1887

 

 

Samedi 1er Janvier

Matin été avec Sophie et tous les enfants chez M. Allart puis à l'Institut. après-midi à la Visitation chez ma tante Jannet, chez Béatrice. Je vais ensuite faire visite avec Sophie chez Mme Dupont et chez Mathilde. Dîner à l'Institut avec Sophie et les enfants sauf André, M. Allart, Adèle et ses enfants, Geneviève et son mari.

Dimanche 2 Janvier

Je vais avec Sophie faire visite à M. et Mme Olléris à M. Questel. Je vais ensuite porter une carte de remerciements à M. Kaempfer. Directeur des Beaux-Arts à l'occasion de mes palmes d'officier d'Instruction Publique et voir Mme Chaine.

Lundi 3 Janvier

Les enfants m'offrent les petites palmes en or d'officier d'Instruction Publique avec la rosette.

Mardi 4 Janvier

La neige tombe abondamment; Charles va seul au Lycée nous gardons Henri qui est fort enroué.

Dimanche 9 Janvier

Je vais à Grignon avec Adèle et son fils Aristide, Etienne, Charles Rivière à l'enterrement de M. Petit décédé le vendredi 7 à l'âge de 89 ans. Pierre appelé par dépêche était arrivé à Grignon vendredi matin quelques heures avant la mort de son père. Nous rentrons à Paris par le train de 5h. J'emmène le Capitaine Bouisson dîner avec nous à la maison.

Lundi 10 Janvier

Pierre de retour de Grignon vient déjeuner avec nous. Je passe l'après-midi avec lui; nous allons chez Adèle et chez le Général Hallier. Il retourne à Fontainebleau par le train de 5h.

Mardi 11 Janvier

Mariage de Jeanne Chevau avec le Capitaine Mimerel. Père assiste à la cérémonie qui se, fait sans invitation. Père est un des témoins.

Mercredi 12 Janvier

Je vais avec Sophie chez ma tante Jannet. L'après-midi je lis mon compte-rendu annuel de Secrétaire Principal devant le Conseil.

Jeudi 13 Janvier

Dîner à l'Intime Club chez Magny. Etaient présents Raulin, Etienne Flachiren., Héneux, Pray, Tournade, Motte, Besnard et moi.

Jeudi 20 Janvier

Assemblée Générale de la Société Centrale; je lis mon compte-rendu annuel de Secrétaire Principal. Le soir dîner de cérémonie à l'Institut en l'honneur de Jeanne Chevau, aujourd'hui Jeanne Mimerel et de son nouveau mari le comte Mimerel. Un peu passé et cassé, le pauvre cousin! Il se dit âgé de 48 ans, il en parait facilement 60. Il est goutteux. Assistaient au dîner Adèle, Anna et Aristide Guibert, Etienne, Geneviève et son mari, ma tante Jannet, Pierre Puiseux et Béatrice, Sophie et moi.

Vendredi 21 Janvier

Quelques expressions d'André:

Tane pour pomme de terre, Schou (prononcer à l'Allemand) pour Sou, Hen-i Henri, Mâ-on Marron. Schou mâ-on pour sou pour acheter des marrons. Le petit polisson a pris en affection la boutique du marchand de marrons installé en face de la grille du Luxembourg et force sa mère à y faire de fréquentes visites. Des fenêtres de l'appartement même, il désigne et interpelle le marchand de marrons. Ma-i pour Marie, Schaille pour Charles, 0-i pour Louise, il peleure pour il pleure, une calaque ou quelaque pour une claque, m'chè! pour mouchez (lorsqu'il vient d'éternuer).

Dimanche 23 Janvier

Henri vient de Rouen passer la journée à Paris. Il déjeune à la maison avec Père. Nous faisons sortir Petit.

Mercredi 26 Janvier

Petit André prononce les r en les faisant ronfler. Il disait encore hier ma-on Hen-i il dit maintenant marrrron Henrrri. C'est un bien gentil petit homme, caressant!!!

Samedi 29 Janvier

Dîner chez M. Questel avec Sophie. Convives: les gendres Daumet et Gion et leurs femmes, M. et Mme Boitte, M. et Mme Pascal, M. et Mme Raulin, M. et Mme Salard, Ehrmann, Roux.

Jeudi 3 Février

Nous allons passer la soirée chez Béatrice.

Vendredi 4 Février

A 1h1/2 réunion des experts Petit de Villeneuve, Gion et Lalanne rue Feydeau. Assistaient également au rendez-vous les entrepreneurs de maçonnerie, de menuiserie et de serrurerie: MM. Sauton, Rousseau, Malharbet. On fait constater aux experts de nombreux tassements existant dans la maison Patry du côté de ma propriété, tassements très anciens ainsi que le prouve l'examen des portes et fenêtres où des alaises ont été rapportées à des époques très anciennes pour racheter le hors niveau.

Samedi 5 Février

Geneviève et son mari viennent dîner avec nous.

Charles est troisième en Allemand. Il était le premier pour la composition écrite mais l'examen oral lui fit perdre sa place. Il occupe néanmoins la première place de sa classe mais avec 2 autres de ses camarades:

Première composition: Charles Wallon 10 points, Chacher 9 points Homery 8 points, Petit 7 points, Jouault 6 points.

Deuxième composition: Homery 10 points ensemble 18 points, Chacher 9 ensemble 18, Petit 7 ensemble 14, Jouault 6 ensemble 12.

Après-midi nous recevons la visite d'Albert Leviez de passage à Paris.

Dimanche 6 Février

Nous dînons en famille chez Adèle avec Jeanne arrivée de la veille de Fontainebleau et pour 2 jours à Paris.

Vendredi 11 Février

Dîner de la Charrette chez Notta. Etaient présents: Raulin, Etienne, Tournade, Bellat, Gillet, Lalanne, Sauton, Pray, Héneux, Motte, Flachiron, Nénot, Bariller, Glaize, Ewald et moi: seize convives, nous n'avions jamais été aussi nombreux.

Dimanche 13 Février

Nous faisons sortir Petit. L'après-midi nous allons avec tous les enfants au musée du Louvre.

Lundi 14 Février

Paul va à l'école chez Mme Cazaux. Sa maman le conduit dans la matinée pour faire son entrée. L'après-midi je vais avec Sophie consulter le Dr Ménière, auriste, pour moi.

Mardi 15 Février

En ouvrant mon journal le soir j'apprends la mort de M. Hy. Corne décédé la veille à 6h du soir à Douai. Un instant après Père vient nous l'annoncer; la nouvelle avait été annoncée dans la journée au Sénat par le Président. Puis Henriette nous apporte de la part de M. Allart une dépêche d'Albert Leviez. L'enterrement aura lieu à Douai le jeudi 1er.

Mercredi 16 Février

Henri et Laure arrivent à Paris pour quelques jours. Je déjeune avec eux à l'Institut. L'après-midi visite de M. et Mme Raulin à Sophie; en même temps arrivent Laure, Adèle et Anna puis Aristide. A 6h50 je pars pour Arras. Je trouve à la gare Albert Leviez venant au devant de moi et des Lambert. Nous couchons chez Mme Leviez. M. Allart souffrant d'un grand mal de rein n'avait pu m'accompagner.

Jeudi 17 Février

Enterrement de M. Hy. Corne. A 8h50 du matin nous partons pour Douai. Albert et Georges Leviez, Arthur et Antoinette Lambert et moi. Après être entrés à la maison mortuaire je vais voir ma tante Barbedienne. Le service a lieu à 11h. Enorme affluence, aspect imposant de la maison à l'église St-Pierre, une musique de la ville alternant avec les chants d'Eglise. Père, parti de Paris le matin à 8h rejoint à l'église vers midi. Au cimetière discours de M. Merlin, maire de Douai et Sénateur et de M. xxx au nom de la Société d'Agriculture. Au sortir du cimetière, après une visite sur la tombe de ma mère je vais avec Père chez Mlle Corne. Père reprend le train de 1h53 devant dîner le soir chez Pierre Puiseux avec Henri et Laure. Après avoir déjeuné chez Mlle Corne je vais passer la fin de l'après-midi chez ma tante Barbedienne. Nous allons ensuite avec Frédéric visiter la maison de la place St xxx. Je dîne avec ma tante et repars à 7h33 pour Paris où j'arrive à 11h.

