1885

 

 

Jeudi 1er Janvier

Vers 10h du matin nous allons avec tous les enfants sauf André chez M. Allart puis à l'Institut où nous trouvons Adèle et ses enfants et Etienne. Nous rentrons déjeuner. Après déjeuner, été chez ma Tante Jannet, Pierre Puiseux, à la Visitation avec Sophie et les enfants sauf André, chez Mme Corne. Je quitte Sophie et vais déposer une carte chez les Malassez, Mlle Marie Come, M. et Mme de Trévennes, faire visite à Mme Dupont que je ne rencontre pas, aux Eiffel, à Mme Delisle, carte à Pascal, visite à Mme Boutan que je ne rencontre pas et à Mme Olléris. Je rentre vers 6h1/2 à la maison avec un certain nombre de kilomètres dans les jambes.

Vendredi 2 Janvier

Dans la matinée je vais avec Charles faire visite à son professeur de dessin M. Flament, d'AIlemand M. Hildt. Après déjeuner je conduis les 4 aînés au Cirque d'Hiver où ils s'amusent beaucoup.

Samedi 3 Janvier

Vers 5h1/2 après midi nous recevons la visite de Jeanne arrivée de Fontainebleau avec ses fils Henri et Joseph pour passer 3 jours à Paris. Le soir grand bal chez M. Eiffel. J'y rencontre Père et Geneviève, Etienne et Mathilde, M. et Mme Renard et toute la colonie des Dalles, les Colin, Bardy ... Je rentre vers 4h du matin.

Dimanche 4 Janvier

Dans la matinée je retourne avec Charles faire visite à M. Prenard, son Professeur, que je ne rencontre pas. Après déjeuner je vais avec le bureau de la Société Centrale faire visite du Jour de l'An au Président M. Questel. Je rejoins ensuite Sophie et les enfants au Luxembourg. Vers 5h nous recevons la visite d'Adèle, de Jeanne et de leurs enfants; petit lunch.

Jeudi 15 Janvier

Séance à la Société Centrale; Assemblée générale. Installation du nouveau bureau; je siège pour la première fois comme Secrétaire Principal.

Dimanche 25 Janvier

Dans l'après-midi nous allons au Luxembourg; les enfants prennent grand plaisir à se lancer des boules de neige et à glisser; nous les traînons à tour de rôle sur la neige durcie des allées. Le froid tient depuis plusieurs jours, un bon froid bien clair de 4 à 5° seulement. Le temps est beau, au Bois de Boulogne on patine depuis quelques jours.

Lundi 26 Janvier

Quelques gentilles expressions de Paul:

- Le matin à leur réveil les enfants ne manquent pas de me souhaiter le bonjour en me demandant si j'ai bien dormi. Paul fait maintenant comme les autres et son petit 'bonzou Papa as-tu bien tômi?" est délicieux. Il a aussi un petit "si te plaît" adorable. "Papa tu vas me taîner sur le bassin aujourd'hui?" car le gamin adore les glissades, les boules de neige et tous les exercices possibles. Ce n'est pas lui qui se plaindra du froid. De nos fenêtres nous apercevons toute la journée les glisseurs et les patineurs sur le bassin du Luxembourg et c'est une tentation bien forte pour lui comme pour ses frères et aussi pour Louise qui fait bien sa partie comme les autres.

Mardi 27 Janvier

Ma première expertise. Je reçois le matin par entremise d'un avoué M. Miguer ma première affaire. Référé, locataire contre son propriétaire qui se refuserait à faire certains travaux non locatifs rue de la Fédération, 8. Je donne rendez-vous pour Vendredi 30 courant à 3h sur place.

Après déjeuner et avant de conduire Charles en classe nous menons les enfants au Luxembourg sur le bassin. Mais le dégel s'annonçait subitement et nous dûmes leur faire quitter le bassin à leur grand regret.

Mercredi 28 Janvier

Soirée chez Mme Delaborde. J'y vais avec Père et Geneviève. Nous y entendons Léo Delibes.

Mercredi 4 Février

Soirée chez Mme Delaborde. J'y vais avec Père et Geneviève; nous entendons Mme Tardieu et une personne de grand talent vocal, Mme Fuchs, femme d'un ingénieur, que j'avais autrefois déjà entendue chez Mme Schuré.

Mardi 10 Février

Henri et Laure arrivent à Paris pour y passer quelques jours. Je vais avec Malassez chez le Dr. Ladreit de la Charrière, 1 rue Bonaparte (pour ma surdité).

Mercredi 11 Février

Soirée chez Mme Delaborde à l'Institut. J'y vais avec Sophie, Père, Geneviève, Henri et Laure. Nous y entendons Mme Tardieu.

Jeudi 12 Février

Après midi je vais avec Henri, Laure et Geneviève à l'exposition des aquarelles. Le soir dîner de famille à la maison. Père, Geneviève, Henri, Laure, Adèle, Anna, Henri et Joseph, Etienne et Mathilde, ma tante Jannet, M. Allart. Béatrice, Malassez et sa femme viennent le soir prendre le thé.

Vendredi 13 Février

55ème dîner de la Charette chez Notta; étaient présents: Raulin, Tournade, Lalanne, Bariller, Pray, Glaize, Gillet, Motte, Chaine, Flachiron, Sauton et moi.

Dimanche 15 Février

Henri et Laure retournent à Rouen.

Lundi 16 Février

Nous assistons de notre balcon à l'enterrement de Jules Vallès, l'ancien membre de la Commune, décédé Bd St Michel, 77. Dès 11h de nombreux rassemblements se forment sur le boulevard. A 1h le cortège s'ébranle au milieu d'une foule énorme. Le cercueil placé sur le corbillard des pauvres et recouvert de l'écharpe rouge des membres de la Commune est immédiatement suivi par la fine fleur du parti anarchiste, Rochefort en tête, puis vient la cohue de toute la canaille de Paris défilant entre deux haies épaisses de curieux. Au dessus de ce long ruban d'êtres débraillés et vociférant flottent des bannières et des drapeaux rouges, un drapeau noir et, perché en haut d'une pique apparaît une pancarte ronde entourée d'une couronne de violettes; l'apparition de cette pancarte soulève des colères, des cris et une explosion d'indignation parmi les assistants. On y lit en effet: "Les Socialistes allemands de Paris à J. Vallès". Une vingtaine d'Allemands entourent cette couronne. Les cris "A bas l'Allemagne" et "A bas la Prusse" retentissent. Un groupe d'étudiants se précipite sur ces tristes et injurieux emblèmes; ils sont repoussés, le sang coule mais les Allemands restent vainqueurs. Plusieurs fois pendant le parcours du Boulevard St Michel au Père Lachaise la Lutte recommence, on éclabousse de boue la pancarte on lui lance des pierres mais, oh honte, couronne et pancartes restent debout et pénètrent dans le cimetière. La police avait reçu l'ordre de s'abstenir de toute arrestation et même de toute présence. Peut-être a-t-on eu raison. De semblables manifestations traitées par le mépris perdent de leur importance et croulent sous le mépris public. N'importe, on a vu toute une journée, traîné dans Paris, salué par les hurlements de ces misérables, le drapeau de l'émeute et ce qui est mille fois plus sanglant cette manifestation triomphante de ces odieux Allemands.

Le soir nous dînons Sophie et moi chez Mme Dupont avec Père, Geneviève, Adèle et ses enfants, Pierre Petit, Ch Rabut et Marguerite, Etienne et sa femme, M. Renard et sa femme.

Samedi 21 Février

Grande soirée de contrat chez M. Eiffel pour le mariage de sa fille Claire. Très beau bal, belles toilettes, beaucoup de monde. Je m'y rencontre avec Père, Geneviève, Etienne, M. Renard et sa femme, M. et Mme Bardy, M. Bayard. Je quitte le bal à 3h moins un quart.

Dimanche 22 Février

Le soir je vais avec Sophie chez Béatrice où dînent Père, Adèle, Geneviève, etc... On fait de la musique; Pierre et Béatrice jouent une petite pièce.

Mardi 24 Février

Petit André a sa première dent (à 6 mois moins 2 jours). Depuis quelque temps il va tout à fait bien, les pesées sont excellentes. Le 21, Janvier il pesait 6Kg365gr. Il pèse aujourd'hui 7Kg245gr soit une augmentation de 880gr en 28jours, soit par jour 31gr5.

Mercredi 25 Février

Le soir je vais avec Sophie chez ma tante Jannet.

Jeudi 26 Février

Mariage de Mlle Claire Eiffel avec M. Adolphe Salles, ingénieur civil, à l'Eglise St François de Sales (Plaine Monceau). Le soir je vais avec Sophie chez Mme Delisle à la Bibliothèque Nationale. Nous y rencontrons Père et Geneviève.

Vendredi 27 Février

Eté avec Sophie chez le Dr Ladreit de la Charrière (deuxième visite).

Samedi 28 Février

Je vais au bal de M. et Mme Gréard à la Sorbonne. J'y rencontre Père, Geneviève, Etienne, Pierre Puiseux et Béatrice.

