon cabinet. Eté voir Père dans la matinée à l'Institut. Le soir dîner avec Père à Passy chez Jeanne. La convalescence d'Henri Petit suit son cours.

Jeudi 8 Août

Matinée courses d'affaires. Après-midi rendez-vous d'expertise. Dîner chez M. Allart. Réception à l'Hôtel de Ville, étudiants français et étrangers. Première audience de la Haute-Cour (Sénat): affaire Boulanger, Rochefort, Dillon. Impression de Père après cette première séance: "C'est un bien sale monde".

Vendredi 9 Août

Matin courses diverses. Après midi rendez-vous d'expertises. Dans la matinée été à Ste-Barbe pour avoir des renseignements et prendre un prospectus d'admission d'élève. Dîner de la Charrette chez Notta: Raulin, Flachiron, Héneux, Chaine, Nénot, Gillet.

Deuxième séance de la Haute-Cour. Je rencontre Père à sa sortie du Sénat. Il est fort impressionné par les révélations du réquisitoire du Procureur général Quesnay de Beaurepaire et croit que la preuve d'attentat pourrait bien être faite.

Samedi 10 Août

Matin 7h45 je quitte Paris. Henri et Laure montent dans le train à Rouen pour venir aux Dalles.

Dimanche 11 Août

Henri et Laure viennent déjeuner avec nous. J'invite notre ancien camarade Cranney en villégiature aux Dalles. Dîner chez Adèle.

Mardi 13 Août

On commence à donner du lait à Emile et Georges.

Mercredi 14 Août

Haute Cour: Condamnation de Boulanger, Dillon et Rochefort à la déportation dans une enceinte fortifiée, maximum de la peine comme contumace. Le général Boulanger est-il coupable du crime de complot? Le complot a-t-il été suivi d'actes préparatoires pour son exécution? 206 voix répondent oui pour les 2 questions (6 abstentions). Dillon même vote, Rochefort 183 contre 18. Sur le détournement 195 voix contre 5 et 10 abstentions. Circonstances atténuantes refusées par 199 voix contre 6 et 8 abstentions.

Dimanche 18 Août

Grand banquet des maires à Paris. Environ 13.000 maires avaient répondu à l'appel de la municipalité de Paris.

Mercredi 21 Août

Grande matinée d'enfants (aux Mouettes), à nos enfants s'étaient joints: enfants d'Adèle, de Jeanne, de Mathilde, de Marguerite, de Geneviève, de Louise Renard, de Mme Léon Renard, de Mme Nimier, de Mme Musard, de Mme Erskine et leurs parents. Soit environ 35 enfants et 25 grandes personnes sans compter toutes les bonnes portant les plus petits. Par bonheur le temps est beau ce qui ne s'est pas vu depuis longtemps. Les enfants peuvent jouer dans le jardin jusqu'à l'heure du goûter. Après le goûter danses et rondes jusqu'à 6heures. Tout ce petit monde paraît s'être fort amusé. Au milieu de la fête je photographie tout le monde réuni sur la pelouse.

Vendredi 23 Août

Pendant que je suis sorti Flachiron qui est venu passer quelque temps à St -Pierre-en-Port vient pour me voir.

Samedi 24 Août

Je vais à St- Pierre-en-Port voir Flachiron, nous revenons ensemble jusqu'aux Dalles.

Dimanche 25 Août

Flachiron vient déjeuner avec nous.

Mardi 27 Août

Flachiron vient déjeuner et dîner avec nous. Le soir après dîner nous l'accompagnons Charles, Henri, Joseph et moi jusu'aux Grandes-Dalles.

Mercredi 28 Août

Départ d'Adèle et de ses enfants. Adèle doit aller passer le mois de septembre en Bretagne chez Mme de La Gillardaie. Adèle emmène à Paris Joseph Adèle, Jeanne et Marie Petit.

Jeudi 29 Août

Flachiron vient déjeuner avec nous.