Dimanche 20 Février

Les enfants vent pour la première fois au théâtre. Nous les conduisons, Charles, Louise, Henri et Paul au théâtre du Chatelet voir jouer "Le tour du Monde en 80 jours". Ils y prennent un plaisir extrême et le soir c'est à qui racontera la pièce à leur bon-papa Allart. Henri mon frère était avec nous, Laure était allée à un concert.

Mercredi 23 Février

Les 2 domestiques Marie et Joséphine ayant découché rentrent dans la matinée pour faire leur malle et partir.

Jeudi 24 Février

Nous dînons chez M. Allart. Sophie est toujours sans domestiques.

Vendredi 25 Février

Henri un peu souffrant. après-midi nous le gardons à la chambre.

Lundi 28 Février

En revenant du lycée le matin Henri se sent un peu souffrant. Depuis plusieurs jours, il est atteint d'un gros rhume. Dans l'après-midi il reste étendu dans un fauteuil sans vouloir se coucher. Nous remarquons des petites rougeurs sur sa peau; le soir les rougeurs ont fort augmenté. Nous redoutons la rougeole.

Mardi 1er Mars

Matin très forte éruption, beaucoup d'accablement. Le Dr Hutinel constate la rougeole.

Jeudi 3 Mars

Henri commence à crier la faim, on lui fait boire un peu de bouillon.

Vendredi 4 Mars

Henri prend du tapioca léger.

Dimanche 6 Mars

Henri va de mieux en mieux. Il mange avec son tapioca un oeuf à la coque. L'après-midi il se lève pendant 2 heures.

Lundi 7 Mars

Je vais avec Sophie chez le Dr Ménière et commence un traitement d'électricité. M. Léon Margotin élève de l'E.N.B.A. vient travailler avec moi pour le concours d'Hôtel de Ville à Vincennes. A partir d'aujourd'hui, pour laisser la salle à manger libre comme atelier, nous prenons nos repas (les déjeuners) dans la chambre du fond débarrassée des lits. Charles, Louise, Paul et André couchent dans une autre chambre, Henri avec sa rougeole dans la chambre voisine.

Mardi 8 Mars

A 4h1/2 Charles revient du lycée très accablé. Louise et Paul pas vaillants non plus se couchent également. Dans la nuit la rougeole se déclare très nettement pour Charles.

Deuxième séance d'électricité chez le Dr Ménière.

Mercredi 9 Mars

Matin Charles a une très forte éruption. Louise, Paul et André toujours accablés n'ont encore aucune rougeur. L'après-midi l'éruption se déclare un peu chez Louise et très peu chez André. Henri est tout à fait gaillard. Nous faisons un changement de lit pour les enfants. Louise, André et Henri couchent dans notre chambre, Paul et Charles dans la chambre voisine.

Jeudi 10 Mars

Le matin l'éruption s'accentue sur Louise et André, à peine visible sur Paul. M. Hutinel que nous avons fait prévenir prescrit des médicaments différents pour chacun des enfants. Il nous recommande de bien surveiller André et de le prévenir s'il survenait quelque chose de particulier ou si la fièvre augmentait. Le soir, un peu inquiet des paroles prononcées le matin par le médecin sur André et un peu effrayé de l'accablement de l'enfant nous envoyons une carte télégramme à M. Hutinel pour le prier de venir le lendemain matin.

Quatrième séance d'électricité chez le Dr Ménière.

Vendredi 11 Mars

Le Docteur trouve que la maladie suit son cours et qu'il n'y a aucune complication chez André.

Cinquième séance d'électricité chez le Dr Ménière.

Samedi 12 Mars

La journée est assez bonne pour tous; ils commencent à être insupportables, à se taper les uns sur les autres, Charles et Paul du moins avec Henri, car Louise est toujours très abattue et triste. André veut toujours se faire porter pas sa maman.

Lundi 14 Mars

Sixième séance d'électricité chez le Dr Ménière.

Mardi 15 Mars

Je commence le rendu de mon projet de concours d'Hôtel de Ville de Vincennes aidé par M. Margotin élève de l'Ecole des Beaux Arts.

Septième séance d'électricité chez le Dr Ménière.

Mercredi 16 Mars

Charles commence à se lever.

Huitième séance d'électricité chez le Dr Ménière.

Samedi 19 Mars

Paul se lève pour la première fois, le pauvre enfant a mauvaise mine, sa diarrhée ne discontinue pas.

Dimanche 20 Mars

André se lève pour la première fois, le pauvre petit ne sait plus guère faire usage de ses jambes et trébuche aux premiers pas; il en parait lui-méme tout étonné. Le soir tout le monde dîne à table. Pour la première fois depuis le 28 février nous sommes tous réunis.

Lundi 21 Mars

Dixième séance d'électricité chez le Dr Ménière.

Mardi 22 Mars

Onzième séance d'électricité chez le Dr Plénière.

Mercredi 23 Mars

Douzième séance d'électricité chez le Dr Ménière.

Jeudi 24 Mars

Treizième séance d'électricité chez le Dr Ménière.

Vendredi 25 Mars

Le Dr Ménière ne nous engage pas à continuer le traitement.

Samedi 26 Mars

J'écris à M. Gréard, Recteur, pour lui demander de laisser composer Charles en Allemand. Dans la journée Sophie était allée voir le Censeur pour lui demander la permission de faire rentrer Charles et Henri au lycée. Le Censeur avait répondu que le règlement était formel, qu'on ne pouvait rentrer avant 40 jours à la suite d'une maladie contagieuse. Il engageait Sophie à s'adresser au Recteur.

Dimanche 27 Mars

Je vais voir M. Gréard à la Sorbonne. Très aimable il m'accorde la permission que je lui demande en disant que Charles composera à l'infirmerie afin d'éviter tout contact avec ses camarades. Dans la matinée Charles et Henri prennent leur bain.

Lundi 28 Mars

Je reçois une lettre de M. Gréard revenant sur l'autorisation qu'il m'avait donnée. Le proviseur M. Gidel lui ayant fait observer que les mesures qu'il avait proposées étaient impraticables et avaient déjà été refusées à d'autres élèves. Notre pauvre Charles est désolé. Cette rigoureuse interdiction lui fait manquer les compositions d'Allemand et de récitation, facultés dans lesquelles il tient la tête de sa classe. Il perd deux prix et sans doute deux premiers prix.

Jeudi 31 Mars

Remise du concours de Vincennes à la Caserne Lobau.

Vendredi 1er Avril

Vote à la caserne Lobeau pour les 3 délégués au jury, du concours d'Hôtel de Ville de Vincennes. Exposants: 74, votants 47. Sont nommés au deuxième tour de scrutin: Raulin 26 voix, Mayeux 19, Questel 15.

Samedi 2 Avril

Je vais au bal de l'Hôtel de Ville offert par la Municipalité.

Louise, Paul et André prennent leur bain.

Dimanche 3 Avril

Première sortie des enfants. Journée splendide et chaude. Nous passons l'après-midi au Luxembourg avec Geneviève, Marguerite, Adèle et Jeanne à Paris pour deux jours.

Lundi 4 Avril

De plus en plus charmant notre petit bonhomme d'André. Il est l'idole de ses frères et soeur et... de ses parents. Un peu maigri à la suite de sa rougeole, il lui reste cependant une assez belle mine. Il devient gamin et bavard lui qui a été si long à se décider à parler. Il dit Atré pour André, famère pour chemin de fer, Ari pour Henri.

Mardi 5 Avril

Je déjeune chez Adèle avec M. et Mme de la Gillardaie.

Mercredi 6 Avril

Exposition des projets, concours de l'hôtel de Ville de Vincennes à la caserne Lobau.

Dimanche 10 Avril

Après-midi je sors avec Charles. Nous allons porter chez Pascal une aquarelle que je lui avais faite sur un désir qu'il m'avait manifesté d'avoir une aquarelle de moi. Je fis le moulin de Kertugal. A la caserne Lobau voir l'exposition des projets de concours de Vincennes. Rue Prony porté une offrande pour une quête faite par Mme Salles. Chez Etienne que nous ne rencontrons pas. Nous revenons par l'omnibus du Panthéon. Le soir M. Allart vient dîner.