Lundi 2 Mars

Sophie fait vacciner petit André chez Chambon, vaccinateur, 8 rue de Boulogne. Nous recevons la visite de M., Mme et Mlle Pignon, à Paris pour quelques jours, de Louise Renard et de son mari, de M. et Mme de La Gillardaie. Le soir Charles et Marguerite Rabut viennent nous faire leurs adieux, ils retournent à Caen.

Mardi 3 Mars

Je vais avec Sophie à la "Ménagère" acheter une voiture pour André, puis à l'exposition des aquarellistes rue de Sèze.

Dans la matinée Père m'apporte une somme de dix mille francs pour la dot future de Louise. En 1880 il lui avait déjà donné 380Fr de rente 3% à 85Fr ce qui faisait 10.730Fr. Soit ensemble actuellement 20.730Fr.

Vendredi 6 Mars

A 8h du matin départ pour les Petites Dalles. M. Peltier nous rejoint à la gare de Rouen, nous déjeunons dans le train. Arrivés à Yvetot, une voiture nous conduit aux Dalles où nous sommes à 2h1/2.

Samedi 7 Mars

Pose de la lère pierre de la maison de M. Peltier. Les travaux de ma maison s'avancent, presque toutes les portes sont posées.

Dimanche 8 Mars

Je quitte les Dalles vers 1h. Train à Yvetot 4h, arrivée à Rouen à 5h35. Dîner chez Mme Cronier. Après dîner billard et Whist avec M. Wanckel.

Lundi 9 mars

Je quitte Rouen par le rapide à 2h et suis à 4h35 à Paris. Le soir je vais avec Sophie chez Pierre Puiseux où nous sommes en famille avec ma tante Jannet, Père, Geneviève, Etienne, Jeanne (depuis Samedi à Paris avec son petit Pierre pour la pose d'un appareil) et M. Rivière.

Dimanche 15 Mars

Nous allons le soir chez Béatrice.

Lundi 16 Mars

Eté avec Sophie à l'ouverture de l'exposition des oeuvres de Bastien Lepage à l'Ecole des Beaux-Arts, Hôtel de Chimay. Nous recevons l'après midi la visite de Jeanne Chevau. Jeanne Petit repart pour Fontainebleau avec son petit Pierre.

Mercredi 18 Mars

Louise a 8 ans. Mathilde est mère d'un garçon. Dans l'après-midi je vais avec Père et Etienne déclarer le jeune Maurice à la mairie.

Jeudi 19 mars

Jeanne Chevau, Pierre, Béatrice et André, Etienne, M. Allart, Père et Geneviève viennent dîner à la maison.

Samedi 21 Mars

M. Rivière Père vient dans la soirée à l'Institut demander la main de Geneviève pour son fils Charles Rivière Professeur de Physique au Lycée St Louis.

Dimanche 22 Mars

A 8h50 du matin départ pour Laon, arrivée à 11h1/2. Descendu à l'Hôtel de la Haize. Visite de la cathédrale, beau monument du XIIIème siècle. Intérieur d'un grand caractère; à la croisée, lanterne d'un grand effet, abside carrée. Je fais l'ascension d'une des tours. Je visite l'ancien palais épiscopal attenant à la cathédrale, aujourd'hui palais de justice, XIIème siècle, l'église St Martin XIIème siècle. Je parcours la ville et en fais le tour; très beaux points de vue. Temps pluvieux dans la matinée, soleil après-midi, mais vent du Nord très froid.

Lundi 23 Mars

A 8h1/2 du matin, après une promenade sur les boulevards extérieurs de Laon par un beau soleil mais une assez forte gelée, je prends le train pour Anizy-Pinon. Le fermier de M. Corne, M. Gilbert m'attend à la gare et me conduit à la ferme de Colombe, objet de mon voyage; une heure de route en voiture. je discute avec les entrepreneurs et le fermier des projets de reconstruction des bâtiments incendiés depuis 6 semaines, et après avoir déjeuné à la ferme je retourne à Anizy, prends le train vers 4h pour Coucy où j'arrive vers 5h; journée très froide, temps alternativement brumeux et ensoleillé. A Coucy je vais visiter les imposantes ruines du château, XIIIème siècle, et rentre dîner vers 7h à l'Hôtel des Ruines où je couche.

Mardi 24 Mars

De bonne heure par un ciel d'une pureté parfaite je vais à la recherche d'une aquarelle à faire des ruines de Coucy. Je descend dans la plaine sur la route de la gare. Je suis à chaque instant obligé d'interrompre mon travail, transi de froid, ne sentant plus mes mains; je tiens bon néanmoins et parviens à faire une ébauche d'aquarelle que je ne puis terminer faute de temps. A 11h, complètement refroidi, je remonte à Coucy où je déjeune et pars à midi 1/2 pour Soissons.

Soissons: Ascension d'une des tours de St Jean des Vignes XVème et XVIème siècles. Portail postérieur mauvais pastiche des portails de Notre Dame de Paris. Visite de la ville puis comme il me reste du temps avant le dîner tour des remparts, 35 minutes de tour. A 6h dîner à l'Hôtel du Soleil d'Or, à 7h1/2 départ pour Paris où j'arrive à 9h1/2.

Mercredi 25 Mars

Après dîner je vais chez M. Corne pour lui rendre compte de mon voyage à Colombe et je rejoins Sophie chez ma tante Jannet où nous trouvons M. Rivière.

Jeudi 26 Mars

Je vais au bal du Grand Hôtel au profit des blessés du Tonkin et de Madagascar. J'y rencontre Lalanne et Tropey. Mauvaises nouvelles du Tonkin, échec du Général Négrier à Dong Dang en avant de Lang Son sur la route de Chine le 24 Mars.

Vendredi 27 Mars

Charles compose en récitation. Il est 8ème sur 19 avec 72 points. Le premier en a 73. Exemption de premier Ordre. Son professeur M. Pressard lui fait des compliments. Nouvelles de Chine: Le général de Négrier concentre sa brigade à Lang Son le 26.

Samedi 28 Mars

Dépêche du Général Brière de l'Isle - Hanoï 26 Mars 11h56 du soir. "Le général de Négrier me télégraphie de Lang Son 26 Mars 4h du matin: Le gros de la brigade est concentré à Lang Son. Je suis resté toute la journée du 25 avec l'avant-garde en face de la Porte de Chine, attendant l'ennemi qui ne s'est pas montré; les Chinois ont eu de grandes pertes dans la journée du 24. Je suis rentré le 26 à Long Son sans incident. Tous les blessés y étaient depuis le 25. Le chiffre exact de nos pertes dans les 2 journées est de 7 officiers tués, 6 blessés, 72 hommes de troupe tués ou disparus, 190 blessés. Le général de Négrier m'écrit de nouveau à 8h du matin qu'il n'a pas besoin à Lang Son de nouveaux renforts et que son artillerie est suffisante. Il a en effet reçu dès le 24 les troupes de renfort destinées à la 2ème brigade. Il compte tirer grand parti des Spahis. Une forte réserve est constituée à Chu".

Dimanche 29 Mars

Les journaux du soir nous apportent de désolantes nouvelles du Tonkin.

Dépêche du Général Brière de l'Isle, Hanoï 28 Mars 11h30 du soir. "Je vous annonce avec douleur que le Général de Négrier grièvement blessé a été contraint d'évacuer Lang Son. Les Chinois débouchant par grandes masses sur 3 colonnes ont attaqué avec impétuosité nos positions en avant de Ki-Lua. Le colonel Herbinger devant cette grande supériorité numérique et ayant épuisé ses munitions m'informe qu'il est obligé de rétrograder sur Dong Son et Than-Mol. Je concentre tous mes moyens d'action sur les débouchés de Chu et de Kep. L'ennemi grossit toujours sur le Song-Kal. Quoiqu'il arrive j'espère pouvoir défendre tout le delta. Je demande au Gouvernement de m'envoyer le plus tôt possible de nouveaux renforts."

Cette navrante dépêche dont chaque phrase, chaque mot, semble plein de sinistre sous-entendu, je ne puis la lire sans la plus vive émotion, la gorge serrée. Toute notre soirée se passe à ne pouvoir parler d'autre chose. Les enfants étaient attentifs essayant de tout comprendre; au moment de se mettre au lit Charles vint demander à sa mère: "Maman quelle prière pourrais-je dire pour nos pauvres soldats du Tonkin?"

Lundi 30 Mars

Son réveil notre gros Henri nous demande les yeux encore tout gonflés de sommeil: "Est-ce que les troupes seront bientôt arrivées en Chine?" Le pauvre gros nous avait entendu parler la veille pendant le dîner des troupes de secours qu'on allait immédiatement envoyer.

L'émotion produite par la dépêche du Général Brière de l'Isle est immense. Orageuse séance à la Chambre. Le cabinet Ferry est renversé par 308 voix contre 161. Proposition de mise en accusation du Ministère rejetée par 287 voix contre 152.

La dépêche reçue dans la matinée est moins alarmante: Mardi 29 Mars 10h du soir: "Négrier est à Dang Son; sa guérison est certaine. Herbinger est à Than-Moï avec sa colonne. Il n'a pas été inquiété dans la retraite et l'évacuation s'est faite sans difficultés. Il reste à Than-Moï et à Dang Son et barre les deux routes. Les vivres et les munitions sont à Dang Son en abondance et les approvisionnements réunis à Chu peuvent faire face à tous les besoins. Du côté de Song Koï rien de nouveau - Brière de l'Isle." Les journaux allemands sont dans la joie! Ils se vantent d'avoir dans l'armée chinoise 200 officiers et sous-officiers. - Canailles!!!

