1883

 

 

Samedi 6 Janvier Enterrement de Gambetta.

Jeudi premier Février La loi des Prétendants.

Dimanche 11 Février Charles se croit perdu au Luxembourg. Sa désolation. Lundi 14 Mai Voyage sur les bords de la Loire avec M. Allart et Albert Leviez. Orléans, Blois, Chambord, Amboise, Chenonceaux, Tours, Langeais, Angers, Nantes, St Brieuc, Rennes. Retour à Paris le Mardi 22 Mai.

Mercredi 30 Mai Départ pour Fontainebleau. Séjour chez les Petit. Retour à Paris le Lundi 11 Juin.

Jeudi 14 Juin Excursion du Congrès des Architectes à Pierrefonds.

Jeudi 19 Juillet Départ de la famille pour les Petites Dalles.

Samedi 1er Septembre Voyage à Rouen, Paris, Caen, Laval, Rennes, St Brieuc, Lannion, Paris. Retour aux Dalles le Mardi 11 Septembre.

Vendredi 21 Septembre Achat du terrain de Mme Cronier aux Dalles.

Samedi 29 Septembre incident avec le roi d'Espagne à Paris.

Mercredi 3 Octobre Retour de vacances.

Dimanche 2 Décembre Commémoration de la bataille de Champigny.

 

Lundi 1er Janvier

Le matin nous allons avec les enfants chez bon papa Allart puis chez bon-papa Wallon. Les chéris reçoivent de belles étrennes et reviennent enchantés. Le soleil que l'on avait cessé de voir depuis bien longtemps fait son apparition. La journée est si belle et si douce que l'on se croirait au printemps; je sors en simple redingote. Après-midi nous allons voir ma tante Janet puis Marie à la Visitation avec les 3 aînés puis M. et Mme Corne, nous retrouvons petit Paul au Luxembourg. Sophie après s'être promenée quelque temps au Luxembourg avec Adèle et ses enfants va voir Mme Cazaux avec Charles et Louise. Je vais voir Mme Olléris et Mme Boutan et rentre à la maison montrer la lanterne magique aux enfants.

Jeudi 4 Janvier

Je vais au Palais Bourbon voir la chambre ardente où est exposé Gambetta; foule innombrable je fais 2 heures de queue.

Mort du Général Chanzy l'ancien commandant en chef de l'armée de la Loire pendant la guerre 1870-71. Le Général a succombé à Châlons /Marne au siège du Commandt du 6ème corps d'armée dont il était investi au poste d'avant-garde que le chef de l'armée lui avait confié sur notre frontière mutilée. Avec lui disparaît un de nos plus grands hommes de guerre. Le général a succombé à une attaque d'apoplexie séreuse à l'âge de 60 Ans. Le gouvernement décide que ses funérailles seront nationales et aux frais du Trésor public.

Samedi 6 Janvier

Enterrement de Gambetta à 10h du matin. Je vais avec Sophie place de la Concorde voir le défilé; il dure deux heures1/2. Manifestation des plus imposantes. Le soleil brille dès le matin; le temps un instant menaçant vers midi se maintient beau. Le portique de la grande façade de la Chambre des Députés est complètement tendu de noir lampadaires entre les colonnes; un grand voile noir tombant du sommet du fronton couvre obliquement une partie de la colonnade et produit un effet saisissant comme aussi la statue de Strasbourg place de la Concorde entièrement recouverte, sauf la tête, d'un grand crêpe.

La tête du cortège devait être arrivée depuis longtemps au Père Lachaise que le défilé continuait encore place de La Concorde. Le défilé se termine dit-on devant le Père Lachaise vers 5h1/2.

Jeudi 11 Janvier

Locution d'Henri: "ti pol eu tu monter ta-î-u-i de Saille": petit Paul veux-tu monter dans le lit de Charles - Petit Paul obéit et s'accrochant des pieds et des mains il fait l'ascension du grand lit avec un entrain et une malice de petit polisson, exercice qu'il venait de faire plusieurs fois en se laissant tomber ensuite en culbute la tête la première sur le petit lit de Louise qui lui avait servi de marchepied. "Le tè la pemè", la tête la première commande alors Henri et petit Paul de s'élancer la tète la première et de rire! et de rire! les rires de l'un avivant les rires de l'autre.