Samedi 31 Août

Flachiron vient passer la journée aux Dalles. Le soir la pluie commençant à tomber nous le décidons à coucher aux Mouettes.

Dimanche 1er Septembre

Dans la matinée je vais faire une grande partie de tennis avec Flachiron. A 2h nous donnons un pas de conduite à Flachiron retournant à St-Pierre.

Lundi 2 Septembre

Louise et Henri qui faisaient quelques brassées à peine au commencement de la saison nagent maintenant très bien. Paul fait depuis quelques jours 15 à 20 brassées de suite, il est probable qu'il saura nager avant la fin de la saison. Aujourd'hui Louise et Henri ont été jusqu'au radeau qui était assez éloigné du bord. Sans hésiter Henri grimpe sur le radeau et se jette à l'eau: une deuxième fois il recommence toujours de lui-même et, son pied ayant glissé il tombe à l'eau la tète la première en se contusionnant légèrement le corps au radeau. Un instant le voyant disparaître je crus qu'il allait prendre peur, pas du tout, il se mit à nager comme si de rien n'était et avec le plus grand sang-froid il parlait de recommencer. Le bain ayant suffisamment duré je lui dis de revenir au bord. Sa présence d'esprit me fit plaisir.

Mercredi 4 Septembre

Flachiron vient dès le matin passer la journée avec nous. Nous continuons à passer notre temps à faire de bonnes parties de tennis. Flachiron retourne à St-Pierre après le dîner.

Vendredi 6 Septembre

Flachiron vient nous faire ses adieux avec son frère M. Duvivier.

Samedi 7 Septembre

Excursion à Fécamp et Yport. Matin à 7h42 je parts pour Fécamp avec Charles, Louise, Henri et Paul. Après avoir visité Fécamp et déjeuné sur la plage nous nous mettons en route à pied pour Yport. Visite à M. Pressard. Retour à Fécamp à 3h1/2 pour prendre la voiture. Rentrée aux Dalles à 6h1/2. Henri et Laure arrivés l'après-midi aux Dalles avec Père qui est allé passer 3 jours à Paris.

Dimanche 8 Septembre

Promenade après midi dans les Avenues avec Père, Mme Cronier, Henri et Laure, Sophie et les enfants. Henri retourne à Rouen à 5h1/2.

Vendredi 13 Septembre

Nous allons faire une promenade en mer avec M. Fromageot, Etienne, M.L. Renard, Charles, Henri, Paul et moi. Nous allons à la voile jusqu'à St-Pierre-en-Port; la mer est légèrement agités au large. Henri a le mal de mer avec vomissements, Paul ne vaut guère mieux, il est vert comme pré mais ne vomit pas. Ils se promettent bien au retour de ne plus mettre le pied sur un bateau. Quant à Charles il paraît être sur son élément, heureux, chantant, montant sur les bancs se tenant debout contre le mât.

Samedi 21 Septembre

Je vais à Paris pour les élections générales. J'arrive à 5h. Après avoir été voir M. Allart je vais à Passy dîner chez Jeanne avec Père.

Dimanche 22 Septembre

Elections générales. Les candidats de ma circonscription sont: Trélat républicain, de Lanessan et Collin radicaux, Lenglé boulangiste. Je vote pour Trélat. A midi je reprends le train pour retourner aux Dalles. Je voyage avec Père, M. Musart, M. Fromageot partis en même temps que moi des Dalles pour aller également voter.

Lundi 23 Septembre

Grande charade organisée à la maison avec le concours d'Etienne, de Ch. Rivière, Pierre Bardy, M. Vauthier, M. Vuillemain, etc. Le mot est Colonial: Colle-eau-nie-halle. Brillante collaboration, brillante réussite. Tout le monde paraît content. Invités: famille Renard, Cronier, Letellier, Masson, Erskine, Musart, Bardy, Sommonnnet, Fromageot, Vauthier, Vuillemain, Peltier.

Résumé de la charade:

Colle: Scène d'afficheurs, affiches électorales.