Mardi 31 Mars

La Chambre et le Sénat votent à l'unanimité un premier crédit de 50 Millions sur les 200 millions demandés par le Ministère avant sa chute. Les 150 autres millions sont réservés jusqu'à la constitution du nouveau ministère. Tout le monde est de plus d'avis d'agir avec la plus grande énergie pour venger l'honneur national. Dix mille hommes de renfort vont être immédiatement envoyés en attendant la formation d'une armée de 50.000 hommes. M. Freycinet appelé par le Président de la République cherche à constituer un Ministère.

Mercredi 1er Avril

La situation parait toujours grave au Tonkin depuis la triste dépêche reçue le 29 Mars. Et pendant ce temps-là les Allemands en liesse fêtent à grand fracas le 70ème anniversaire de leur Bismarck.

Jeudi 2 Avril

M. de Freycinet chargé de constituer un ministère poursuit ses négociations avec les différents groupes de la Chambre, sans résultats.

Vendredi 3 Avril

Nouvelles rassurantes du Tonkin arrivées le 2.

"Hanoï premier Avril. - La blessure de Négrier va aussi bien que possible. Pas de fièvre. L'évacuation de Long Son à la suite de la blessure de Négrier semble avoir été un peu précipitée, surtout après la réussite d'une contre-attaque de notre part sans pertes sensibles pour nous. La brigade avait 20 jours de vivres et de munitions qui lui permettaient d'attendre le convoi en route et annoncé. On ne s'explique pas non plus l'évacuation si rapide de Dong Son. Jusqu'à présent les Chinois semblaient surtout occuper leurs anciennes positions au nord de Déo-Quam et Déo-Van. La situation est en résumé meilleure que ne le faisaient supposer les renseignements exagérés qui m'étaient parvenus depuis 4 jours. Aujourd'hui le Colonel Desbordes a pris le commandement de la brigade à Chu. - Brière de l'Isle."

Ainsi donc il y avait eu affolement après la blessure du Général Négrier et le colonel Herbinger parait avoir un peu perdu la tête dans sa précipitation à ordonner la retraite. On commence à respirer mais non sans s'affliger d'une aussi pénible aventure; d'autant plus que d'après les derniers renseignements Pékin paraissait décidé à conclure la paix. La fameuse déroute de Lang Son nous a coûté 5 tués.

Lundi 6 Avril

Après midi nous conduisons tous les enfants, même André avec sa bonne Baebchen, au Cirque d'Hiver. Le soir nous recevons après dîner la visite de Pierre Petit avec son fils Henri de passage à Paris revenant de Grignon.

Mardi 7 Avril

Voyage aux Petites Dalles avec Etienne. Nous emmenons Geneviève et la laissons à Rouen. Henri et Laure sont venus au devant de nous sur le quai de la gare. Nous décidons Henri après une forte insistance à nous accompagner aux Dalles. Déjeuner à Yvetot. Arrivée aux Dalles vers 3h. Assez beau temps mais un peu froid. Après dîner jeu de whist avec Henri et Etienne. Ma maison est fort avancée on continue la pose des menuiseries.

Mercredi 8 Avril

Mauvais temps toute la journée. Après midi nous allons à St Pierre en Port voir les travaux; on commence la construction d'un casino. Le soir whist.

Jeudi 9 Avril

A 8h1/2 du matin départ des Dalles par Cany, arrivée à Rouen à midi 16. Après déjeuner je vais faire une visite à M. Barre président de la Société des Architectes de la Seine Inférieure au sujet du Congrès qui doit visiter Rouen au mois de Juin. Le soir dîner chez Mme Cronier avec Henri, Laure, Louise et son mari. Départ avec Etienne à 8h50 pour Paris.

Vendredi 10 Avril

Père va rejoindre Geneviève à Rouen.

Samedi 11 Avril

Tribunal de simple police - Boebschen, la domestique ayant secoué un tapis par le balcon 1Fr d'amende. Bal de l'Hôtel de ville pour les pauvres de Paris et les blessés du Tonkin. Je m'y rencontre avec Etienne, M. Renard, M. et Mme Bardy.

Lundi 13 Avril

Je vais avec Sophie et Charles visiter l'Hôtel de Ville. Foule énorme.

Jeudi 16 Avril

Après le déjeuner Paul vient me dire à l'oreille très heureux et avec un petit air confidentiel: "moi a fait tes lignes, moi a tommencé à tavalé". Sa Maman lui avait en effet le matin donné sa première leçon d'écriture. Il était bien fier d'avoir fait des lignes et d'avoir commencé à travailler.

Quelques expressions de Paul:

"Anté" pour André; "veux-tu me faire manler", me faire manger; "ta mailon", ta maison; "si te pait" (adorable ce "si te pait"), s'il te plaît; "le petit tailon", le petit crayon; "toller", coller. Non, non, jamais, lui dis-je un jour en lui refusant quelque chose; et lui avec ses beaux grands yeux étonnés et interrogatifs d'une voix délicieuse, une vraie musique - "di tout e la vie" pour pas du tout de la vie? Où avait-il été chercher cette expression? J'étais vaincu...

Samedi 18 Avril

Henri et Laure viennent passer la journée à Paris pour l'enterrement de M. Paul Bucquet.

Lundi 20 Avril

Petit André mange son premier oeuf; 7 mois et 24 jours.

Mardi 21 Avril

Je vais avec Sophie chez M. Loewenberg, médecin auriste 15 rue Auber.

Mercredi 22 Avril

Je retourne chez M. Loewenberg.

Jeudi 23 Avril

Nous allons dîner à l'Institut avec nos quatre aînés. Mme Cronier, Mme Dupont, Etienne et Mathilde, M. Rivière y dînent également.

Dimanche 26 Avril

Père, M. Rivière, Geneviève, Adèle et ses enfants, M. Allart viennent dîner à la maison.

Mercredi 29 Avril

Henri vient passer la journée à Paris pour ses affaires. Père étant parti avec Geneviève et Adèle à Fontainebleau dès le matin pour la première Communion de Pierre Petit qui doit avoir lieu le lendemain, Henri vient déjeuner avec nous.

Samedi 2 Mai

Nous recevons à dîner M. et Mme Malassez, Mme Dupont, M. et Mme Renard, Etienne et sa femme, M. Rivière, Père et Geneviève, et Pierre de passage à Paris.

Dimanche 3 Mai

A 8h du matin départ avec Mme Dupont pour les Dalles. Sur le quai de la gare de Rouen nous voyons Henri et Laure. Déjeuner à Yvetot, arrivée aux Dalles à 3h. Temps passable.

Les caves de la maison de M. Peltier sont montées et les murs élevés à 1m50 environ du sol du rez-de-chaussée. Chez Mme Dupont les travaux se continuent; chez moi l'escalier est posé il reste encore des parties de plâtre à faire et à terminer les menuiseries.

Lundi 4 Mai

Temps pluvieux, pluie abondante la matinée. Dans l'après-midi de 2h à 5h le temps s'éclaircit, il fait très beau mais la pluie recommence pour tomber toute la nuit.

Mardi 5 Mai

La pluie tombe toujours; nous partons Mme Dupont et moi à 7h du matin pour Fécamp. Longue séance chez le tapissier Braquenhaye. A 11h27 départ pour Rouen où nous arrivons vers 2h. Le temps s'améliore et il fait beau le reste de la journée. Pendant que ces dames restent dans le jardin de Mme Cronier je vais voir Henri à la Mi-Voie et nous revenons par les hauteurs de Neuvillette et Bonsecours. Dîner chez Henri avec Mme Cronier, Louise et Mme Gougeon. Après le dîner retour à Paris par le train de 8h50.

Dimanche 10 Mai

Je pars à 7h3O pour St Brieuc. J'arrive à 6h du soir.

Lundi 11 Mai

Mariage de Mlle Maignan avec M. Georges Le Bail avocat à Quimper. Mariage à 11h à la Cathédrale. Lundi dîner chez M. Maignan de 7h à 11h.

Mardi 12 Mai

A midi 13 je pars pour Paris. J'arrive à 11h35 du soir.

Dimanche 17 Mai

Nous allons déjeuner à Sceaux chez Mme Dupont avec tous les enfants.

Lundi 18 Mai

Petit André est sevré; Charles et Louise prennent leur première leçon de piano, avec Mlle Isambert. Mlle Isambert viendra 2 fois par semaine, lundi et jeudi.

Mercredi 20 Mai

Je vais avec Sophie à l'Odéon entendre l'Arlésienne de Daudet, musique de Bizet.

Vendredi 22 Mai

Mort de Victor Hugo. Mort de M. Th. Ballu, architecte de l'Hôtel de Ville.

Samedi 23 Mai

Je vais à l'enterrement de M. Ballu à la Trinité.