Mercredi 17 Janvier

Petit Henri feuillette un album: "papa iè fini mon iè tè peux le t'omasser?" Papa j'ai fini mon livre, est-ce que je peux le recommencer, -oui mon ami - revenant un instant après: "maïé fini mon iammome tè peux le tomencer?" moi j'ai fini mon album est-ce que je peux le recommencer? Le petit gamin trouve le jeu très drôle et voyant que je ris il ne fait qu'aller et venir de l'atelier à mon cabinet pour me répéter sa question avec son petit air malin.

Manifeste du prince Napoléon. Arrestation du prince.

Jeudi 1er Février

Dans une séance de nuit la chambre ayant jugé bon de se déclarer en permanence, comme si l'ennemi était aux portes, la Chambre vote la triste loi dite des Prétendants loi de proscription dirigée contre les membres des familles ayant régné en France. Cette loi votée par 355 voix sur 497 votants est ainsi conçue:

Vendredi 9 Février

La chambre des mises en accusations à laquelle s'était jointe la chambre correctionnelle convoquée extraordinairement ainsi que la loi en réserve dans certains cas la faculté au procureur général se réunit pour statuer sur l'affaire du prince Napoléon. La cour rend un arrêt réformant l'ordonnance du juge d'instruction en déclarant qu'il n'y a aux termes de la législation existante aucun fait délictueux dans l'acte du prince Napoléon. Le prince Napoléon est immédiatement mis en liberté.

Samedi 10 Février

Le Sénat commence la discussion de la loi dite des Prétendants votée par la Chambre et soutenue par le Gouvernement. 8 bureaux sur 9 sont opposés à la loi et à toute mesure d'exception. M. Allon est rapporteur de cette commission dont M. Barthélémy St Hilaire est président.

Dimanche 11 Février

Nous laissons les enfants avec leur bonne au Luxembourg pendant que nous allons faire rue Monsieur-le-Prince une visite de condoléances à la cousine Belin. A notre retour nous apercevons Charles tout sanglotant encore et la figure toute marbrée de rouge les yeux troublés de larmes. Le pauvre enfant s'était perdu. Jouant sur un tas de sable, il lève les yeux et n'aperçoit plus ni sa bonne ni sa soeur ni ses frères, il est pris de peur et se met à arpenter le Luxembourg. Combien de temps durent ses recherches, cela lui paraît très long; "mon coeur a battu fort" disait-il à se maman, puis "tout à l'heure je te dirai quelque chose - quoi donc? parle - non tout à l'heure quand nous serons rentrés... Vois-tu maman, quand je me suis vu perdu j'ai fait ma prière; au lieu de dire en commençant Mon Dieu bénissez Papa et Maman faites que je sois toujours bien sage" j'au dit "Mon Dieu faites que je retrouve ma mam puis j'ai dit un Pater et un Ave Maria. Je ne pouvais la dire vite, ma prière, car mon coeur battait fort et j'étais bien triste, mais aussitôt j'ai aperçu Félicie (la bonne), Louise, Henri et Paul. Tout le reste du jour ce bon garçon fut poursuivi par la pensée de cette aventure.

Lundi 12 Février

A 10 h service de M. Belin de Launay à St Sulpice, enterrement au Père Lachaise.

Dans la matinée petit Paul se donne un fort coup au front en tombant sur une chaise que traîne son frère Henri. Il se fait au dessus de l'oeil gauche une petite cicatrice qui pourrait bien rester et une bosse énorme. Je lui mets des compresses d'arnica qui le font un peu souffrir et crier; pour le panser plus facilement je lui laisse dévaliser une boite de dragées que j'ouvre devant lui.

Sophie va avec Adèle au Sénat. Suite de la discussion de la loi des Prétendants. A mon retour du cimetière vers 2h je mène petit Henri et petit Paul au Luxembourg rejoindre Charles et Louise qui ont déjeuné chez Mme Cazaux.