Eau: la scène se passe dans un salon de jeu d'une ville d'eau. Médecin Ch. Rivière, interrompu dans ses parties de baccara par de continuelles demandes de consultation de malades.

Nie: Scène de tribunal. Un accusé pour vol nie toujours; réquisitoire, plaidoirie, jugement.

Halle: Scène de marchands et d'acheteurs. Enseignes de marchands de fruits et de marchands de poisson, faites par M. Vuillemain

Colonial: Scène de l'Exposition. Danses du ventre (Pierre Bardy en almée). Danse javanaise (M. Vuillemain).

Samedi 28 Septembre

Retour de la famille à Paris. Nous quittons les Dalles à 5h après avoir dîné chez Père. Le voyage se passe admirablement sans le plus petit accroc et sans trop de fatigue pour les enfants. Nous arrivons à 11h40 gare St-Lazare et avant minuit et 1/2 à la maison.

Mardi 1er Octobre

Obsèques du général Faidherbe, Grand Chancelier de la Légion d'Honneur, décédé le 28 Septembre.

Mercredi 2 Octobre

Eté à l'Exposition.

Jeudi 3 Octobre

A 11h du matin baptême d'Emile et Georges à l'église St-Etienne-du-Mont. Célestin parrain, Jeanne marraine. Pendant la cérémonie les deux petits sont très amusants à regarder. Il suivent d'un oeil étonné tous les mouvements du prêtre et après avoir pris le sel tètent leur langue pendant longtemps passant et repassant leur petite langue sur leurs lèvres. Après la cérémonie déjeuner à ma maison: Célestin, Jeanne, Etienne, Pierre Petit, Geneviève et son mari.

Vendredi 4 Octobre

Exposition.

Samedi 5 Octobre

Eté à l'Exposition avec Louise.

Dimanche 6 Octobre

Matin je vais voter. M. Trélat s'étant retiré comme ayant obtenu au premier tour moins de voix que son concurrent républicain M. de Lanessan je vote pour ce dernier afin de faire échec au candidat boulangiste P. Lenglé. M. de Lanessan est élu. Après midi je conduis Charles, Henri et Paul à l'Exposition; plus de 335.000 visiteurs; la journée est très belle. Au retour nous entrons dans certaines salles de vote pour assister au dépouillement. Après dîner je vais place du Panthéon pour connaître les résultats du scrutin. De Lanessan républicain est élu mais dans la première circonscription Naquet, Boulangiste, l'emporte sur son concurrent républicain de Bourneville. Je vais ensuite sur les boulevards. Affluence considérable à l'angle des rues Richelieu et Drouot devant le local du Gaulois qui affiche les résultats sur un transparent au fur et à mesure qu'ils sont connus. En somme bonne journée pour la république. Malgré une campagne des plus violentes menée par la coalition boulangiste, monarchiste, bonapartiste et de tous les mécontents, la République triomphe. Le Boulangisme est enfin balayé.

Mardi 8 Octobre

Exposition.

Jeudi 10 Octobre

Exposition avec Charles, Louise, Henri et Paul.

Vendredi 11 Octobre

Dîner de la Charrette.

Samedi 12 Octobre

M. le Dr Hutinel que nous avions prié de venir voir petit Georges un peu mal en train depuis quelques jours avec un peu de fièvre et de rhume nous dit que ce ne sera rien. Exposition.

Dimanche 13 Octobre

Dans la matinée sur l'invitation de Nénot architecte de la Sorbonne je vais faire avec lui une partie de tennis dans une des grandes salles non encore meublée de la nouvelle Sorbonne. J'emmène Henri et Paul, Charles étant occupé à terminer un devoir. Après midi je conduis à l'Exposition Charles, Henri et Paul. Temps superbe affluence considérable, la plus considérable que l'on ait vue depuis l'ouverture de l'Exposition. Près de 400.000 entrées payantes 387.877 chiffre exact. Le plus gros chiffre atteint avait été 353.877 le lundi de la Pentecôte.