Dimanche 24 Mai

Je vais avec les enfants m'inscrire chez Victor Hugo. Partis en voiture nous arrivons Avenue Victor Hugo 50 avant 8h du matin; la porte est fermée, je sonne, nous sommes introduits dans le vestibule où sont déjà sur la table quantité de registres couverts de signatures. Je signe pour Sophie et pour moi. Charles signe ensuite, puis Louise, puis Henri d'une bonne grosse écriture sans lettres majuscules. Paul qui commence à écrire depuis quelques jours et fait des bâtons (des fouets comme il les appelle à cause du délié tremblé dont il les accompagne), Paul fait donc un fouet, puis je lui conduis sa main pour écrire son nom et celui de son frère André. Je mène ensuite les enfants au Bois de Boulogne qu'ils ne connaissaient pas; entre plusieurs ondées ils s'amusent fort à courir, à cueillir des fleurs, à donner à manger aux canards du lac. Ils sont enchantés de leur promenade. Après 2h de promenade nous reprenons une voiture et rentrons à la maison vers 11h. Après midi nous recevons la visite d'Albert Leviez à Paris pour 2 jours. Il vient dîner avec nous le soir. Au Luxembourg nous rencontrons Père, Adèle et les siens, Marguerite et son mari.

Jeudi 28 Mai

Dans la soirée nous recevons la visite d'Henri et Laure arrivés à Paris dans la matinée, de Geneviève et de M. Rivière. Je pars pour les Dalles par le train de 11h30 du soir.

Vendredi 29 Mai

Arrivé à Yvetot à 4h20 du matin, je me fais conduire aux Dalles où j'arrive vers 7h. Je trouve aux Dalles Mme Cronier, Louise et son mari. Je déjeune et dîne chez Mme Cronier.

Samedi 30 Mai

Je déjeune chez Mme Cronier; à 4h1/2 je quitte les Dalles avec M. Peltier pour rentrer à Paris par Cany.

Dimanche 31 Mai

Dans la matinée je monte jusqu'à l'Arc de Triomphe pour voir le catafalque de Victor Hugo. Dans l'après-midi je retourne aux Champs-Elysées avec Sophie et tous les enfants, André dans sa petite voiture. Nous allons à pied jusqu'au delà du Rond-point. Là je mets Sophie et les quatre aînés en voiture et je rentre à la maison à pied avec la domestique Bäbchen et André dans sa voiture.

Lundi 1er Juin

Nous assistons de notre balcon aux funérailles de Victor Hugo (Henri, Henri Guibert, Aristide et Anna, Geneviève, M. Rivière, Mlle Schlachte passent l'après-midi avec nous). Ces funérailles dépassent tout ce qu'on peut imaginer de plus splendide. La tête du cortège apparaît au tournant de la rue Soufflot montant vers le Panthéon à 1h25. Le défilé dure jusqu'à 6h40 soit cinq heures un quart. Sans presqu'aucun arrêt; l'armée de Paris qui ferme le cortège met 3/4d'heure à défiler.

Le soir avec Sophie, après avoir couché les enfants, nous allons admirer au Panthéon l'amoncellement de couronnes qui couvre les marches des 3 côtés de péristyle.

Lundi 8 Juin

Congrès des Architectes du 8 au 13 à l'Ecole des Beaux-Arts.

Jeudi 11 juin

Congrès des Architectes. Excursion à Rouen. Départ à 8h du matin, retour à Paris à 11h30 du soir. Henri est à l'arrivée et ne me quitte pas jusqu'au départ. Je n'ai pas le temps d'aller jusqu'à Eauplet.

Samedi 13 Juin

Congrès des Architectes. Séance de clôture présidée par M. Alphand Directeur des Travaux de Paris. Je lis mon rapport sur les récompenses. Sophie et Louise, Adèle et Anna assistent à la séance. La salle de l'hémicycle est pleine. Le soir dîner à l'Hôtel Continental.

Lundi 15 Juin

On apprend la mort de l'Amiral Courbet, mort d'une maladie de foie à bord de son navire dans les mers de Chine. Mort du Prince Frédéric-Charles, neveu de l'Empereur d'Allemagne qui prit une si grande part à la guerre franco-allemande.

Mercredi 17 Juin

Mort du Général Manteuffel, gouverneur d'Alsace-Lorraine.

Vendredi 19 Juin

A 11h du soir je pars pour les Petites Dalles.

Samedi 20 Juin

Arrivée à Yvetot à 4h20 du matin aux Dalles vers 7h.

Dimanche 21 Juin

Dans la matinée je vais à St Pierre en Port. Je passe l'après-midi dans la maison et dans le jardin à lire. La mer est si violente qu'il est impossible de se baigner.

Lundi 22 Juin

Dans la matinée je prends mon premier bain de mer de l'année; à 3h1/2 je quitte les Dalles pour Cany. Je rentre à Paris à 11h30.

Jeudi 25 Juin

Je vais à Colombes (Aisne) visiter les travaux d'écurie et de bergerie de la ferme de M. Corne. Parti de Paris à 8h50, arrivé à Anizy à 11h, à la ferme à midi, je quitte la ferme à 5h pour rentrer à Paris à 9h25.

Mardi 30 Juin

Sophie, Louise, Henri, Paul, André et les 2 domestiques partent pour les Petites Dalles par le train de 11h30 du soir à destination d'Yvetot. Je les accompagne avec Charles jusqu'à la gare et sur le quai d'embarquement puis nous rentrons à la maison vers minuit1/2.

C'est la première séparation pour Charles; il a fait une excellente contenance. Gai jusqu'au dernier moment, lorsqu'il voit le train partir, il répond avec un peu d'émotion dans la voix à mes questions mais rien sur son visage ne trahit cette émotion. Je suis pour lui plus ému que lui et je suppose que la maman après nous avoir perdu de vue a eu quelques battements de coeur... La première séparation !

Mercredi 1er Juillet

Sophie arrive à Yvetot à 4h19 du matin et aux Dalles vers 71/2. Je reste à Paris avec mon petit Charles. Nous déjeunons chez M.Allart, le soir nous allons dîner chez Mme Corne avec M. Allart; il y a quelques invités entre autres M. Desmoutiers frère de Mme Corne. Nous nous retirons de bonne heure Charles tombant de fatigue; il s'était couché la veille à 1h du matin étant allé accompagner à la gare sa mère et ses frères et soeur.

Jeudi 2 Juillet

Nous déjeunons chez M. Allart. Après déjeuner je l'emmène avec moi. A la suite d'un rendez-vous d'expertise Boulevard de La Tour Maubourg je le rejoins sur les quais; nous descendons en bateau jusqu'au Point du Jour et remontons jusqu'à l'Institut. Le soir nous dînons chez M. Allart.

Vendredi 3 Juillet

Nous déjeunons chez M. Allart et dînons le soir à l'Institut avec Marguerite arrivée de la veille.

Samedi 4 Juillet

Je déjeune avec Charles et je dîne chez M. Allart.

Dimanche 5 Juillet

Dans la matinée après avoir fait travaillé Charles je le conduis à la messe de 11h à St Etienne du Mont. Nous allons ensuite déjeuner chez M. Allart, puis nous allons faire une visite à l'Institut, rentrons écrire à Maman, allons faire visite à ma tante Jannet qui nous avait invités à dîner le soir. Visite à Mme Corne, nous ne rencontrons ni ma tante ni Mme Corne, nous nous promenons au Luxembourg à la recherche d'Adèle et de la famille, les rencontrons, allons à l'Institut où nous dînons tous ensemble.

Mardi 7 Juillet

Je dîne avec Charles à l'Institut avec Charles Rabut, Célestin, Paul Boulan.

Mercredi 8 Juillet

A 10h une voiture vient nous prendre Charles et moi pour nous conduire à l'Institut. Mariage de Geneviève à la mairie St Sulpice et à l'église St Germain des Prés. Lunch à l'Institut. Charles va avec des cousins et ses tantes faire une promenade au Bois en voiture. Avec Henri, Etienne, Pierre Henri et Aristide Guibert nous allons à la maison passer l'après-midi en faisant un whist. Dîner chez Lemandeley rue Richelieu, 53 couverts.

Jeudi 9 juillet

Je me lève assez souffrant, la veille déjà en me levant j'avais éprouvé des étourdissements suivis de maux de coeur qui m'empêchaient de me tenir debout et de circuler dans l'appartement. Je prie par dépêche M. le Dr Hutinel de venir. Assemblée Générale à la Société Centrale; pour la première fois je ne remplis pas mes fonctions de Secrétaire Principal. M. Hutinel m'ordonne un vomitif que je prends immédiatement. Visite d'Henri repartant le soir même à Rouen puis visite de Jeanne le soir qui arrive avec son paquet de nuit et m'offre très gentiment d'être ma garde-malade ce dont je la remercie. Charles sorti du lycée depuis le 7 au soir n'y rentre pas; ne pouvant m'occuper de ses devoirs et leçons et ayant l'intention de le conduire aux Dalles samedi je le garde avec moi. Il commence ses vacances.