Le Sénat rejette par 172 voix contre 89 le projet de loi voté par la Chambre et adopte par 165 voix contre 127 l'amendement Léon Say Waddington ainsi conçu: Tout membre d'une famille ayant régné en France qui fera publiquement acte de prétendant ou une manifestation ayant pour but d'attenter à la sûreté de l'Etat sera puni de bannissement. La personne ci-dessus désignée sera traduite soit devant la cour d'assises soit devant le Sénat constitué en cour de justice.

Samedi 17 Février

J'assiste avec ma tante Jannet à la séance du Sénat, Loi sur les Princes. Par 142 voix contre 137 le Sénat repousse la proposition de Barbey à laquelle s'était ralliée la majorité de la Chambre. Ont parlé pour: Challemel-Lacour et Devès garde des Sceaux; contre MM. Allon, Waddington, Léon Say.

Vendredi 23 Février

Par application de la loi de 1834 le gouvernement met les princes d'Orléans officiers dans l'armée en non activité. Le Duc de Chartres colonel au 12ème Chasseur à Rouen quitte Rouen Dimanche sur l'ordre du ministre de la guerre Thibaudin.

Lundi 5 Mars

A 8 h du matin je pars pour Rouen. Construction de la maison rue du Val d'Eauplet. Le soir je dîne chez Mme Cronier avec Henri et Laure. Journée splendide beau et chaud soleil.

Mardi 6 Mars

A 6h du matin je pars pour les Dalles. D'Yvetot aux Ptes Dalles en voiture. Vent très dur, temps froid. Après déjeuner aux Dalles je vais avec Fiquet à Vinnemerville. La fouille de la grange se termine; on me demande de poser la première pierre. Je pose donc le premier galet avec la première truelle de mortier à l'angle de la grange à droite face principale, entre deux galets je pose une petite pièce de 0Fr50 à l'effigie de la République. Je repars pour Yvetot dans une voiture découverte vent violent bourrasque giboulées neige la route est un peu dure surtout pour mon cocher. Je dîne à Yvetot et rentre à Paris à 11h35.

Vendredi 9 Mars

Meeting de l'esplanade des Invalides. Des ouvriers soi-disant sans ouvrage. Une des bandes sous la conduite de la citoyenne Louise Michel pille des boutiques de boulangers Boulevard St Germain.

Vendredi 16 Mars

Depuis plusieurs jours les enfants étaient un peu enrhumés. Charles avant en plus des boutons de fièvre et une certaine irritation sur le nez et au dessus de la bouche ne vont plus à la pension. La journée étant belle j'emmène Charles promener jusqu'à l'Arc de Triomphe. En passant aux Champs-Elysées je le fais entrer au Panorama du fort d'Issy.

Dimanche 18 Mars

La manifestation annoncée par les anarchistes n'a pas lieu le gouvernement ayant pris enfin des mesures sérieuses pour la réprimer.

La journée est belle je conduis Charles et Louise hors de Paris, à 2h de chemin de fer pour Clamart. De Clamart nous prenons le bois et gagnons le plateau de Châtillon puis nous redescendons sur Fontenay prendre le tramway. Il est 5h3/4 nous sommes obligés d'attendre le départ de la 2ème voiture à 6h1/2, nous ne rentrons à la maison qu'à 7h1/2. La maman est bien inquiète.

Louise a 6 ans; en promenade elle s'inquiète plusieurs fois de l'heure à laquelle elle aura 6 ans. A 5h1/2 sur le plateau de Châtillon nous lui souhaitons une bonne nouvelle année. Charles et moi nous l'embrassons et avant de redescendre sur Fontenay je les mène dans une petite guinguette se rafraîchir un peu à la santé de Louise ce qui parait leur faire grand plaisir. Les pauvres chéris ont bien marché tout l'après-midi et commencent à être très fatigués. Aussi quel mauvais sang je me fais d'être obligé d'attendre une heure à Fontenay ! et à la pensée de rentrer si tard à Paris. Louise s'ennuyait dans le bureau et je songeais à la pauvre maman qui devait être bien inquiète.