Lundi 11 Avril

Nous partons par le train de 1h avec tous les enfants et leur bonne pour Chaville. Le bois est encore sans feuilles, mais la journée est splendide et chaude. Nous revenons par le train de 5h. André se comporte comme un petit homme, marchant très bien et toujours de belle humeur. Le famère (chemin de fer) l'exalte, il ne cesse pas de bavarder pendant tout le trajet. Famère joli, famère court vite, et pendant la halte aux gares: pas prêt famère puis part famère.

Dans l'après-midi les Pignon étaient venus nous faire leurs adieux. Nous trouvons leur carte à notre retour avec des bonbons pour les enfants et une carabine pour Charles. Dans la matinée visite du Dr Hutinel que j'avais fait demander, Sophie souffrant beaucoup des yeux depuis quelques jours.

Jeudi 14 Avril

Je vais à l'enterrement de M. Oudiné graveur. En revenant promenade au Luxembourg avec Lalanne. A 5h1/2 je vais avec Charles à la caserne Lobau pour connaître le résultat du jugement du concours de Vincennes. Le jury délibère encore. Nous repassons vers 6h et trouvons le jugement chez le concierge: premier prix Calinaud, deuxième Joanny Bernard, troisième Paul Wallon. Mentions: première Cordonnier, deuxième ex aequo Taisne et Jaffeux, troisième ex aequo Briasson, Borgeaud et Marin, quatrième Loviot, cinquième ex aequo Rougé, Deglane et Defays.

Vendredi 15 Avril

Dîner de la Charrette. Etaient présents: Raulin, Héneux, Flachiron, Motte, Nénot, Pray, Chaine, Ewald, Glaize, Tournade, Deslignères et moi.

Pierre Puiseux vient nous annoncer la naissance d'un fils, Victor.

Samedi 16 Avril

Je devais conduire les enfants passer la journée à la campagne mais depuis mardi la température restant toujours dure avec vent et pluie je me contente dans l'après-midi de les conduire, Charles, Louise, Henri et Paul à la foire aux Pains d'Epices. Je les fais entrer au théâtre Marckette et monter ensuite sur les chevaux de bois. Le temps reste beau mais froid.

Dimanche 17 Avril

Aristide Guibert vient déjeuner avec nous. Après déjeuner nous allons ensemble avec Charles et Henri à la caserne Lobau voir l'exposition du concours de Vincennes et ensuite nous montons sur les tours de Notre-Dame. Le soir dînent à la maison: Père, M. Allart, Geneviève, Aristide, Sidonie Leviez. Mlle Corne vient le soir chercher Sidonie.

Mercredi 20 Avril

Arrestation à la frontière par la police allemande sur le territoire français, d'un fonctionnaire français M. Schnoebelé, commissaire spécial français à la gare de Pagny-sur-Moselle. Guet-apens inique du commissaire allemand d'Ars-sur-Moselle qui avait invité son collègue à venir conférer avec lui sur une question de service. Attaqué à quelques pas de la frontière qu'il venait de traverser M. Schnoebelé parvient à rentrer sur le territoire français où il est poursuivi par ses deux agresseurs allemands dissimulant leur uniforme sous des blouses, terrassé ligoté et emmené à Metz.

Jeudi 21 Avril

Immense indignation en France et à l'étranger à la nouvelle de cet ignoble attentat, de cette provocation à la guerre. Des pourparlers actifs s'engagent entre le gouvernement français et le gouvernement allemand.

Vendredi 22 Avril

Les pourparlers menacent de traîner en longueur, le gouvernement allemand prétendant qu'il ne connait pas encore assez l'affaire pour donner sa réponse, assurant du reste que si les faits sont tels que le prétend le gouvernement français, M. Schnoebelé sera remis en liberté. La presse étrangère continue à protester tout entière contre cet attentat.

Samedi 23 Avril

A 8h je pars pour les Petites Dalles. A la gare de Rouen Henri et Laure et leurs domestiques me rejoignent. Je vais aux Dalles pour la vérification des travaux de M. Peltier. J'aurais bien désiré emmener Louise avec moi mais celà eut fait trop gros coeur à sa maman. Pendant mon séjour je couche aux "Mouettes" et prends mes repas chez Mme Cronier avec Henri et Laure.

Dimanche 24 Avril

Dans la matinée je travaille avec Fiquet jusqu'à midi. L'après-midi promenade avec Henri et Laure nous allons à Sassetot.

Lundi 25 Avril

Matin et après-midi je travaille avec Fiquet. Vers 5h je vais me promener avec Henri et Laure. Je modifie avec Henri le jardin de Père convertissant le petit potager en jardin d'agrément.

Mardi 26 Avril

Matin travail avec Fiquet. Nous passons l'après-midi dans notre jardin avec Henri et Laure à nous chauffer au soleil. Je repars à 4h1/2 pour Cany avec le jardinier. Achat de plantes chez le pépiniériste. A 6h départ pour Paris.

Jeudi 28 Avril

Première Communion au Lycée Louis le Grand. Charles renouvelle. Je le conduis à 6h1/2 au Lycée.

Vendredi 29 Avril

M. Schnoebelé est enfin remis en liberté.

Dimanche 1er Mai

Nous dînons chez Adèle avec Jeanne Mimerel et son mari, Père, Etienne et Mathilde, Geneviève et son mari, ma tante Jannet.

Jeudi 5 Mai

Dîner à la maison: Jeanne Mimerel et son mari, Père, ma tante Jannet, Mme Dupont, Etienne et Mathilde, Geneviève et son mari, Aristide Guibert.

Dans la matinée je vais à Vincennes toucher la prime de 1.000F troisième prix au concours. J'offre à Sophie, avec cette prime, "La Charité" de Paul Dubois, bronze de Barbedienne, une des figures du tombeau du Général Lamoricière et aux enfants je partage le restant de la prime pour leur petite bourse soit à chacun 20F.

Vendredi 6 Mai

A 7h30 du matin départ pour St-Brieuc arrivée à 6h. Après dîner à l'hôtel visite à M. Maignan.

Samed 7 Mai

Matinée avec M. Maignan, visite à M. Courcoux, M. Marquisan, M. et Mme de Nanteuil. Déjeuner chez M. Maignan. Après-midi à 6h30 départ pour Morlaix. Arrivée à 9h. Je descends à l'hôtel de Provence.

Dimanche 8 Mai

Matin promenade dans Morlaix je commence une vue du viaduc. A 10h1/2 je monte au Nechoat chez le Général Le Flo. Il était à la messe à Ploujean, je vais au devant de lui et le rencontre sur la route revenant dans sa voiture. Il me reproche de ne pas être descendu chez lui la veille et dit à son cocher de prendre le chemin de Morlaix pour aller prendre mon bagage à l'hôtel. Nous rentrons déjeuner au Nechoat à midi. Après-midi je commence une vue du manoir; puis allons en voiture à Ploujean où je fais une petite aquarelle du clocher. Nous rentrons dîner à 7h. Je trouve le général bien changé et tremblant. Il reste néanmoins le charmant et intéressant causeur qui sait raconter dans un style souvent très imagé et coloré bien des faits de notre histoire dont il a été le témoin et souvent l'acteur.

Lundi 9 Mai

Matin à 7h je retourne à Ploujean où je fais le dessin de l'église et du cimetière vu de la place. Je rentre à 11h au Nechoat. Déjeuner avec un des fils du général de La Jaille retraité et retiré à Ploujean et avec un lieutenant d'infanterie fils d'un ouvrier de Morlaix. Après déjeuner je continue mon aquarelle: vue du manoir.

Mardi 10 Mai

A 7h du matin je retourne à Ploujean continuer mon aquarelle de l'église. Je rentre à 11h déjeuner au Nechoat. A 3h1/2 le général me reconduit à Morlaix à la gare. Départ à 4h arrivée à Paris à 4h50 du matin.

Lundi 16 Mai

Nous dînons chez ma tante Jannet avec Jeanne Mimerel (son mari souffrant n'a pu venir), Mme Bouvet, Pierre et Béatrice, André Puiseux, Mme Dupont, Etienne et Mathilde, Adèle, Aristide, Père.