Vendredi 10 Juillet

M. Hutinel revient et m'ordonne un vésicatoire derrière l'oreille. Jeanne et Adèle viennent passer la matinée avec moi puis Adèle retourne chez elle et m'apporte un délicieux petit déjeuner; oeuf frais, poulet froid, fruits, café, rien n'y manque. Jeanne emmène Charles déjeuner avec elle à l'Institut et promener au Luxembourg avec petit Pierre et les enfants de Marguerite. Ils reviennent tous dans l'après-midi.

Samedi 11 Juillet

M. Hutinel me permet de partir aux Dalles comme j'en avais le désir et je pars avec Charles par le train de 11h30. Pendant cette petite indisposition je reçois de tous les soins les plus touchants et les marques d'intérêt les plus vives. Père, Adèle, Henri, Jeanne, Célestin, Ch. Rabut, Marguerite, M. Allart, ma tante Jannet me comblent de leurs visites et de leurs prévenances.

Dimanche 12 Juillet

Sophie prend son bain avec Charles Louise et Henri; la veille elle avait pris son premier bain avec Louise, Henri et Paul. Paul s'était déclaré satisfait. Il n'a pas envie de recommencer.

Mardi 14 Juillet

Charles, Louise et Henri se baignent.

Mercredi 15 Juillet

Charles, Louise et Henri se baignent.

Samedi 18 Juillet

Maman, Charles, Louise et Henri se baignent.

Dimanche 19 Juillet

Je me baigne (mon premier bain de l'année); la mer est un peu trop agitée pour les enfants.

Lundi 20 Juillet

Retour à Paris. Sophie se baigne avec Charles, Louise et Henri.

Mardi 21 Juillet

Matin expertise à Châtillon. Après midi rue Bolivar M. Canoville. Aux Dalles Sophie se baigne avec Charles, Louise et Henri.

Mercredi 22 Juillet

Après midi à mon cabinet expertise Barbas et Castellane; Figeac. Le soir dîner chez M.Corne.

Aux Dalles Sophie se baigne avec Charles, Louise et Henri.

Jeudi 23 Juillet

Eté à la ferme de Colombe avec Mlle S. Corne; partis à 8H50 rentrés à 9h30. Aux Dalles Sophie se baigne avec Charles, Louise et Henri.

Vendredi 24 Juillet

Matin expertise rue Bolivar. Départ pour les Dalles midi45. Aux Dalles Sophie se baigne avec Charles, Louise et Henri.

Samedi 25 Juillet

Je me baigne avec Sophie Charles, Louise et Henri.

Dimanche 26 Juillet

Je me baigne avec Sophie Charles, Louise et Henri.

Lundi 27 Juillet

Après midi départ pour Paris. Matin départ de M. Allart pour Fécamp, le Havre et Paris. Je me baigne avec Sophie Charles, Louise et Henri.

Mardi 28 Juillet

Après midi rendez-vous chez M. Canoville, Mme Delarue.

Mercredi 29 Juillet

Après-midi S.C. Commission de Publication; expertise à mon cabinet. Aux Dalles Sophie se baigne avec Charles, Louise et Henri.

Jeudi 30 Juillet

Après midi à mon cabinet, expertise Figeac, Barbas et Castellant. Le soir je vais dîner à Sceaux chez Etienne avec Père. Aux Dalles Sophie se baigne avec Charles, Louise et Henri.

Vendredi 31 Juillet

Dans la matinée à mon cabinet expertise Figeac/Daag; signature de l'accord. Après midi expertise Cochet c/Chopin à Ivry/Seine.

A 11h du soir je pars pour les Dalles en compagnie de M. Masson. Nous prenons notre billet pour Yvetot. Aux Dalles Sophie se baigne avec Charles, Louise et Henri.

Samedi 1er Août

Arrivée à Yvetot 4h19 du matin, aux Dalles vers 7h. Pour la fête de Sophie nous nous installons dans notre maison la "Villa des Mouettes". Je me baigne avec Sophie, Charles, Louise et Henri.

Mardi 4 Août

Adèle et ses enfants, sauf Henri et Joseph partis pour la Bretagne, arrivent aux Dalles à 7h1/2 du matin. Ils déjeunent chez nous. Je me baigne avec Sophie, Charles, Louise et Henri.

Mercredi 5 Août

Pierre, Jeanne et leurs enfants arrivent aux Dalles à 7h du matin. Etienne, Mathilde et leurs enfants arrivent à 7h du soir. Je me baigne avec Sophie, Charles, Louise et Henri.

Jeudi 6 Août

Je me baigne avec Sophie, Charles, Louise et Henri.

Dimanche 9 Août

Bain dans la matinée avec Charles, Louise et Henri. Adèle, Jeanne et Pierre et les enfants viennent prendre le café, nous passons l'après-midi au jardin. Visite de Mme Cronier. A 5h je quitte les Dalles. Pierre, petit Pierre, Aristide et Charles m'accompagnent jusqu'à Cany, allant faire visite au Dr Ménard. De Cany à Rouen je fais route avec M. Ch. Renard qui avait accompagné sa femme par le train de 5h. Parti à 6h30 de Cany, j'arrive à Paris à 11h.

Lundi 10 Août

Matin, je vais voir M. Allart que je trouve sur le point de partir pour son voyage en Suisse. Après midi à mon cabinet 3h1/2, expertise Vasseur, 4h expertise Barbas/Castellane. A 2h arrivée de Père aux Dalles. A 7h arrivée de ma tante Barbedienne et Jeanne Chevau. Louise et Henri se baignent.

Mercredi 12 Août

Midi 45, départ pour les Petites Dalles. Je trouve aux Dalles ma tante Barbedienne et Jeanne Chevau arrivées depuis Lundi soir. Charles, Louise et Henri.se baignent.

Jeudi 13 Août

André commence à marcher à quatre pattes. C'est un amour d'enfant dont nous raffolons. Quelle bonne humeur, quel entrain et avec cela quelle belle santé, ses frères et soeur en sont au moins aussi fous que nous. Je me baigne avec Sophie, Charles, Louise et Henri.

Vendredi 14 Août

L'après-midi nous allons nous promener aux Grandes Dalles.Le soir arrivée d'Henri et de Laure.

Samedi 15 Août

Matin bain avec Sophie et les trois aînés. Henri et Laure viennent déjeuner avec nous. Après déjeuner promenade à St Pierre en Port avec ma tante Barbedienne, J. Chevau, Henri, Laure, Adèle et ses enfants, Jeanne et ses enfants, Etienne Mathilde, M. et Mme Renard, Sophie, les enfants. A St Pierre je vais avec Sophie et les enfants faire visite aux Tournade. Le soir je rejoins chez Mme Cronier, ma tante et Jeanne qui y dînaient.

Dimanche 16 Août

Matin, bain avec Sophie et les 3 aînés. Henri repart pour Rouen; nous l'accompagnons sur la route de Cany avec Laure, M. Ch. Renard, André, Jean Guibert et Henri Petit. Dîner à la maison: Père, Geneviève et son mari, Adèle, Jeanne et leurs enfants, Laure, ma tante Barbedienne, J. Chevau, ensemble 24. Après dîner charade. Viennent Mme Cronier, Louise et son mari, Mme Dupont, Etienne et Mathilde, les Bardy, les Bayard, les Eiffel. MM. Bardy et Eiffel jouent avec nous les charades. Après les charades danses.

Lundi 17 Août

Départ pour Paris par l'omnibus de 9h45. Je fais la route de Cany à Rouen avec M. et Mme Legrain. Je m'arrête à Rouen et passe l'après-midi avec Henri. Nous allons ensemble faire une jolie promenade par la Mi-voie, la Poterie où nous rendons visite à M. Simonin, la Roche d'Adrien, St Aubin et nous rentrons par Franqueville. Après dîner Henri m'accompagne à la gare, j'arrive à Paris vers 11h. Aux Dalles Sophie se baigne avec Charles, Louise et Henri.

Mercredi 19 Août

A 9h du matin rendez-vous avec M. Biguet, avenue d'Iéna 62, au sujet d'une expertise. A 11h je vais à la gare St Lazare au devant d'Henri qui vient passer la journée à Paris. A midi 45 je repars pour les Dalles où j'arrive vers 7h. Soirée chez M. Eiffel, feu d'artifice. Les enfants assistent avec nous au feu d'artifice et aux charades parfaitement jouées par M. et Mme Bardy, M. Eiffel, Etienne. Aux Dalles Sophie se baigne avec Charles, Louise et Henri.

Jeudi 20 Août

Après midi promenade avec la famille à la Croix de St Louis. Dîner chez Adèle. André court à 4 pattes comme un petit rat; c'est un amour d'enfant, une gaîté, un entrain! et quelle belle santé. Sophie se baigne avec Charles, Louise et Henri.

Vendredi 21 Août

Laure reçoit d'Henri des nouvelles attristantes pour ses affaires. Elle retourne à Rouen le rejoindre. Je l'accompagne jusqu'à Fécamp. J'emmène Charles avec moi et lui fais visiter Fécamp. Charles Renard nous rejoint à Fécamp à 4h et nous rentrons ensemble aux Dalles dans la voiture de Mme Cronier. Le soir Père, Adèle, Jeanne, Geneviève et son mari viennent faire un whist.

Samedi 22 Août

Soirée chez Mme Bardy. Je me baigne avec Sophie, Charles, Louise et Henri.