Jeudi 5 Avril

Arrivée de la domestique allemande Bäbchen Friderici de St Wendel cercle de Trèves. Je vais au devant d'elle à la gare. Elle ne sait pas un mot de Français et je me fais à peine comprendre en Allemand.

Vendredi 27 Avril

A 8h du matin départ pour Rouen où je trouve Geneviève. Père arrive le soir pour l'emmener le lendemain à Caen. L'après-midi nous allons à la Mi-voie chez M. Simonnin.

Samedi 28 Avril

A 6h43 du matin départ pour Cany arrivée aux Dalles vers 11h. La maison Colin est en voie d'achèvement. Je m'occupe de l'examen des mémoires de la maison de Père.

Dimanche 29 Avril

Dans la matinée je vais avec Fiquet à Vinnemerville voir les travaux de la grange de Mme Cronier. Fiquet n'ayant pas exécuté mes dessins je refuse d'examiner plus longtemps les travaux et fais toutes mes réserves. Puis en route nous tombons d'accord sur un compromis. Après déjeuner je vais me promener sur la falaise et dans le bois par un temps magnifique, la terre est couverte de jacinthes, de primevères, etc... J'en fais un gros bouquet pour Sophie. Partout autour de moi le rossignol m'enchantait de ses trilles, le coucou lançait son doux et mélancolique appel. A 4h je quitte les Dalles et après avoir dîné à Cany rentre à Paris à 11h30.

Mercredi 2 Mai

Je vais avec petit Henri au devant de Jeanne qui arrive de Fontainebleau avec Henri, Jeanne et Marie passer quelques jours à Paris pour la première Communion d'André Guibert. Je les ramène déjeuner à la maison. En route la pauvre petite Jeanne tombe de la voiture dont la portière s'ouvre mais elle ne se fait aucun mal, nous en sommes tous quitte pour la peur.

Dimanche 13 Mai

Père, Adèle et ses enfant, M. Allart et Albert Leviez viennent dîner à la maison. Après le dîner les enfants très excités faisaient mille folies escaladant les fauteuils, notre pauvre gros Henri tombe à la renverse sa tête porte sur la garniture de cheminée le sang coule abondamment. Heureusement Albert panse la plaie qui n'offre aucun caractère de gravité.

Vendredi 25 Mai

Je suis fort mal à mon aise toute la journée; la veille j'étais rentré l'après-midi très fatigué de mes courses par la grande chaleur.

Samedi 26 Mai

Le Dr Hutinel m'ordonne un vomitif 2gr d'ipéca, un bain de pied sinapisé le soir et si les douleurs persistent 2 pilules de Moussette le soir. Mes deux dernières nuits avaient été très mauvaises, je souffrais très fort de la tête et d'une courbature générale. Dans l'après-midi je reçois la visite d'Henri venu pour la journée à Paris pour ses affaires. Je reçois également la visite de Père d'Adèle et de sa fille Marie.

Mercredi 30 Mai

9h du matin départ pour Fontainebleau où nous allons passer chez Jeanne quelques jours. Encore un peu souffrant de mon indisposition et très fatigué du voyage qui fut ma première sortie je me couche quelques heures dans la journée.

Samedi 2 Juin

De 7h à 9h du matin je vais avec Pierre faire une délicieuse promenade à cheval dans les gorges de Franchard. Je monte le cheval de Pierre, Pierre monte un cheval de l'Ecole d'Application. Après midi je vais avec Sophie et Charles visiter le château.

Dimanche 3 Juin

L'après midi nous faisons faire aux enfants une partie d'âne. Je loue deux ânes avec selle de garçon et selle de fille et un âne attelé à une charrette dans laquelle on entasse les provisions et les enfants; chaque enfant va tour à tour un quart d'heure à âne sauf petit Pierre qui reste dans la voiture à cause de sa jambe cassée qui n'est pas encore suffisamment guérie. Nous allons par le Gros Fonteau vers la route de la vallée de la Solle la Roche Branlante...

Lundi 4 Juin

De 6h à 9h du matin promenade à cheval avec Pierre à la Gorge aux Loups, Bourron etc... L'après midi je loue une voiture et vais avec Sophie, Jeanne, petit Pierre, Charles et notre gros Henri à Franchard.