Mercredi 18 Mai

Nous allons à la représentation de "Claudie" de George Sand avec Henri et Laure arrivés dans la journée de Rouen pour passer quelques jours à Paris.

Samedi 21 Mai

Henri, Laure, Adèle et Aristide, ma tante Jannet, André Puiseux Pierre Puiseux et Béatrice, Mme Bouvet, M. Allart viennent dîner à la maison. Père qui devait partir le matin pour Valenciennes est retenu à la chambre par une forte fluxion.

Mardi 24 Mai

Henri vient déjeuner avec nous de retour de Fontainebleau où il est allé passer 2 jours.

Mercredi 25 Mai

Nous allons Sophie et moi avec Henri et Laure à l'exposition d'horticulture. Splendide. Malheureusement un temps épouvantable. Père remis de sa fluxion, sur la demande pressante de Valentine, se décide à aller à Valenciennes pour la Première Communion d'Henri Deltombe qui a lieu le lendemain. Incendie à l'Opéra-Comique.

Jeudi 26 Mai

Quelques expressions de cet amour d'André : Pris Henri chochochose: Henri m'a pris quelque chose - Quéfécé? : Qu'est-ce que c'est? - Le tarrière, par tarrière: le derrière, par derrière - A moi ma-nant: à moi maintenant - A ton tour à papa ma-nant: au tour de papa maintenant.

Samedi 28 Mai

Valentine arrive à Paris avec son fils Henri et va à Fontainebleau passer quelques jours chez Jeanne.

Lundi 30 Mai

Enterrement des victimes de l'incendie de l'Opéra-Comique. Service solennel à Notre-Dame. J'assiste au lugubre défilé du cortège sortant de la cathédrale : 22 corbillards se suivant et marchant 2 par 2!

Mardi 31 Mai

Nous dînons chez Père avec Jeanne et Valentine et leur(s) fils, Henri arrivés le soir de Fontainebleau, Adèle et ses enfants, Etienne et Mathilde, Marguerite, Geneviève et son mari.

Mercredi 1er Juin

Nous dînons chez Adèle avec Père Jeanne, Valentine et son fils Henri, Marguerite. Nous emmenons tous les enfants sauf André.

Vendredi 3 Juin

Eté avec Sophie à l'Opéra entendre Patrie. M. Bailly qui est abonné nous avait donné ses 2 fauteuils d'amphithéâtre. Valentine et Jeanne repartent dans la matinée pour Valenciennes et Fontainebleau.

Lundi 6 Juin

Ouverture du Congrès des Architectes à l'Ecole des Beaux Arts.

Mardi 7 Juin

Matin, visite du Val de Grâce. Souffrant depuis la veille d'une fluxion, je ne puis assister l'après-midi à la séance du Congrès.

Mercredi 8 Juin

Congrès: je ne puis assister ni à la visite du matin du Palais du Luxembourg, ni à la séance de l'après-midi. Je vais en voiture avec Sophie voir un dentiste qui me donne quelques drogues calmantes.

Jeudi 9 Juin

Congrès: excursion à Dampierre, Chevreuse, Cernay. Père et Etienne se rendent à cette excursion. Dans la matinée je vais au Palais prêter serment à la quatrième Chambre de la Cour d'Appel pour une expertise. Dans l'après-midi ne cessant pas de souffrir depuis lundi soir je vais faire arracher ma dent.

Vendredi 10 Juin

Congrès: séance solennelle à l'Ecole des Beaux Arts. Distribution des médailles sous la présidence de M. Kaempfer, Directeur des Beaux Arts. Grâce à mon opération de la veille je puis y assister et lire mon rapport des récompenses. Sophie avec Charles et Henri que nous avons dispensés de la classe du soir du lycée, Louise et Paul, Adèle et Anna, Charles Rivière assistent à la séance. J'avais mis pour la première fois ma rosette d'officier d'Instruction Publique à la grande joie des enfants. Pour leur faire tout à fait plaisir je leur annonce que le lendemain au Banquet je porterai les petites palmes d'or qu'ils m'ont offertes.

Samedi 11 Juin

Congrès: séance de clôture assez terne. Le soir banquet à l'Hôtel Continental. Père y assiste.

Lundi 13 Juin

Je suis du jury d'expropriation pour le percement de l'avenue d'Eylau, près du Trocadéro, et de la rue Nationale (13ème Arrondissement). Je vais au Palais à 11h en sors à 5h 1/2.

Mardi 14 Juin

Jury d'expropriation de midi à 5h.

Mercredi 15 Juin

Jury d'expropriation. Visite des lieux, rendez-vous à midi rue Jeanne d'Arc. De la rue Jeanne d'Arc, après avoir visité les locaux expropriés, nous nous rendons en voiture à l'Avenue d'Eylau.

Jeudi 16 Janvier

Jury d'expropriation à midi au Palais de Justice. Après une courte audience les débats sont clos et nous nous rendons à 1h dans notre salle de délibération. Je suis élu président du jury. A 4h nous rentrons en séance apportant notre décision.

Vendredi 17 Juin

Après-midi je vais avec Sophie chez le Dr Tripier, électricien que Malassez nous avait recommandé pour mon infirmité de l'ouïe. Le Docteur, après avoir examiné ma gorge me décide à me faire couper la luette qu'il trouve extraordinairement grosse et qui doit-être, dit-il, la cause de fréquents maux de gorge et peut-être une cause indirecte de ma surdité. Avant d'entreprendre l'électricité il faut d'abord éclaircir ce point. Devant la conviction du docteur je me décide à me laisser opérer. Je tire la langue pendant qu'il m'introduit dans la bouche d'une main une pince pour saisir la luette de l'autre ses grands ciseaux. L'opération est rapide mais très douloureuse. Je passe une nuit atroce. Le Docteur m'avait dit que je pourrais comme d'ordinaire, le jour même, vaquer à mes affaires et que je n'éprouverais qu'une gêne de 36h.

Samedi 18 Juin

Je souffre de plus en plus. Chaque effort pour avaler ma salive est des plus douloureux. Je me nourris non sans souffrance de lait et de bouillon. La nuit est aussi mauvaise que la précédente. Je ne ferme pas l'oeil.

Dimanche 19 Juin

Même souffrance. En me gargarisant je crache encore du sang. Sophie se décide à écrire un mot à Malassez qu'elle fait porter par Charles. Le concierge ne remet que le lendemain la lettre à Malassez.

Lundi 20 Juin

De grand matin, après une nuit de souffrance, j'envoie un mot au Dr Hutinel à la Pitié pour le prier de venir. Il vient au sortir de sa consultation vers 10h1/2 et me donne des calmants. A 1h Malassez qui vient seulement de recevoir le mot de Sophie vient à son tour et ajoute du bromure de potassium pour calmer les souffrances et me permettre de dormir. La nuit est encore bien douloureuse. Je dors un peu mais lorsque je me réveille, environ toutes les heures, j'éprouve une douleur très vive dans toute la tête et particulièrement dans la gorge et à la mâchoire.

Mardi 21 Juin

Malassez revient me voir. Je continue le même traitement c'est-à-dire vaporisation dans la gorge à l'acide borique toutes les 2 heures, lavage de la gorge avec certaines potions. Comme nourriture toujours du lait et du bouillon. La nuit est meilleure.

Mercredi 22 Juin

Il y a du mieux, mais je ne puis toujours avaler que du lait et du bouillon. La nuit est meilleure.

Jeudi 23 Juin

Le mieux continue la nuit est meilleure aussi. Nourriture toujours lait et bouillon.

Vendredi 24 Juin

Le mieux s'accentue. Je puis à mon déjeuner manger un filet de sole et à mon dîner des oeufs et des asperges. Je cesse le bromure et les potions, je me contente de continuer les vaporisations. A 4h je vais à un rendez-vous de travaux rue d'Enghien. Je suis obligé de parler beaucoup ce qui me fatigue énormément.