Dimanche 23 Août

Après midi M. Eiffel fait la photographie de Père avec ses enfants et petits-enfants groupés sur le perron de la maison d'Adèle. Le soir je dîne chez Père avec Sophie et les enfants, Jeanne Petit, Anna Guibert, Geneviève et son mari, ma tante Barbedienne, Jeanne Chevau. Louise sait nager; elle fait dans son bain du matin 17 brassées toute seule; la veille on la tenait encore. Je lui donne comme récompense Robinson Crusoé. Bain avec Sophie, Charles, Louise et Henri.

Lundi 24 Août

Matin, départ de ma tante Barbedienne et de Jeanne Chevau. Louise fait jusqu'à trente brassées toute seule. Quant à Charles il est tout à fait parti. Bain avec Sophie, Charles, Louise et Henri.

Mardi 25 Août

Pour la fête de Louise nous organisons une petite matinée enfantine; goûter suivi de jeux au jardin et de danses dans le salon et la salle à manger. La table est composée de 18 enfants: Henri, Yvonne (Chaine?), H. Petit, Marcelle Renard, Charles, Thérèse Chaine, Jean Guibert, Jeanne Petit, Paul, Marie Petit, Emmanuel Chaine, Marguerite Renard, André Guibert, Louise, Wilfried Masson, Adèle Petit, Pierre Petit, Joseph Petit. Bain avec Sophie, Charles, Louise et Henri.

Mercredi 26 Août

Je me baigne avec Sophie, Charles, Louise et Henri.

Jeudi 27 Août

Je me baigne avec Sophie, Charles, Louise et Henri.

Dimanche 30 Août

Après midi nous allons nous promener avec les enfants, Père et Adèle dans les fonds de Briquedalles. Je dîne avec Sophie chez Mme Cronier. Après dîner feu d'artifice et soirée chez Mme Dupont. Les enfants assistent au feu d'artifice et à la soirée pendant laquelle on joue de fort jolies charades. Assistaient à la soirée: la famille, les Cronier, les Renard, Mme Bardy et Pierre, Mme Poincelet, les Bayard, les Daudet, les Peltier, Mlle Colin, les Masson. Bain avec Sophie, Charles, Louise et Henri.

Lundi 31 Août

Mme Dupont, M. Ed. D., M. et Mme Renard, Etienne et sa femme, Père, Geneviève et son mari, Aristide Guibert, Joseph Petit viennent dîner à la maison. Après le dîner Adèle et Anna, Jeanne, M. Masson et sa fille viennent pour la soirée; whist et musique.

Mardi 1er Septembre

Dans la matinée départ de M. et Mme Renard. Après midi nous allons à la ferme des Bruyères en famille. J'essaie ma première aquarelle de l'année, Etienne un fusain. Bain avec Charles, Louise et Henri.

Mercredi 2 Septembre

Bain avec Charles, Louise et Henri.

Jeudi 3 Septembre

Charles se baigne seul.

Dimanche 6 Septembre

Après-midi promenade en famille dans les fonds de Briquedalles. Vers 4h1/2 je quitte la famille et continue ma route sur Cany par Criquetot. Départ de Cany pour Rouen à 6h30. Je me baigne avec Sophie, Charles, Louise et Henri.

Lundi 7 Septembre

Rouen, à midi je vais avec Laure au devant de Frédéric Barbedienne et de sa femme venant de Douai. Après déjeuner nous allons en bateau jusqu'à Oissel. A 8h50 je pars pour Paris.

Mardi 8 Septembre

Déjeuner chez M. Allart. Après midi arbitrages et expertises

Mercredi 9 Septembre

A 9h rendez-vous rue de St Marc 30, travaux propriété Canoville. Déjeuner chez M. Allart. 1h30 expertises à mon cabinet. Dîner chez M. Allart.

Jeudi 10 Septembre

A 10h du matin expertise à Châtillon. Midi déjeuner chez M. Allart. Après déjeuner je vais chez le notaire Me Demanche déposer une demande d'emprunt de 60.000Fr sur ma maison, rue Feydeau, au Crédit Foncier pour Henri: Amortissement en 10 annuités à 12,77%. Je dîne chez M.Allart. Sophie se baigne avec Charles, Louise et Henri.

Vendredi 11 Septembre

A 8h du matin départ pour Rouen. A midi je vais avec Henri au devant de Célestin qui amène sa fille à Rouen pour que je la conduise aux Dalles. Nous déjeunons chez Henri. A 3h18 je pars avec Madeleine pour les Dalles. Arrivée à 7h du soir. Grande tempête depuis la veille. La mer a été parait-il le matin d'une violence extraordinaire. Toutes les plantes, tous les arbres du jardin ont été brûlés par le vent.

Samedi 12 Septembre

Dîner chez Mme Dupont avec Sophie, Père, Geneviève et son mari, Madeleine, Jeanne et Pierre, Adèle, Anna, Mme Cronier, M. et Mme Ch. Renard. Sophie se baigne avec Louise.

Jeudi 17 Septembre

Mme Cronier, Charles Renard et Louise, Père, Madeleine, Jeanne et Pierre, Henri Chaine dînent à la maison. Jeanne et Pierre nous font cadeau d'un joli service de table. Sophie se baigne avec Charles, Louise et Henri.

Vendredi 18 Septembre

Depuis quelque temps André commence à se tenir assez ferme sur ses jambes, appuyé à une chaise. Il marche en se tenant des deux mains à mon pantalon. Sophie se baigne seule.

Samedi 19 Septembre

Dans la matinée confection avec Pierre Petit et les enfants d'un grand cerf-volant de 2m de hauteur. Je fais dessus une illustration: troupier sonnant du clairon.

Dimanche 20 Septembre

Après midi enlèvement du cerf-volant sur la falaise de St Martin. Dîner chez Mme Dupont avec Pierre, Adèle, Jeanne et Pierre, Mme Poincelet, Mme Bardy, Pierre Bardy, Edouard Eiffel, Mlle Masson. Sophie se baigne avec Charles, Louise et Henri.

Lundi 21 Septembre

André marche en poussant une chaise devant lui.

Mardi 22 Septembre

A 9h du matin je quitte les Dalles avec Ch. Renard. A 1h55, je trouve en arrivant à la gare de Rouen Henri et Laure venus au devant de moi. La journée est très belle nous allons faire une promenade du côté de Bois-Guillaume. La voiture nous conduit jusqu'à une certaine distance; nous devions continuer notre promenade à pied et rentrer à Rouen par le Chemin de fer, ligne du Nord vers 6h. Nous nous attardons à cueillir des noisettes dans le bois et à 5h nous arrivons à la gare de Morgny pour voir partir le train. Plus de train avant 8h! et je devais prendre à Rouen le train de 8h35 pour Paris. L'idée nous vient d'aller prendre au passage le train de Dieppe à Clères en remontant vers le nord vers Buchy et embranchement de Clères. La chose marche à souhait et nous arrivons à Rouen à 8h25. Mais ma valise avait été emportée chez Henri et Emile le cocher, prévenu par dépêche, n'avait pas reçu la dépêche à temps pour me l'apporter au passage. Henri prend aussitôt une voiture pendant que j'attend à la gare; mais je vois passer les 3 trains sur Paris, Henri arrive 20 minutes trop tard. Nous retournons tous les trois à Eauplet dîner et à minuit 28 je reprends le train pour Paris où j'arrive à 4h5.

Mercredi 23 Septembre

A 4h15 du matin j'arrive à Paris et suis à la maison vers 5h. Je me couche jusqu'à 8h. Dans la matinée à mon cabinet rendez-vous d'expertises dans l'après-midi également.

Aux Dalles Sophie se baigne avec Charles, Louise et Henri. Derniers bains.

Tableau des bains

Juillet

Août

Septembre

Total

Sophie

14

18 ou 20

9

41 ou 43

moi

4

14 ou 16

4

22 ou 24

Charles

15

21 ou 23

11

47 ou 49

Louise

16

22 ou 24

10

48 ou 50

Henri

16

22 ou 24

10

48 ou 50

Paul

1

0

0

1

Jeudi 24 Septembre

Après midi rendez-vous d'expertise rue de Montfaucon.

Le soir je vais entendre à l'Opéra-Comique Carmen de Bizet.

Vendredi 25 Septembre

Je quitte Paris à 8h du matin, m'arrête à Rouen où je déjeune avec Henri et Laure. A 3h nous partons tous les 3 pour les Dalles où nous arrivons à 6h1/2.

Samedi 26 Septembre

M. et Mme de la Gillardaie rappelés par l'état inquiétant d'un frère de M. de la Gillardaie quittent les Dalle dans la matinée. Henri, Laure, Adèle, Pierre et Jeanne viennent déjeuner à la maison. Après déjeuner promenade aux champignons juqu'au val de St Martin. Le soir nous allons chez Mme Cronier où dîne la famille.

Dimanche 27 Septembre

Nous dînons chez Adèle: Mme Dupont, Mme Cronier, Henri, Louise et son mari, Sophie et moi. Après dîner Mme Bardy et Mme Poincelet viennent pour la soirée. Journée pluvieuse et froide. L'après-midi on vient faire un whist et un tric-trac dans mon cabinet. A la fin de l'après-midi beau temps et petite promenade.