Mardi 5 Juin

De 6h1/2 à à 9h1/2 promenade à cheval avec Pierre jusqu'à Moret. Visite avec Sophie à M. et Mme Régnier au château.

Mercredi 6 Juin

De 6h à 9h promenade à cheval avec Pierre jusqu'à Thomery. Je souffre dans cette promenade d'une forte courbature aux genoux qui me force à ralentir l'allure du cheval et à aller le plus souvent au pas au retour. Nous recevons l'après-midi la visite de M. et Mme Régnier.

Jeudi 7 Juin

Je vais passer la journée à Paris pour une séance générale de la Société Centrale. Je pars à 7h1/2 déjeune avec Albert Leviez chez M. Allart et dîne chez Adèle. Je repars à 8h pour Fontainebleau.

Je voulais aussi dans ce voyage à Paris m'assurer de l'état sanitaire du quartier. Avant notre départ notre médecin le Dr Hutinel nous pressait fort de partir à cause d'une épidémie de mauvaises augures qui sévissait à Paris et particulièrement dans notre quartier. Dans la même semaine il avait opéré 4 cas de croup. Albert Leviez me rassure sur l'état sanitaire du quartier. En cas de doute nous étions décidés à mener directement les enfants de Fontainebleau aux Petites Dalles.

Vendredi 8 Juin

Matin pluie, à 9h le ciel s'éclaircissant nous allons chercher nos chevaux et faisons une ravissante promenade du côté d'Apremont et à Barbizon. Au retour nous recevons une averse qui nous trempe jusqu'aux os. Nous rentrons à Fontainebleau à midi1/2. Après midi Sophie va avec Jeanne et les enfants, Joseph, Charles et Louise aux rochers d'Avon.

Samedi 9 Juin

Dans la matinée visite du château avec Jeanne, Sophie et Charles. Après midi promenade en landau aux gorges d'Apremont, bas Brian, rocher des 2 Soeurs, Roche Branlante, Vallée de la Solle, Calvaire, Roches éponges avec Jeanne Sophie et les enfants, Adèle, Joseph, Charles, Louise et Henri.

Dimanche 10 Juin

Père et Geneviève viennent passer la journée à Fontainebleau. Après déjeuner promenade du côté du carrefour Louis-Philippe; à 3h confirmation de Henri Petit. Nous y assistons tous. Après la Confirmation je vais avec Sophie faire notre visite d'adieu à M. et Mme Régnier au Château.

Lundi 11 Juin

Nous quittons Fontainebleau à 7h1/2 du matin pour rentrer à Paris.

Dimanche 17 Juin

L'après midi nous allons à Sceaux voir Mathilde et sa petite Yvonne. Nous emmenons les 4 enfants et leur bonne allemande Bäbchen; les enfants s'amusent beaucoup dans le jardin de Mme Dupont.

Dimanche 24 Juin

Promenade en bateau avec Sophie, les enfants et leur allemande Bäbchen, du Pont des St Pères à Bercy et de Bercy à la Concorde; retour à pied par les Champs-Elysées et les Tuileries.

Vendredi 29 Juin

Distribution des prix chez Mme Cazaux; pauvre maman revient un peu confuse et bien triste du peu de succès de ses enfants - l'année n'a pas été bonne pour les études. Charles a eu le 2ème prix d'assuidité (? prix de consolation donné aux parents), 2ème prix de récitation, accessit d'arithmétique, de lecture et de dessin linéaire, c'est à dire rien pour une petite pension où l'on donne des prix à tout le monde. Louise le premier prix de copie, 2ème prix de sagesse, accessit de géographie.

Lundi 2 Juillet

Départ à 8h du matin pour Rouen à 4h de l'après midi de Rouen pour les Petites Dalles par Cany - à Cany à 5h1/4 aux Dalles à 6h1/2. Je prends un bain puis après avoir visité les maisons de Père et de M. Colin je cherche des écuries et remises pour Mme Dupont, etc... à 8h1/2 je dîne et me couche à 9h 1/2 Hôtel Vézier.