Samedi 25 Juin

La nuit a été bonne. J'éprouve toujours un peu de douleur à avaler, mais douleur très supportable qui ne sera bientôt plus qu'une gêne. Dans la matinée je vais en voiture chez Maître Moncomble le prier de lever le rapport affaire Patry et chez M. Bailly. J'éprouve toujours une grande fatigue à parler. Dans l'après-midi je vais au Palais prendre connaissance au Greffe du rapport des experts Gion, Lalanne, Petit de Villeneuve relativement à l'affaire Patry. Le rapport déposé la veille m'y est complètement favorable "... nous concluons en conséquence, disent les experts, qu'il y a lieu de rejeter purement et simplement la prétention de M. Patry".

Lundi 27 Juin

Après-midi été avec Sophie au Salon.

Vendredi 1er Juillet

Il a un tic, cet amour d'André, dont il ne parvient pas à se déshabituer. Quand il peut saisir un bout de couverture de laine, une fourrure, quelque chose de moelleux ou les cheveux de sa mère ou de sa soeur, il enfonce immédiatement l'index de sa main gauche dans sa bouche et le tète avec béatitude. Quelques fois on le surprend dans un coin ou couché par terre sous un lit tenant dans la main droite l'étoffe ou l'objet convoité et l'index de la gauche dans la bouche. Il resterait je crois des heures dans cette position. Ce tic date de la première année de sa naissance.

Jeudi 7 Juillet

A 11h du soir départ pour les Petites Dalles avec Lalanne et son greffier. Je vais aux Dalles pour vérifier des mémoires de M. Peltier, Lalanne pour une expertise Fiquet c/Vasselot. Dans la matinée un peu inquiet de la santé de Louise qui depuis plusieurs jours tousse et a chaque matin des accès de fièvre, je vais jusqu'à l'hôpital de la Pitié mettre un mot au Dr Hutinel le priant de venir. Sortant de très bonne heure j'emmène avec moi Charles, Henri et Paul et leur fais faire une promenade de 1h au Jardin des Plantes. Nous rentrons vers 8h. Le Dr Hutinel après avoir bien ausculté Louise nous déclare qu'il n'y a rien à la poitrine, qu'il s'agit sans doute d'un simple rhume et ordonne de la quinine pour couper les fièvres et certains sirops contre la toux.

Vendredi 8 Juillet

Arrivée à Yvetot à 3h50 du matin aux Dalles vers 7h. A 11h nous prenons un bain de mer. Lalanne couche aux "Mouettes".

Samedi 9 Juillet

Lalanne repart à 10h du matin. Je prends un bain vers 11h. Après déjeuner je cherche des locations pour Valentine et Marguerite. A 5h je quitte les Dalles pour aller à Rouen par Cany. Arrivée à Rouen à 18h15.

Paul a 6ans. Il lit assez convenablement, écrit des copies et travaille très bien. On est très content de lui à sa pension chez Mme Cazaux; Il rapporte la croix presque toutes les semaines. Il parait avoir de grandes facilités pour apprendre et de l'entrain. Si plus tard il le veut bien il marchera bien. Son caractère est malheureusement un peu boudeur et pas commode, mais avec moi il obéit très gentiment.

Dimanche 10 Juillet

A 9h du matin excursion à Jumièges avec Henri et Laure, Mme Cronier, Mme Falcon et ses petites filles, M. et Mme Breil de retour d'Oran et en congé. Déjeuner à Jumièges, dîner à Duclair. Retour à Rouen à 8h1/2 arrivée à 10h1/2.

Lundi 11 Juillet

A 8h30 du matin je quitte Rouen et rentre à Paris à 11h10. Je trouve une petite Louise encore souffrante, toussant encore et la figure bien abattue. Elle a toujours le matin des accès de fièvre. J'écris au Dr Hutinel pour le prier de venir la voir demain. A 6h je vais à Sceaux dîner chez Etienne et rendre compte à Mme Dupont des différentes missions dont elle m'a chargé pour sa maison des Dalles. J'y vois Geneviève installée depuis 2 jours avec son mari et ses petites filles dans un des pavillons de la propriété de Mme Dupont. Mme Dupont était allée l'inviter à Paris samedi et l'avait emmenée.

J'envoie au Président de la Ligue des Patriotes ma démission de vice-président du Comité du cinquième arrondissement à la suite des manifestations de la gare de Lyon, départ du Général Boulanger, et de la conduite du Comité Directeur de la Ligue durant toute cette triste affaire.

Mardi 12 Juillet

Charles Rivière vient dans la matinée nous annoncer l'heureuse délivrance de Geneviève: un garçon qui se nommera Marcel. Le Dr Hutinel nous affirme encore qu'il ne trouve rien d'anormal dans l'état de Louise, il ordonne de la quinine pour combattre la fièvre, des eaux bonnes etc... De la quinine à Paul également un peu souffrant.

Jeudi 14 Juillet

Je vais avec Charles et Henri à la revue. Nous allons par le chemin de fer jusqu'à Suresnes et revenons par le bateau. Nous rencontrons Adèle et ses enfants en entrant dans la tribune. M. Grévy est salué d'applaudissements très nourris à son arrivée. Rochefort placé dans notre tribune est hué: un article avait paru la veille dans l'Intransigeant dans lequel ce patron du Général Boulanger incitait au tumulte et recommandait d'arriver muni d'un sifflet. Sur tout le parcours du Ministre de la Guerre et du Président de la République des sifflets et des cris de "Vive Boulanger" se font entendre. Près de la Cascade surtout. L'arrivée du général Ferron, Ministre de la Guerre, donne lieu à des manifestations hostiles et scandaleuses. Triste résultat cherché et obtenu par la Ligue des Patriotes et leur nouvel et sinistre ami Rochefort. C'est une singulière manière d'être patriote que de faire siffler le chef de l'armée française.

Le soir nous dînons à l'Institut avec Adèle et ses enfants, Etienne et Mathilde, et Charles Rivière. Sophie était restée à la maison avec Louise, Paul et André, Louise étant toujours souffrante de sa bronchite et Paul n'étant pas très bien portant. Du toit de l'Institut nous assistons au feu d'artifice sur le terre-plein du Pont-Neuf et à la fête vénitienne sur la Seine. Le spectacle est superbe.

Jeudi 21 Juillet

Louise sort pour la première fois depuis sa bronchite. La pauvre petite a encore bien mauvaise mine. Henri vient passer la journée à Paris et déjeune à la maison avec Etienne et Charles Rivière. Le soir je vais dîner chez Adèle avec Père et Henri. Henri retourne le soir à Rouen.

Henri commence le piano. Il prend sa première leçon avec Mlle Isambert. Charles montrant très peu de goût pour la musique nous lui faisons quitter des leçons dont il ne profiterait aucunement. Il n'étudierait pas entre les leçons.

Le matin je conduis petit André au Grand Hôtel chez Chambay pour le faire photographier.

Vendredi 22 Juillet

Je mesure Louise. Elle a 1,36m. Elle a grandi de 26mm depuis le 21 avril 1887, en 3 mois, presque 1cm par mois. Henri compose pour le prix en récitation. Au dire de ses camarades il doit être facilement le premier. Il était du reste parti pour le lycée sachant très bien et disant très bien ses 3 fables; "Le chêne et le roseau", "Les animaux malades de la peste", et "La laitière et le pot au lait". Sur 4 compositions dont une de prix il aurait donc 20 points s'il était premier dans cette dernière composition, plus 10 points ayant été premier dans la composition précédente. Soit 30 points. Des deux autres compositions il a manqué la première ayant été quatorzième et n'a pas fait la seconde à cause de sa rougeole.

Dimanche 24 Juillet

Nous faisons couper pour la première fois les cheveux d'André. Le pauvre petit est bien changé mais cette belle petite tête ronde toute tondue est gentille à croquer.

Mercredi 27 Juillet

Dernière classe des enfants. Nos lycéens entrent en vacances après la classe du soir.

Jeudi 28 Juillet

Après-midi nous allons Sophie et les enfants voir Marie Guibert à Conflans.

Vendredi 29 Juillet

Après-midi distribution des prix au petit Lycée Louis-le-Grand. Charles et Henri ont chacun deux nominations: Charles premier accessit d'Allemand, premier accessit de récitation. Henri deuxième prix de récitation, deuxième accessit d'Allemands.