Lundi 14 Octobre

Exposition.

Jeudi 17 Octobre

Eté au bal de l'Elysée. Après-midi Exposition.

Vendredi 18 Octobre

Exposition.

Samedi 19 Octobre

Exposition. Soirée chez Mme Delaborde.

Dimanche 20 Octobre

Après midi été avec les enfants Charles, Henri, Paul et André à pied jusqu'à Passy pour voir Jeanne que nous ne rencontrons pas. Le soir dîner à l'Institut, Sophie reste avec Louise qui, souffrante depuis la veille, avait gardé le lit.

Lundi 21 Octobre

M. le Dr Hutinel vient voir Louise qu'il trouve debout et en bonne santé. La petite indisposition de Louise qui s'était déjà présentée aux Petites Dalles il y a un mois est due à sa croissance et à son développement.

Mardi 22 Octobre

Exposition.

Jeudi 24 Octobre

J'emmène Louise à l'Exposition dès 8h du matin. Après avoir visité toute la peinture française et l'exposition centennale nous allons déjeuner au restaurant roumain. Pendant le déjeuner charmante musique de Roumanie. A 1h ainsi qu'il était convenu Charles, Henri et Paul viennent nous rejoindre. Nous visitons alors l'histoire du travail et les différents pavillons des républiques américaines et du Brésil après quelques autres visites dans les galeries, nous quittons l'Exposition vers 4h. A l'exposition je fais découper la silhouette de Louise, ce qui se fait en 1 minute à peine, habileté extraordinaire et grande ressemblance.

Samedi 26 Octobre

Eté passer la matinée avec Sophie à l'Exposition. Partis à 8h nous rentrons à midi. Soir dîner chez Geneviève avec les enfants.

Dimanche 27 Octobre

Après midi conduis Charles, Louise, Henri et Paul à Buffalo? Soir dîner à la maison: Père, Adèle, Anna et Joseph, M et Mme de La Gillardaie, Marguerite et son mari, Geneviève et son mari.

Lundi 28 Octobre

Matin je vais à l'Exposition. Après midi j'y conduis André qui revient enchanté et fait à sa maman et ses frères et soeur des récits étonnants de tout ce qu'il a vu. Il est tout exalté et a profité de sa visite plus que je n'aurais jamais pu le penser d'un enfant de son âge. Les jouets l'ont moins intéressé que la fabrication du papier et l'impression des journaux qu'il raconte d'une façon toute gentille, le phonographe que je lui fais entendre, etc...

Mardi 29 Octobre

Exposition.

Mercredi 30 Octobre

Eté passer toute la journée avec Sophie à l'Exposition. Déjeuner au restaurant roumain.

Jeudi 31 Octobre

Henri et Laure viennent passer quelques jours à Paris. Je les rejoins à l'Exposition.

Vendredi 1er Novembre

Eté toute la journée à l'Exposition avec Charles, Louise, Henri et André.

Samedi 2 Novembre

Matin à l'Exposition déjeuner, au restaurant roumain avec Henri et Laure et Pierre Petit. Soir dîner à l'Institut avec Henri et Laure, Pierre, Jeanne et leurs enfants, Etienne et Mathilde, Geneviève. Père reçoit dans la soirée une dépêche lui annonçant la mort de M. Mimerel.

Lundi 4 Novembre

Exposition.

Mardi 5 Novembre

M. Evelard, ancien professeur de St- Louis et que m'a indiqué Alfred Croiset viendra donner sa première répétition à Charles. Il viendra deux fois par semaine, le mardi et le samedi. Matin Exposition.

Mercredi 6 Novembre

Clôture de l'Exposition. Je vais une dernière fois à l'Exposition. Depuis le 1er Octobre j'y suis allé 28 fois.

Samedi 9 Novembre

Je vais à l'Exposition pour photographier le Palais des Produits Alimentaires de Raulin, mais l'administration me refuse l'autorisation. La mesure est formelle aucune autorisation ne peut plus être donnée depuis le jour de la clôture. Je vais alors prendre des vues d'ensemble du côté du Pont de l'Alma.