Mardi 3 Juillet

A 3h45 du matin lever. Orage sur la mer. Départ pour Cany en passant par Vinnemerville, construction de la grange de la ferme de Mme Cronier. Départ de Cany à 6h arrivée à Rouen 8h. A 10h départ en bateau pour La Bouille avec Henri, Laure, Mme Cronier, Louise, Mme Denisaume, Gustave et Léonie et leurs deux aînés. Pluie depuis le matin. A notre arrivée à La Bouille, midi, la pluie cesse, toute la fin de la journée est superbe. Déjeuner dans l'un des restaurants de La Bouille - après déjeuner nous montons à la "Maison Brûlée". Henri, Laure et moi à pied les autres en omnibus gagnons la station des Moulineaux, chemin-de-fer de l'Etat. Nous rentrons à Rouen à 5h. Dîner chez Henri - après dîner 9h je retourne à Paris et suis vers minuit à la maison.

Jeudi 19 Juillet

Départ pour les Petites Dalles. A 11h1/2 du soir départ pour Yvetot, nous occupons un compartiment pour nous seuls. Nous sommes 8, 4 grandes personnes dont 2 domestiques et 4 enfants. Les enfants passent une assez bonne nuit étendus chacun dans un coin. Louise seule a de la peine à dormir.

Pesée des enfants faite par M. Allart: Charles 60 livres, Louise 43, Henri 45, Paul 30.

Vendredi 20 Juillet

A 4h19 du matin arrivée à Yvetot et à 7h1/2 aux Petites Dalles où nous occupons la maison de Père sur la mer.

Mardi 31 Juillet

A 8h du matin arrivée d'Adèle et de ses enfants sauf Henri, retenu par ses examens de l'Ecole Polytechnique, de Jeanne avec ses enfants, Henri, Pierre et Adèle et de Geneviève. Après midi promenade avec Albert Leviez et Aristide à Veulette. Au retour à 5h1/2 bain avec Sophie Charles et Louise.

Samedi 4 Août

A 8h du matin arrivée de Père qui s'est décidé sur nos instances à venir passer avec nous une huitaine de jours avant d'entreprendre son grand voyrage.

Charles met sa première chemise d'homme; il en est très fier et se promènerait volontiers par le pays en ce simple costume.

Bain avec Père et Sophie.

Dimanche 5 Août

Toumade sa femme et leur petite fille viennent déjeuner avec nous. Après déjeuner promenade avec toute la famille à la Croix de St Louis. Les Toumade repartent pour St Pierre en Port à 6h.

Jeudi 9 Août

Matin bain avec Sophie, Charles et Louise à marée basse, mer assez agitée. Après midi promenade en famille à Vinnemerville. Dîner à la maison avec Adèle et ses enfants, Jeanne et ses enfants, Marguerite et Charles Rabut; après dîner soirée chez Adèle avec les Dupont et les Cronier. A 10h du soir arrivée de Pierre Puiseux et de sa femme.

Dimanche 12 Août

Matin arrivée de ma tante Barbedienne et de Jeanne Chevau. Bain avec Charles, Louise et Henri. Le soir chez Mme Cronier charades: Estafette, Sydeline.

Lundi 13 Août

Le matin les enfants Charles, Louise et Henri se baignent en même temps qu'Anna, Geneviève etc... Après déjeuner promenade à St Pierre en Port: 4 voitures les hommes vont à pied à St Pierre. Jeanne, Laure, Henri, H. et A. G. et moi nous nous baignons - Journée splendide et très chaude.

Le soir chez Adèle charades: Embarras, Ballottage.

Mardi 14 Août

Après midi bain avec Père Henri, Henri et Aristide Guibert; mer assez agitée. Henri, Aristide et moi nous remettons à l'eau pour faire baigner Sophie que nous avions dissuadée d'abord de prendre son bain.

Pierre et Béatrice dînent chez nous. Après dîner nous allons souhaiter la fête à Mme Cronier.

Mercredi 15 Août

Le matin chez Mme Cronier répétition de la pièce de Labiche "La poudre aux yeux". Après la répétition à 11h1/2 bain de lames, mer agitée. Après midi Pierre Puiseux fait la photographie de la maison Colin et de la maison de Père. Deuxième répétition. Je conduis Béatrice à Sassetot à l'Église dans la voiture d'Henri.