Le soir nous partons pour les Dalles. Nous quittons la maison à 10h1/4. Le train est à 11h10. Père part en même temps que nous.

Samedi 30 Juillet

Arrivée à Yvetot 3h50 du matin et aux Dalles vers 7h1/2. Nous prenons notre premier déjeuner avec Marguerite installée chez Père depuis quelques jours.

Dimanche 31 Juillet

Dans la matinée je prends mon premier bain avec Charles et Henri. Nous souhaitons la fête de la maman.

Lundi 1er Août

Nous prenons un bain Sophie, Charles, Louise, Henri, Paul et moi.

Jeudi 4 Août

A 7h du matin arrivée de Valentine avec ses enfants Henri, André, Marie, Marguerite, Marie-Louise.

Vendredi 5 Août

A 7h du matin arrivée de Jeanne et de ses enfants.

Lundi 8 Août

André Guibert reçu bachelier. A 7h du soir arrivée de Mme Dupont.

Mardi 9 Août

A 2h arrivée d'Adèle et de ses enfants, Anna, Joseph, André et Jean et Madeleine et Pauline Deltombe. Laure arrive avec Adèle. A 7h arrivée de Geneviève avec son mari et les enfants.

Jeudi 11 Août

A 7h du soir arrivée d'Etienne avec Mathilde et les enfants.

Dimanche 14 Août

Petite fête pour la remise à Père d'une petite croix en brillants de Commandeur de la Légion d'Honneur. La réunion se fait dans notre maison comme convenant le mieux aux jeux des enfants.

Père (1)

Adèle et ses enfants: Anna, Joseph, André, Jean (5)

Henri, Laure, Mme Cronier, Louise et son mari, Mlle Renard, Mme Blockmann (7)

Paul, Sophie et les enfants Charles, Louise, Henri, Paul, André (7)

Jeanne et ses enfants, Henri, Pierre, Joseph, Adèle, Jeanne, Marie (7)

Valentine et ses enfants, Madeleine, Henri, André, Marie, Pauline, Marguerite, Marie-Louise (8)

Etienne, Mathilde, Yvonne, Maurice, Marthe, Mme Dupont, Mme Renard, Marcelle et Marguerite (9)

Marguerite, Charles, André, Pauline, Jacques (5)

Geneviève, Charles, Pauline, Marcel (4)

Total 53. Soit enfants, gendres ou brus 13. Petits enfants 30.

Etaient absents :

Enfants, gendres : Marie Wallon, Aristide Guibert, Pierre Petit, Célestin Deltombe.

Petits-enfants : Maurice, Henri Guibert.

Le nombre des enfants et petits-enfants est actuellement de 49.

Après le goûter les enfants jouent à divers jeux dans le jardin puis rentrent pour danser des rondes et des polkas. On se sépare à 6h.

Lundi 15 Août

J'enlève à Paul sa première dent (dent du bas, milieu à gauche). Ce petit homme a un courage extraordinaire pour son âge. La veille il m'avait montré sa petite dent qui branlait. Comme on apercevait derrière la dent nouvelle j'avais essayé de la lui enlever. Son oncle Henri avait essayé également mais elle tenait très fort encore. Plusieurs fois encore je recommençais et pendant tous ces essais Paul restait la bouche ouverte impassible à peine une légère rougeur lorsque j'insistais mais c'était tout. Ce matin à son réveil : "Papa veux-tu m'arracher ma dent". Cette fois elle vint, mais non sans effort, la coquine étant encore assez enfoncée. Même impassibilité.

Hier le pauvre enfant pendant la petite fête tomba des barres parallèles sur la tête. Le cuir chevelu fut écrasé, les cheveux tombèrent par mèches. Il pleura pendant quelque temps et pour cela la souffrance dut être bien vive. Malgré les compresses d'Arnica la bosse fut très grosse. Un instant après il faisait sa partie dans les rondes et était le plus exalté.

Dimanche 21 Août

Après-midi grande promenade et goûter aux Grandes-Dalles. Je dîne avec Sophie et Charles chez Mme Cronier.

Lundi 22 Août

A 4h3/4 du matin départ pour Paris dans la voiture d'Henri par Cany. Arrivée à Paris 11h15. Après-midi rendez-vous d'expertise rue Lecourbe. Dîner sur le boulevard dans un bouillon Duval. Soirée à l'Eden. Je rentre me coucher à 11h.

Mardi 23 Août

A 8h30 gare St-Lazare. Expertise à Asnières. Je ne trouve personne, la convocation n'étant pas parvenue ou n'ayant pas été envoyée. Après-midi divers rendez-vous d'expertise, soit à mon cabine, soit sur place.

Mercredi 24 Août

A 7h45 départ de Paris pour les Dalles. A la gare de Cany midi 27 je trouve la voiture d'Henri. J'arrive aux Dalles à 1h1/2, bain. Le soir réunion chez M. et Mme Bardy, danses et cotillon. Nous nous retirons vers 11h1/2.

Vendredi 26 Août

Petit André a trois ans. Le pauvre enfant presqu'à l'heure même où il vient d'avoir ses trois ans reçoit à la tête une blessure qui nous effraie par l'abondance du sang qui s'en échappe. Après déjeuner les enfants jouaient près d'une fenêtre dans la salle à manger, l'un d'eux, Henri ou Paul donne un coup de coude dans le carreau qui se brise, un éclat tombe sur la tête d'André. Nous dépêchons immédiatement à l'hôtel et dans le village à la recherche d'un médecin parmi les baigneurs. Le sang coulait avec une telle abondance que nous n'avions pas le temps d'envoyer chercher le Docteur à Cany ou à Sassetot. Le Dr Ayet, habitant une des maisons de la route de St-Martin arrive, amené par Charles. Dans l'intervalle, l'enfant épuisé par la perte de son sang s'était assoupi sur mes genoux. Le Docteur fait envoyer chercher à Sassetot de l'eau phéniquée et de l'amadou, nous fait continuer nos compresses d'eau froide avec Arnica. Nous posons l'enfant sur son lit où il continue à dormir. Joseph et Jean Guibert reviennent de Sassetot rapportant les remèdes. Nous réveillons André qui a dormi d'un sommeil paisible pendant une bonne heure. Le Docteur lui rase la partie blessée. Il s'y était formé une grosse bosse. Nous appréhendions beaucoup cette opération mais le cher petit auquel le Docteur venait de donner un cornet de bombons ne bouge pas et ne pousse aucune plainte pendant toute l'opération. La partie blessée est ensuite lavée à l'eau phéniquée (Acide phénique 1g, Alcool 2g, Eau distillée 150g) et bandée ensuite avec du Diachylon. Sitôt après le cher petit reprend sa gaîté, se promène et raconte à tout le monde son accident. Inutile de dire combien les frères et soeur étaient émus. Henri et Paul qui avaient fait le coup pleuraient un peu par crainte d'être punis, mais Charles et Louise étaient tout bouleversés.

Lundi 29 Août

Arrivée de Pierre Petit et de Henri Guibert.

Jeudi 1er Septembre

A 5h du soir je pars avec Père pour Paris. Nous quittons les Dalles dans la voiture d'Henri.

Vendredi 2 Septembre

Je passe la journée à Paris appelé par plusieurs rendez-vous d'expertise. Je déjeune et dîne chez M. Allart revenu depuis quelques jours de son voyage en Suisse.

Samedi 3 Septembre

A 7h45 du matin je retourne avec Père aux Dalles. Nous prenons Henri au passage à Rouen. A mon arrivée aux Dalles je trouve Sophie et Paul souffrant d'un commencement de fluxion.

Le soir dîner de famille chez Père., tous ses enfants et petits-enfants présents aux Dalles. Le dîner a lieu dans la maison d'Adèle. Une grande table dans la salle à manger contient 22 personnes. La petite table dressée dans le salon contient 11 enfants. Soit ensemble 37 couverts. Les tout petits enfants n'assistaient naturellement pas au dîner tels que: Maurice et Marthe Wallon, Marie-Louise Deltombe, Jacques Rabut, Pauline et Marcel Rivière, André Wallon.