Mardi 12 Novembre

Dans la matinée je retourne au Pont de l'Alma reprendre quelques vues de l'Exposition des Produits Alimentaires. Rentrée des Chambres: la manifestation projetée des Boulangistes avorte. Grandes mesures militaires et de police avaient été prises pour la réprimer.

Vendredi 15 Novembre

Je pars pour St-Brieuc par le train de 7h3O du matin arrivée à 6h. Je dîne chez M. Maignan.

Samedi 16 Novembre

Matinée passée à l'Evêché avec M. Maignan pour examiner les travaux d'installation du nouvel évêque M. Fallières. Après midi visite à M. et Mme Coureau. Déjeuner et dîner chez M. et Mme Maignan. J'apprends par une lettre de Sophie que Paul a été quatrième en Français.

Dimanche 17 Novembre

A 6h du matin départ pour Paris arrivée à 4h2O gare St Lazare. En rentrant j'apprends la mort de la petite Marie-Louise Deltombe décédée le matin à Valenciennes d'une méningite.

Samedi 30 Novembre

1ère dent de petit Georges.

Mardi 3 Décembre

Reprise de leçons d'escrime. Je suis invité par Nénot à prendre part aux leçons d'escrime qui auront lieu le mardi et le samedi de 5h à 7h du soir à l'agence de la Sorbonne. Prix des leçons 1OF par mois, 1F pour la masse.

Vendredi 13 Décembre

Henri premier en Français.

Samedi 14 Décembre

Henri en rentrant du lycée l'après-midi est pris de l'indisposition qui sévit dans Paris depuis plusieurs jours. Cette épidémie à laquelle on donne le nom étrange d'Influenza est caractérisée par des maux de tète une courbature générale et des vomissements. Henri se couche en proie à une fièvre très violente, il passe une très mauvaise nuit et rend de la bile en abondance.

Dimanche 15 Décembre

Dans la matinée Paul est pris à son tour et garde le lit. Henri souffre de très violents maux de tête et continue à rendre de la bile. Paul paraît moins violemment atteint mais il éprouve les mêmes symptômes, fièvre, courbatures et vomissement de bile. Après midi, je vais avec Sophie et les enfants valides Charles Louise et André dans l'atelier de Cranck où mon père a donné rendez-vous à la famille pour voir son buste que le sculpteur valenciennois vient de terminer en terre. Nous sommes tous ravis du résultat. Le soir nous devions dîner chez Père avec les enfants, mais Sophie préfère rester pour garder Henri et Paul. J'y vais avec Charles, Louise et André.

Lundi 16 Décembre

Henri et Paul vont mieux mais souffrent toujours de la tête. Ils prennent un peu de bouillon. Vers 6h du soir ils se lèvent afin de se donner un peu de force pour aller au lycée le lendemain car ils ne veulent pas manquer les compositions de récitation qui doivent avoir lieu cette semaine.

Mardi 17 Décembre

Henri et Paul assez bien remis retournent au lycée pour la classe de l'après-midi. Louise est prise à son tour et se couche vers la fin de l'après-mdi. Elle passe une nuit agitée.

Mercredi 18 Décembre

Même état chez Louise: fièvre, maux de tête. Pierre et Jeanne ayant eu par M. et Mme Bouisson la loge de M. Claretie, Directeur de la Comédie Française, invitent la famille. Sophie ne veut pas quitter Louise. Je vais seul et me trouve dans la loge avec: Père, Jeanne et Pierre, Adèle et ses enfants: Anna, Aristide et Joseph, Geneviève et Charles Rivière. On donnait Me Guérin d'Emile Augier.

Jeudi 19 Décembre

Louise va mieux mais n'est pas encore bien vaillante.