Le soir chez Mme Cronier représentation de "La poudre aux yeux". La pièce répétée 2 fois seulement marche très bien. Soirée avec les Colin et les Bardy.

Dans la journée je m'entretiens avec Mme Cronier du terrain qu'elle est décidée à me céder si j'ai toujours le désir d'être propriétaire aux Dalles. J'accepte son offre.

Vendredi l7 Août

Matin Sophie prend son bain avec Charles et Louise. Après midi pluie. Je vais à Valmont avec Mme Cronier, Louise, Laure, ma tante Barbedienne, Jeanne Chevau, Geneviève et Anna. Je conduis Jeanne Chevau dans la voiture d'Henri.

Samedi 18 Août

Matin Sophie prend son bain avec Charles. Arès midi promenade par la vieille route de St Martin où je fais une aquarelle. Arrivée d'Henri.

Lundi 20 Août

Matin bain avec Sophie et Charles. Henri et Laure viennent déjeuner avec nous. Après déjeuner promenade en famille à la ferme de Vinnemerville. Goûter au lait. Je dessine la vue de la mare et la vue de l'Eglise. Henri repart pour Rouen.

Mardi 21 Août

Matin aquarelle de la chaumière des roses; bain avec Charles et Henri. Bäbchen souffrant nous faisons venir le docteur Renaud - embarras gastrique.

Mercredi 22 Août

Matin aquarelle chaumière des roses, bain avec Sophie Charles et Henri. Après midi aquarelle à Vinnemerville. EgIise.

Vendredi 24 Août

Matin Sophie se baigne avec Charles. Je prends mon bain l'après-midi. Arrivée d'Henri. Le soir nous allons chez Mme Cronier.

Mort du Comte de Chambord à Frohsdorf; Henri Charles Marie Ferdinand Dieudonné d'Artois, duc de Bordeaux, comte de Chambord né à Paris 29 Septembre 1820, fils du Duc de Berri assassiné le 13 Février 1820 par Louvel et de Caroline princesse des Deux Sicile, Duchesse de Berri. On l'appelait l'enfant du miracle à raison de sa naissance survenue 7 mois et demi après la mort de son père.

Samedi 25 Août

Le matin les enfants prennent leur bain à la marée basse. Charles seul se baigne, Louise et Henri sont enrhumés. Louise prend le matin de l'huile de ricin. Après-midi bain avec Sophie, le soir chez Mme Cronier.

Dimanche 26 Août

Matin arrivée de Charles Rabut.

Bain après midi avec Sophie et Charles. Nous dînons chez Mme Colin où l'on pend la crémaillère: Mme Cronier, Louise, Mme Blocmann, Henri, Laure, Jeanne, Charles et Marguerite, Geneviève, Sophie et moi.

Lundi 27 Août

Matin arrivée de M. Allart, après midi partie d'âne. Je loue 4 ânes dont un attelé à une voiture nous allons à l'escalier de St Martin tous les enfants et les parents: Adèle et tous les siens, Jeanne et ses 3 enfants, ma tante Barbedienne, Jeanne Chevau, Henri, Laure, Louise Cronier, les Dupont et Renard, la mère de Mme Marga et la petite fille Sophie et moi avec Charles et Henri; petite Louise très enrhumée était restée très raisonnablement et avec beaucoup de bonne humeur avait vu partir les autres; petit Paul était resté également. Au retour je me baigne. Le soir réunion chez Adèle. Le matin M. Colin examine Louise et lui trouve les bronches un peu prises, petite bronchite spasmodique.

Mercredi 29 Août

Matin départ de Marguerite avec son mari et leurs enfants. La mer étant trop forte ils renoncent au retour à Caen par bateau. Je prends avec Sophie un bain à la lame.

Jeudi 30 Août

Bain le matin avec Sophie et Charles. Après midi Sophie va se promener avec son Père à Cany dans la voiture de Mme Cronier, Anna, Geneviève, Joseph, Louise Cronier avec sa petite voiture sont de la partie.