Lundi 28 Septembre

Charles a 10 ans. Sophie et moi déjeunons chez Mme Cronier avec Henri et Laure. Après déjeuner visite d'adieu avec Sophie à Mmes Peltier, Bardy, Chaine. A 3h promenade en famille pour accompagner Henri qui retourne à Rouen par Cany. Nous l'accompagnons à pied jusqu'à mi-route. Au retour nous faisons pour la première fois du feu, le temps depuis quelques jours devient très froid. Mme Dupont quitte les Dalles dans la matinée.

Mercredi 30 Septembre

Dans la matinée départ de Pierre, Jeanne et leurs enfants.

Jeudi 1er Octobre

Départ de Père des Dalles.

Vendredi 2 Octobre

Dans la matinée Adèle part avec ses enfants. A 4h20 nous quittons à notre tour les Dalles. Arrivée à Yvetot à 7h50. Le chef de gare à qui j'avais écrit nous avait fait retenir un compartiment au Havre. Nous étions 9; Sophie et moi, les cinq enfants, les 2 domestiques. A la gare de Rouen nous voyons Henri et Laure venus pour nous embrasser au passage. Aristide, pour quelques jours à Rouen, les accompagnait. Arrivée à Paris à 11h30. Nous ne sommes pas à la maison avant minuit1/2. Le concierge et un commissionnaire nous attendaient. Après la montée de nos bagages (390Kg soit 14Fr60 de supplément) nous couchons les enfants et vers 2h1/2 nous nous couchons à notre tour. Les enfants ont été très sages pendant la route; Paul seul,très fatigué, un peu grognon, mais sans excès. André, un amour. En somme les enfants reviennent en parfait état de leurs 3 mois de séjour au bord de la mer, la santé générale est excellente. Il n'y a pas eu d'accroc. Louise et Henri ont pris de 40 à 50 bains, Charles de 47 à 49, Paul 1, Maman 41 à 43 et moi 22.

Dimanche 4 Octobre

Dans la matinée je vais avec Charles et Henri déposer mon bulletin de vote rue de l'Arbalète. Je vote pour:

Paul Déroulède, Président de la Ligue des Patriotes.

Brisson, Président du Conseil des Ministres.

Allain-Targé, Ministre de l'Intérieur.

Frédéric Passy économiste, député sortant.

J. Roche, député sortant.

Spuller, député sortant.

Vauthier ingénieur, conseiller municipal.

Michon, Président du Tribunal de St Quentin.

Léveillé, Professeur à l'Ecole de droit.

A. de La Forge, défenseur de St Quentin, député sortant.

Keller, bien que trop clérical, mais patriote, bon Français.

Vacheron, philosophe.

Total 12 au lieu des 38 à élire. Il m'a été impossible d'en trouver plus parmi les innombrables candidats; et encore ai-je eu bien du mal à me décider sur ces 12.

Lundi 5 Octobre

Sont élus au premier tour à Paris sur 430.765 suffrages exprimés:

Lockroy 272.652

Floquet 263.762

Anat. de la Forge 222.334

Buisson 215.853

Soit 4 élus et 34 ballottages. En province le mouvement réactionnaire est très prononcé le nombre de Conservateurs sera plus que doublé à la Chambre (après le scrutin de ballottage il est de 203).

Vendredi 9 Octobre

Dîner de la Charrette chez Notta. Etaient présents Flachiron, Lalame, Play, Gillet, Motte, Raulin, moi.

Dimanche 11 Octobre

Au Cirque d'Eté réunion publique électorale organisée par la Ligue des Patriotes. Paul Déroulède qui avait obtenu plus de 60.000 voix au premier tour sans qu'aucun billet de vote fut envoyé ou distribué, plus de 60.000 électeurs avaient donc d'eux-mèmes inscrit son nom sur leur liste. Paul Déroulède ne maintient cependant pas sa candidature. La veille une réunion de la Ligue avait eu lieu rue des Martyrs; prévenu trop tard je n'ai pu assister à cette réunion. C'est sans doute à la suite des discussions de cette réunion que Paul Déroulède prit cette détermination. Il serait passé cependant si comme je l'aurais proposé dans le cas où une discussion avait été ouverte à la réunion du Cirque, on avait pris soin d'imprimer et de distribuer des listes avec le nom seul de Déroulède suivi de 33 lignes pointillées permettant à tous les partis d'inscrire les noms de leurs préférés à la suite.

Vendredi 16 Octobre

Première composition du lycée: orthographe. Charles revient avec la place de 3ème sur 31 composants.

Samedi 17 Octobre

Paul se perd au Luxembourg. Sa maman s'était arrêtée un instant pour saluer Mme Tournade et Paul marchait devant. Après un quart d'heure de recherches environ pendant lequel elle avait dû aller chercher Charles au lycée, la maman retrouve son fils donnant la main à un gardien. Il avait bien dit son nom mais à la question: Où demeures-tu? il n'avait pu répondre que dans une grande maison où il y a beaucoup de cheminées. Le gamin ne pleurait pas mais il était sombre, la figure un peu pâle et contractée. Il ne pleura qu'en retrouvant sa mère et se fit longuement câliner.

Dimanche 18 Octobre

Scrutin de ballottage dont à Paris 34. Je vote pour AIlain-Targé, Farcy, et Fred. Lamy et c'est tout. Pour rien au monde je ne voterai pour Rochefort et autres révolutionnaires et Communards inscrits sur la liste unique et je ne veux pas non plus contribuer au triomphe de la réaction en prenant sur la liste conservatrice certains noms pour lesquels j'avais voté au premier tour. La leçon donnée au Parti Républicain au premier tour a été bonne, mais elle suffit. Un plus grand succès des Conservateurs mettrait la République et le pays en péril.

Mercredi 28 Octobre

M. Allart vient dîner avec nous. Nous souhaitons notre 11ème anniversaire de mariage.

Jeudi 29 Octobre

A 8h du matin je pars pour les Dalles avec M. Pigeonnat entrepreneur de fumisterie. A la gare de Rouen M. Peltier nous rejoint. Arrivée à Yvetot à midi; nous sommes aux Dalles vers 2h1/2. A cause du mauvais temps qui dure depuis longtemps les travaux de la maison de M. Peltier n'avancent pas vite. La couverture est à peine à moitié.

Samedi 31 Octobre

9h du matin nous quittons les Dalles déjeunons à Yvetot et prenons le rapide de 1h1/4. A la gare de Rouen je vois Henri venu me dire bonjour au passage. J'arrive à Paris à 4hl/2. Soirée du Grand Prix de Rome chez M. Delaborde à l'institut; mon intention était d'y aller mais au dernier moment je préfère rester à la maison.

Jeudi 5 Novembre

Je reçois une lettre d'Henri nous apprenant que Louise avait été délivrée la veille mais que l'enfant ne vivait pas.

Vendredi 6 Novembre

Béatrice Puiseux, souffrant depuis plusieurs jours, accouche dans la matinée d'un enfant mort, un garçon. L'enfant venait avant terme, 7 mois.

Dimanche 8 Novembre

Charles prend sa première leçon d'escrime, gymnase Mirat, rue Victor Cousin. Je me remets à prendre des leçons.

Mardi 10 Novembre

André fait ses premiers pas tout seul.

Vendredi 13 Novembre

Henri vient passer deux jours à Paris. Séance annuelle de l'Académie des Inscriptions. Père lit une notice sur M. de Longpérier. Charles nous rapporte du lycée une place de 11ème en lecture sur 34 et de 14ème en Allemand sur 40.

Lundi 16 Novembre

Eté avec Sophie à St Jacques du Haut Pas au mariage de Mlle Hélène Colin avec M. H. Nimier, Médecin-major de 2ème Classe.

Mercredi 18 Novembre

Charles apprenant son Evangile poursuit sa mère pour lui faire expliquer le sens de "femme enceinte". "Malheur aux femmes enceintes, aux nourrices..." - Apprends par coeur lui dit sa mère, tu n'as pas besoin d'entrer dans le détail de tous les mots de l'Evangile et du catéchisme, apprend par coeur, cela suffit - Mais cela ne suffit pas au gamin - Mais enfin maman, je veux savoir ce que je récite. Qu'est-ce que c'est que ça une femme enceinte? tu dois bien savoir ce que c'est. Pourquoi ne veux-tu pas me le dire? Pourquoi aussi défend-t-on aux nourrices d'emmener leurs enfants? -Tu demanderas à M. l'Aumônier lui dis-je.

Jeudi 19 Novembre

Nous dînons Sophie et moi chez Geneviève avec Père, ma tante Jannet, Etienne et Mathilde, M. et Mme Jossa et un ami de Ch. Rivière.

Vendredi 20 Novembre

Petit André commence depuis deux ou trois jours à marcher seul, il traverse la chambre pour aller de sa mère à son père mais avec quelle difficulté il se décide à chaque fois à recommencer, le gamin! Il ne faut rien moins que la vue d'un gâteau pour le décider à se lancer, le petit gourmand, et encore, s'il voit une chaise ou une table à sa portée il n'oublie pas de s'en servir; parfois même il se laisse aller à quatre pattes mais alors il est conspué par tous les assistants; parents, frères et soeur lui font un charivari. Ah le bel enfant nous en sommes tous fous!