Le dîner comprenait :

Père (1)

Adèle et ses enfants, Henri, Anna, Joseph, André et Jean (5)

Henri et Laure (2)

Paul, Sophie, Charles, Louise, Henri, Paul (6)

Jeanne et Pierre, Henri, Pierre, Adèle, Joseph, Jeanne et Marie (8)

Valentine, Henri, Madeleine, André, Marie, Marguerite, Pauline (7)

Etienne et Mathilde, Yvonne (3)

Marguerite, Charles et Pauline Rabut (3)

Geneviève et Charles (2)

Soit 37 convives.

Dimanche 4 Septembre

Soirée chez Adèle. Charade très brillante et danse ensuite jusqu'à 1h du matin. Ma pauvre Sophie très souffrante de sa fluxion ne peut assister à la soirée. J'y conduis Charles, Louise et Henri. Paul est également très souffrant et demande à se coucher au milieu du dîner. Le mot de la charade est Chrysanthème (Cris-Zan-Thème). Invités: Mme Cronier et ses enfants. La famille du Général Putz, familles Bardy, Bayard, Colin, Dupont, Erskin-Masson, Mme Dabas.

Jeudi 29 Septembre

Départ de Père pour Paris

Samedi 1er Octobre

Nous quittons les Dalles à 4h de l'après-midi par un temps splendide. Nous prenons le train à Cany 6h31 et arrivons à Paris à 11h10. Minuit à la maison. Adèle et Jeanne étaient parties le matin à 7h1/2.

Dimanche 2 Octobre

Nous déjeunons avec tous les enfants chez M. Allart. Dans l'après-midi je vais rejoindre les enfants au Luxembourg et je m'aperçois qu'Henri a une bosse énorme au genou. Il était tombé dans le jardin vendredi aux Petites-Dalles s'était beaucoup plaint sur le moment disant qu'il lui semblait que la blessure allait jusqu'à l'os et depuis n'avait plus rien dit. Très effrayé de cette protubérance d'autant plus que sa culotte était serrée au dessus du genou, je le ramène à la maison et le porte sur mon dos dans l'escalier. Puis j'envoie une dépêche au Dr Monod pour le prier de venir le lendemain matin.

Lundi 3 Octobre

Visite du Dr Monod. Le mal n'a pas de gravité. Repos et cataplasme. Peut-être Henri pourra-t-il se rendre au lycée pour la rentrée demain. Le pauvre garçon se désolait déjà de manquer la première classe. Paul rentre chez Mme Cazaux. Dès le matin il est impatient de se faire conduire à sa pension.

Mardi 4 Octobre

Charles et Henri rentrent au lycée, Charles en 5ème B avec M. Clairin, Henri en 8ème B avec M. Harenger. Nous leur faisons la conduite à 2h1/2. Malgré son mal de genou Henri veut aller au lycée. Je le porte sur mon dos pour descendre l'escalier et je le remonte sur mon dos à 4h1/2. Henri vient de Rouen passer la journée à Paris. Je déjeune avec lui, Jeanne, Valentine et leurs filles Adèle, Madeleine et Marie qui entrent le jour même à la Visitation. Henri Petit et Henri Deltombe sont entrés la veille à l'Ecole Gerson.

Mercredi 5 Octobre

Le genou d'Henri va beaucoup mieux.

Jeudi 20 Octobre

Je vais passer l'après-midi à Fontainebleau. Parti à 9h25 du matin, rentré à 11h15 du soir. Temps splendide. Je déjeune chez Jeanne avec M. Bouisson. Après déjeuner, de 2h à 4h1/2 promenade à cheval en forêt avec Pierre et M. Bouisson. Nous a ons à la vue du camp de Chailly et revenons par les hauteurs de la vallée de la Solle. Je rentre ravi de ma promenade. Le soir nous allons diner avec Pierre et Jeanne et leurs enfants chez M. et Mme Olléris.

Vendredi 28 Octobre

Henri est neuvième en lecture. Incident de la chanson du perroquet: "quand je bois du vin clairet" accès de fou rire dans la classe.

Dans la journée j'avais précisément lu à Henri le morceau de Théophile Gautier intitulé "La chatte de M. Théophile" et en arrivant au fameux passage j'avais imité la voix du perroquet et chanté en nazillant le petit air. Le hasard veut qu'Henri ait précisément ce morceau à lire. Aarrivé au passage, très naturellement, très sérieusement, changeant de ton, il lance son: "Quand je bois du vin clairet", tout tourne, tout tourne au cabaret". Le Professeur M. Haranger, quand il eut pu calmer l'exubérante gaité des élèves se contenta de dire: "Allons, allons, M. Wallon dit très bien, seulement il ne savait pas qu'on n'a pas l'habitude de chanter en classe".

A son retour quand Henri nous a raconté la scène toujours avec son plus grand sérieux, j'en pleurais de rire. Non, jamais je n'ai ri autant en me figurant le tableau! En sortant de classe le lendemain un de ses camarades dit à Henri. "C'est égal, tu étais rien rigolot hier, Wallon".

Dimanche 30 Octobre

Petit Paul qui est la turbulence même est d'une sagesse exemplaire à la Messe. Il égrène son chapelet avec une conviction admirable. La Communion lui donne des distractions. Après avoir suivi des yeux une personne qui allait communier: "Maman, est-ce que c'est bon?"dit-il avec le plus grand sérieux. Et à la fin de la Messe: "Maman pourquoi on ne nous en a pas donné de la première Comrnunion?"

Lundi 31 Octobre

Petit André fait encore quelques fois un petit pipi la nuit dans son lit. Au réveil, comme on lui fait honte: "Ca va rechaucher" (ça va sécher). Ou bien d'un ton furieux: "Parlez pas de ça". Si on lui demande à voir si son lit est bien propre: "Faut pas regarder ça".

Mardi 1er Novembre

Célestin à Paris pour quelques jours vient déjeuner avec Ch. Rabut, Ch. Rivière, Henri et Aristide Guibert.

Mercredi 2 Novembre

A 8h du soir départ pour St-Brieuc.

Jeudi 3 Novembre

Visite à M. le Général de Marquisan. Je vais prendre chez M. de Nanteuil des nouvelles du Général Le Flo. Les nouvelles ne sont pas bonnes. M. et Mme de Nanteuil sont auprès de leur Père au Nechoat.

Vendredi 4 Novembre

Dès le matin je vais avec M. Maignan à Lannion pour causer avec un entrepreneur de sculpture sur granit, Hernot, du tombeau de Mgr David puis à Tréguier voir dans la cathédrale le monument à St-Yves en voie d'exécution. Nous déjeunons à Tréguier. Au retour à Lannion nous allons voir M. l'abbé Franc, curé de Lannion, qui nous fait le plus cordial accueil. Nous rentrons dîner à St-Brieuc chez M. Maignan.

Samedi 5 Novembre

Dans la matinée visite à I'Evêque et au Préfet. Je repars pour Paris par le train de midi 13 et arrive à la maison vers minuit.

Mercredi 16 Novembre

Mort du Général Le Flo dans sa propriété du Nechoat à Morlaix à l'àge de 84 ans.

Jeudi 1er Décembre

Séances mouvementées à la Chambre et au Sénat. A la suite des affaires Caffarel d'Andlau, Limousin et Cie, des révélations sur Wilson (voir les journaux de ces jours) un ordre du jour de la Chambre avait renversé le ministère mais visait plutôt le Président de la République, M.Jules Grévy. Pour des raisons d'ordre privé plutôt que pour des raisons politiques la démission de Grévy paraissait désirée. M. Grévy avait fait annoncer aux Chambres par ses ministres l'envoi d'......... dès ce jour. Cette communication devait être un message de démission et les deux Chambres devaient se réunir en Congrès à Versailles le lendemain pour élire un nouveau Président de la République. M. Grévy revint sur sa détermination et attend, avant de se décider, une manifestation catégorique des Chambres. Les deux Chambres presqu'à l'unanimité déclarent qu'elles suspendent leurs séances et se réuniront, la Chambre à 6, le Sénat à 8h du soir pour entendre la communication promise. Aux heures dites les ministres annoncent que le Président ne veut pas entrer en lutte avec le Parlement et que le lendemain il fera connaître sa décision.