Samedi 21 Décembre

Louise peut aller à son cours de Solfège. Elle en revient un peu fatiguée. Dans la soirée Sophie se trouve souffrante, elle a beaucoup de fièvre la nuit. On licencie les lycéens; les vacances du Jour de l'An sont ainsi avancées de 8 jours.

Dimanche 22 Décembre

Sophie après une très mauvaise nuit se sent très abattue, néanmoins elle se lève comme à l'ordinaire mais garde la chambre.

Lundi 23 Décembre

Sophie va mieux et quoique très grippée elle sort l'après-midi pour conduire les enfants au Luxembourg.

Mardi 24 Décembre

Charles est pris à son tour; il reste couché avec beaucoup de fièvre. Sophie par sa sortie de la veille n'a fait qu'aggraver sa grippe, le soir elle est presque sans voix.

Mercredi 25 Décembre

A son réveil petit Emile est fort abattu. Il a beaucoup de fièvre et gémit. Il doit souffrir de la tête. Charles est toujours dans le même état, Sophie tousse beaucoup et a presque perdu la voix. Elle sort néanmoins pour conduire les enfants à la messe.

A leur réveil les enfants trouvent leurs chaussures rangées en cercle autour de la cheminée de mon cabinet (14 chaussures plus les chaussures de Sophie = 16) avec pour:

Charles une gourde en métal, une boite de pastilles au miel, un gâteau, deux mandarines, un tout petit bocal de cerises à l'eau-de-vie.

Louise un sac à ouvrage en paille, une boîte de pastilles au miel, un gâteau, deux mandarines, une bonbonnière, cerises à l'eau-de-vie.

Henri une gourde en métal, une boîte de pastilles au miel, un gâteau, deux mandarines, cerises à l'eau-de-vie.

Paul la même chose.

André une boîte de soldats de plomb, une boîte de pastilles au miel, un gâteau, deux mandarines, cerises à l'eau-de-vie.

Emile et Georges chacun un hochet grelot, une soucoupe japonaise en bois, un bâton racine de guimauve et enfin une bouteille de sirop de tolu, une boîte de pastilles au miel.

Vrai Noël de circonstance.

Dans la journée Emile va mieux. Le soir Georges a de la fièvre.

Jeudi 26 Décembre

Charles se lève l'après-midi après avoir déjeuné d'assez bon appétit d'une 1/2 douzaine d'huîtres. Les petits frères sont assez bien. Sophie est toujours sans voix. Dans la matinée je reçois la visite d'Henri Rousseau avec lequel il est entendu que je vais lui construire une maison rue Monge sur l'un des lots non vendus le 3 Décembre à la Chambre des Notaires (lot N°2) et que nous allons essayer d'obtenir à l'amiable sur la mise à prix de 300F. J'étudierai cette affaire pour moi mais tout disposé à la céder à Henri qui depuis plusieurs mois m'avait chargé de lui trouver un placement en maison ou construction d'environ 350.000F. Je lui avais déjà parlé de la rue Monge, mais il paraissait ne devoir s'en soucier qu'à moitié. Il fait par délicatesse quelques difficultés pour accepter cette affaire que je crois bonne, et veut me la laisser en me demandant de lui en trouver une analogue. Je le décide à accepter celle-ci. L' après-midi je vais à la Ville porter la demande d'Henri, cession du lot N°2 au prix de la première mise en vente 300F, grâce à une lettre de recommandation de mon ami Santon, Conseiller Municipal. On me promet dans les bureaux de soumettre l"affaire avec avis favorable à la Commission du Conseil avant la fin de la session, c'est à dire avant la fin de l'année.

Vendredi 27 Décembre

Etat général satisfaisant sauf Sophie qui n'y a pas encore retrouvé la voix.

Samedi 28 Décembre

Nous administrons une purgation à Charles, Henri et Paul. Sophie est toujours souffrante.

Mardi 31 Décembre

Sophie est toujours souffrante et garde la chambre. M Allart est pris à son tour et fait venir le médecin. Il tousse beaucoup mais le médecin déclare que la poitrine n'est pas prise.