Dimanche 22 Novembre

Mme Malassez heureusement accouchée d'une petite fille, Marguerite.

Lundi 23 Novembre

Enterrement de Mme Colin décédée Samedi soir. Le lundi précédant nous assistions au mariage de sa fille.

Mardi 24 Novembre

Notre pauvre Charles en revenant le soir du lycée à 4h1/2 manque d'être écrasé devant notre porte par une voiture de maître. Le cheval le renverse et lui touche la cuisse avec l'un de ses sabots, probablement assez légèrement car relevé par quelqu'un il peut remonter seul l'escalier. Il en est quitte pour la peur. Je rentre un instant après et le trouve sur les genoux de sa mère se faisant câliner et encore fort ému.

Mercredi 25 Novembre

Petit André se lance tout seul, il prend plaisir à circuler (en titubant un peu) à travers l'appartement refusant même le secours de la main qu'on lui tend. Il est d'une drôlerie charmante.

Jeudi 26 Novembre

Le jeune André a 15 mois. A 6h du matin je pars pour les Dalles. Sur le quai de la gare de Rouen je vois Henri et Laure venus pour me dire bonjour. Je déjeune à Yvetot et arrive aux Dalles vers 3h. La couverture de la maison Peltier est presqu'entièrement terminée; les tourelles sont arrivées à la hauteur du campanile. On achève de poser la charpente du premier comble.

Vendredi 27 Novembre

Le temps, mauvais la veille, est passable toute la journée; temps gris mais presque sans pluie.

Samedi 28 Novembre

A 8h1/2 du matin je quitte les Dalles par Cany par un temps délicieux et arrive à Rouen à midi 16. Je déjeune chez Henri et Laure avec M. et Mme Lebourgeois de Dieppe, de passage à Rouen. L'après-midi je vais voir M. et Mme Peltier. M. Peltier m'emmène visiter l'hôtel que fait construire son associé M. Louvet près de la gare de la rue Verte.

Dimanche 29 Novembre

Pluie du matin au soir. Le matin je travaille avec Henri pour la disposition d'une petite construction pour cuve à vapeur dans la fabrique. Le soir nous dînons chez Mme Cronier. Je retourne à Paris par le train de 8h50.

Les enfants se font une joie de souhaiter la fête à leur chérubin de frère André. Depuis plusieurs jours ils pensent à ce qu'ils pourraient lui offrir. Charles donne une poupée en caoutchouc, Louise un petit lapin à roulettes battant avec ses pattes sur un timbre, Henri une petite voiture, Paul un hochet. Petit André fait très bon accueil à ces cadeaux. C'est parait-il une joie générale. Les enfants étaient si impatients qu'ils n'avaient pu attendre mon retour pour souhaiter la fête.

Lundi 30 Novembre

Dès le matin je vais à l'enterrement de M. Th. Labroust décédé à l'âge de 78 ans. Service à St Thomas d'Aquin, inhumation au Père Lachaise. M. Labroust était vice-président de la Société Centrale; comme secrétaire principal et par affection pour cet excellent homme je suis le corps jusqu'au cimetière où M. Questel Président de la S.C. fait un petit discours. Après-midi je passe par l'Institut en revenant de mes courses et vois Marguerite son mari et leurs enfants arrivés la veille de Caen pour passer quelques jours à Paris.

Vendredi 4 Décembre

Charles est troisième en Français (orthographe et analyse), (il avait déjà été troisième à la composition précédente en Français). Il n'avait qu'une faute: mis en pièce sans S. Les 2 premiers n'avaient pas de fautes le 4ème 3 fautes.

Dîner de la Charrette chez Notta; étaient présents: Deslignères, Raulin, Gillet, Glaize, Bariller, Chaine, Pray, Nénot, Ewald, Motta, Flachiron et moi.

Mercredi 9 Décembre

Henri arrivé de la veille vient avec Père dîner à la maison.

Samedi 12 Décembre

Mort de Mme H. Corne décédée à Douai à l'âge de 81 ans.

Dimanche 13 Décembre

6 députés à élire à Paris par suite d'options de députés élus plusieurs fois. L'embarras pour trouver des candidats est moins grand qu'au 4 et 18 Octobre. La liste du "Temps" particulièrement est très satisfaisante. Ribot, Devèze, Léveillé, Michau, Ch. Dollfus et Hiélard. Mais comme je tiens à mettre en tête Paul Déroulède, le Président de la Ligue des Patriotes, je me vois obligé d'en supprimer un. Je vote donc pour Paul Déroulède, Ribot, Devèze, Léveillé, Machau, Dollfus.

Dans la matinée M. Allart nous apporte une dépêche d'Albert Leviez nous annonçant la mort de Mme Corne décédée à Douai samedi 12 à l'âge de 81 ans. Père, Henri et Laure viennent déjeuner avec nous. Malassez vient nous voir après déjeuner. Charles Rivière, Geneviève et ma tante Jannet également. Henri et Laure retournent le soir à Rouen.

Lundi 14 Décembre

A 6h50 je pars avec M. Allart pour Arras. A la gare de Paris nous rencontrons Arthur et Antoinette Lambert s'y rendant également. Arrivés à Arras à 9h1/2. Nous couchons chez M. Leviez.

Mardi 15 Décembre

A 8h50 du matin M. Allart, Arthur, Antoinette, Albert et Georges Leviez et moi partons pour Douai où nous arrivons vers 10h. A la gare je vois Jeanne Chevau venant au devant de moi. Avant le service je vais voir ma tante Barbedienne et Frédéric. Service à 11h à l'Eglise St Pierre. En revenant du cimetière déjeuner chez M. Corne. Après déjeuner Mlle Sophie Corne me fait monter voir M. Corne, M. Allart, Arthur, Antoinette et moi. Ce pauvre M. Corne garde la chambre, bien abattu et bien malade aussi. M. Allart retourne à Arras avec Albert et les autres par le train de 2h40; je vais voir ma tante Barbedienne et passe le reste de l'après-midi avec elle et Jeanne. Nous allons visiter la maison de la place St Anne libre par suite du départ du locataire: la Banque de France. Je ne revois pas sans émotion cette grande maison qui me rappelle tant de souvenirs d'enfance! Elle est malheureusement toute transformée surtout au rez-de-chaussée par suite de l'installation des bureaux de la banque; comme toute maison démeublée après une location l'aspect en est sale et triste. A 5h20 je repars pour Arras où je dîne chez M. Leviez et à 8h nous reprenons avec M. Allart la route de Paris où nous arrivons à 11h.

Dimanche 20 Décembre

J''assiste comme délégué de la Société Centrale avec M. Hermant, vice-président et Normand censeur, à la séance de distribution des médailles des Chambres Syndicales et le soir, un banquet a lieu à l'Hôtel Continental. La cérémonie a lieu rue de Lutèce dans le local des Chambres Syndicales sous la présidence de M. Poubelle, Préfet de la Seine, en remplacement de M. Allain-Targé, Ministre de l'Intérieur, empêché. Excellente allocution du Préfet pleine de bon sens et d'énergie. Certes la majorité radicale de son Conseil ne l'en félicite pas. Il faut un certain courage en ce temps-ci pour un Préfet, pour parler avec tant de netteté et de chaleur en faveur du capital (l'infâme Capital) et contre toutes les théories utopistes, socialistes révolutionnaires. Le soir banquet à l'Hôtel Continental sous la présidence de M. Alphan Directeur des travaux de Paris. 200 convives.

Mardi 22 Décembre

Charles compose en récitation

Jeudi 24 Décembre

Discussion à la Chambre des crédits du Tonkin. Les crédits demandés par le gouvernement et rejetés par la Commission sont votés à la majorité de 4 voix seulement. 274 contre 270. Coalition de la droite avec l'extrême-gauche pour amener l'évacuation.

Samedi 26 Décembre

Charles premier en récitation.

Dimanche 27 Décembre

Scrutin de ballottage pour l'élection de six députés. 3 listes sont en présence: la liste radicale-socialiste, la liste dite de l'opposition conservatrice et la liste républicaine. Je vote pour cette dernière qui comprend: Paul Déroulède, P. Devèze, Minzet, Ranc, Grippe et Léveillé; non pas que tous ces noms me plaisent mais pour éviter le succès des deux autres listes extrêmes qui ne peuvent occasionner que le gâchis. La liste radicale passe avec environ 160.000 voix, la liste républicaine a une moyenne de 95.000 voix, la liste réactionnaire 82.000. Si cette triste élection avait eu lieu avant la séance des crédits du Tonkin la majorité était changée et la France évacuait le Tonkin! Grâce à la coalition de la Droite avec l'Extreme-gauche.

M. Allart, Père, Adèle et ses enfants Etienne et Mathilde, Geneviève et son mari et Ch. Rabut dînent à la maison.

Lundi 28 Décembre

Le Sénat et la Chambre des Députés se réunissent en Congrès à Versailles pour l'élection du Président de la République. M. Jules Grévy est réélu pour 7 ans.