Vendredi 2 Décembre

Pour prévenir la grande agitation qui régnait la veille, soit en dehors, soit en dedans de la Chambre, des mesures d'ordre parfaitement comprises ont été ordonnées. La Chambre et ses abords sont gardés militairement. Affluence de manifestants Place de la Concorde. J'assiste de la terrasse des Tuileries à la manifestation et à une charge de cavalerie de la Garde Républicaine, les manifestants s'étant mis à huer et à lancer des pierres sur la troupe. Quelques blessures sans conséquences. Malgré les excitations les plus incendiaires des clubs dans ces derniers jours, le groupe des manifestants est relativement peu considérable. Les curieux formant la partie la plus nombreuse de la manifestation. La manifestation est surtout dirigée contre Jules Ferry, l'un des candidats à la présidence. Une campagne des plus violentes est depuis plusieurs jours dirigée contre lui. Aux Chambres le message de démission est lu par les Présidents, message très digne, très ferme, mais qui parait faire remonter la discussion à des causes politiques tandis qu'elle n'est amenée que par des raisons de famille, l'indignité du gendre, le tripoteur Wilson. Si M. Grévy avait quelques fois rompu le silence dans lequel, observateur trop rigoureux de la Consitution, il s'obstinait comme Président de la République, si notamment à l'occasion des décrets contre les religions ou de l'exil des Princes, il avait parlé en homme libéral, préférant quitter son poste plutôt que de signer, signer toujours des décrets que sa conscience pouvait regretter, s'il s'était montré moins faible vis à vis de son gendre Wilson la situation ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui et on n'aurait pas assisté à cette conduite indigne des partis de droite et de gauche contre M. Jules Grévy.

Samedi 3 Décembre

Réunion des Chambres en Assemblée Nationale à Versailles. Les principaux candidats sont MM. de Freycinet, Jules Ferry, Floquet, Buisson, Sadi Carnot, Général Saussier, non candidat, mais pour lequel vote une partie des droites.

Après plusieurs réunions pleinières des gauches où les partisans de Ferry et de Freycinet ne pouvaient s'entendre chacun restant absolument dévoué au candiddat de son choix, la candidature de Sadi Carnot est proposée et acceptée de part et d'autre.

Résultat du vote du Congrès: premier tour: Votants 852; Sadi Carnot 303, Jules Ferry 212, Général Saussier 148, de Freycinet 76, Général Apert 72, Buisson 26, Floquet 5, etc... Deuxième tour: Votants 842; Sadi Carnot 616, Général Saussier 188, de Freycinet 5, Général Apert 73.

En conséquence M. Sadi Carnot est proclamé Président de la République pour 7 ans. Le soir je vais avec Sophie sur les Boulevards. L'agitation de ces derniers jours a disparu pour faire place à une sorte de détente, de satisfaction générale.

Dimanche 4 Décembre

Père, M. Allart, Adèle et ses enfants, Anna, Aristide et Joseph, Pierre Petit et son fils Henri, Geneviève et son mari, H. Dettombe viennent dîner à la maison.

Vendredi 9 Décembre

72ème dîner de la Charrette. Etaient présents: Deslignères, L.Etienne, Tournade, Papinot, Héneux., Santon, Glaize, Flachiron, Bariller, Gillet et moi.

Vendredi 16 Décembre

A 8h du soir départ avec Pierre Petit pour Morlaix.

Samedi 17 Décembre

Arrivée à 8h17 du matin à Morlaix. M. de Nanteuil vient nous chercher à la gare. Avant de nous rendre au Nechoat nous prenons des vues de Morlaix. Pierre avait emporté son appareil de photographie. Vue de la tour de l'Hôtel St-Prix en démolition, vue des maisons de la Place du Marché, de l'escalier intérieur de la rue des Nobles. Nous allons ensuite vers midi au Nechoat. Après déjeuner nous photographions la vue du manoir du côté du parc puis nous retournons à Morlaix. Relevé de la tour de l'Hôtel St-Prix. Vue du viaduc. Vue de l'église. Vue de la rue de Ploujean. Rentrée au Nechoat. Nous développons six des vues prises dans la journée. Après dîner nous reprenons notre travail jusque vers 10h1/2. La journée a été pluvieuse mais avec des éclaircies. Temps assez doux. Avant de me coucher, lettre à Sophie.

Dimanche 18 Décembre

A 6h1/2 lever. Après la Messe entendue dans une église près de la gare, M. de Nanteuil, Pierre et moi prenons le train pour St-Pol de Léon. Arrivée vers 10h. Photographie de l'ancien Collège, du Kresiker, de l'église et du cimetière. Un clochard se cramponne à nous, nous le collons sur cette dernière plaque. A midi déjeuner puis départ en voiture pour Lesneven. En route photographie du château de Kérousiré, des ruines du château de Kergournaderch', du château de Kerjean, ce dernier très intéressant, malheureusement nous arrivons un peu tard le soleil est très bas, il est 4h passées. A tout hasard nous prenons 2 vues. Vers 6h nous arrivons à Lesneven. Nous descendons Pierre et moi à L'Hôtel de France, M. de Nanteuil chez une de ses tantes. Avant dîner lettre à Sophie. Même temps que la veille, de grosses averses.

Lundi 19 Décembre

Nous employons toute notre matinée au Folgoët, à 1km1/2, à photographier et à faire le relevé de l'ancien Doyenné (manoir de la Duchesse Anne). Rentrée à Lesneven à 1h. Déjeuner, Aspect curieux de Lesneven, c'est un jour de marché, types de vieux Chouans. Les étalages comme les gens suent la misère et la crasse! A 3h1/2 départ pour Landernau. A 6h20 nous prenons le train pour Morlaix où nous arrivons vers 8h. Mme de Nanteuil nous avait attendus pour dîner. Lettre à Sophie. Après dîner coucher vers 11h. Même temps que la veille.

Mardi 20 Décembre

Dans la matinée nous allons M. de Nanteuil, Pierre et moi à Ploujean. Photographie du cimetière, du tombeau du Général Le Flo et clocher de l'église. Autre vue latérale, vue d'ensemble, face postérieure de l'église prise de la place. Retour au Nechoat vers 11h. Avant déjeuner photographie des différents points du manoir. Nous faisons poser les 4 enfants de M. et Mme de Nanteuil, charmants enfants 2 fils et 2 filles parfaitement élevés. Après déjeuner autres vues du manoir. Lettre de Sophie. A 4h nous quittons le Nechoat où nous avions reçu de M. et Mme de Nanteuil le plus sympathique accueil. M. et Mme de Nanteuil nous accompagnent à la gare. A 6h arrivée à St-Brieuc par une pluie battante. M. Maignan était venu me saluer à la gare. Nous descendons à l'Hôtel de la Croix Blanche. Après dîner, par un temps assez sombre et pluvieux, je montre à Pierre toutes les curiosités de la ville.

Mercredi 21 Décembre

A notre réveil nous voyons la neige sur les toits. Je vais vers 8h chez M. Maignan et reviens une heure après reprendre Pierre à l'hôtel. Nous recommençons au jour la promenade de la veille au soir. Photographie de la Fontaine St-Guillaume et de la rue Fardel. Déjeuner à 10h1/2. Départ à midi 13. A Chartres Pierre me quitte pour aller voir le Général Hallier. Je continue sur Paris où j'arrive à 11h3O. Pendant mon absence les enfants, Louise, Paul et André, ont été assez sérieusement enrhumés, Louise avec un peu de fièvre.

Mercredi 21 Décembre

Nos lycéens entrent en vacances à 4h de l'après-midi jusqu'au vendredi matin 6 Janvier.

Samedi 31 Décembre

Je vais avec Charles et Henri rejoindre Etienne au laboratoire du Lycée Janson de Sailly où nous nous sommes donnés rendez-vous pour aller faire de la photographie. Nous allons prendre différentes vues: sur l'Avenue du Trocadéro, l'Avenue du Bois de Boulogne, et prenons le train pour Auteuil. Nous déjeunons au Point du Jour, au Grand Neptune. Après déjeuner photographie du viaduc. Temps très froid, belle journée ensoleillée. Nous revenons au Lycée Janson développer quelques uns des clichés. Je rentre vers 7h avec Charles et Henri.