Dimanche 2 Septembre

(Rouen) après avoir passé la matinée avec Henri pour ses travaux de l'établissement je pars pour Paris à 6h1/2, arrivée à 4h15. Après dîner été rue Feydeau ensuite aux Tuileries, fête pour les pauvres faisant suite à la fête du dimanche précédant pour les victimes de la catastrophe d'Ischia. Forte tempête dans la journée qui avait arraché les toiles de tente, renversé les charpentes des théâtres en plein vent etc... Le soir le vent était un peu tombé, grande affluence dans le jardin, feux d'artifices.

Dimanche 9 Septembre

(St Brieuc-Lannion). Je vais passer ma journée à Lannion pour faire visite à M. l'abbé France. Je déjeune à la cure, douze ecclésiastiques dont un petit vieux dominicain gascon. Je vais voir Fleuriot que je ne rencontre pas. Bigot mon ancien camarade de l'atelier Questel architecte à Quimper et de passage à Lannion dans la famille de sa femme, nous passons la fin de l'après-midi ensembles. A 4h je repars pour St Brieuc où j'arrive à 6h. Je dîne chez M. Courcoux architecte de la ville; très intéressante famille: 6 enfants, 6 garçons tous musiciens. Après dîner les trois aînés (l'aîné âgé de 15 ans) firent un trio piano, violon, violoncelle.

Mort de mon cousin Victor Puiseux à Frontenay (Jura) dans la famille de la femme de son fils Pierre.

Vendredi 14 Septembre

Matin départ de M. Allart. Bain avec Sophie.

Après midi nous allons en bande dessiner à St Martin: les Bardy, Colin, Bayard, Adèle et nous. Je fais une aquarelle.

Samedi 15 Septembre

Matin bain Sophie, Charles, petit Paul et moi, c'est le premier bain de mer de petit Paul. Il entre au bain dans mes bras sans appréhension aucune, le saisissement de l'eau le fait un peu pleurer. La mer étant très calme nous mettons la périssoire à l'eau, Charles y fait ses débuts et fort bien ma foi, après quelques incertitudes d'équilibre pendant lesquels je maintiens la périssoire par un de ses bouts il s'élance tout seul je suis obligé de le retenir pour l'empêcher d'aller là où il n'aurait pas pied et où il ne pourrait chavirer sans danger. L'après-midi journée splendide nous allons avec Adèle et ses enfants et Mme Dupont et Mathilde à la ferme de Vinnemerville où je commence l'aquarelle de la mare.

Lundi 17 Septembre

Matin bain avec Sophie, Charles et petit Paul, périssoire. Après-midi nous allons avec Adèle et les Dupont à la ferme de Vinnemerville où je termine mon aquarelle de la mare.

Mardi 18 Septembre

Matin bain avec Sophie, Charles, Henri et Paul; Henri entre très raisonnablement dans l'eau sans pleurer, Paul se fait un peu prier. L'après-midi les enfants vont avec leur tante Adèle à la recherche de champignons jusqu'à l'escalier de St Martin; ils en rapportent une certaine quantité.

Mercredi 19 Septembre

Matin bain avec Charles, Louise, Henri et Paul; lettres des enfants à la maîtresse d'Allemands. Après-midi nous allons nous promener sur la falaise des bruyères du côté de Sassetot et des Malzaises, je fais une aquarelle effet de soleil couchant; en rentrant je vais voir Henri Chaine arrivé le matin avec sa petite fille.

Jeudi 20 Septembre

Matin bain avec Charles, Louise et Henri; Henri Chaine et sa petite fille viennent déjeuner avec nous. Retour d'Henri et Aristide Guibert de leur voyage en Bretagne. Vers 4 heures nous allons tous ensemble à la foire de Sassetot; en route nous apprenons par une lettre de Pierre Petit et de Jeanne qu'Henri est reçu à l'Ecole Polytechnique.

Vendredi 21 Septembre

Matin bain avec Sophie mer un peu agitée.

Après midi signature de l'acte de vente du terrain de Mme Cronier.

971m11 à 6Fr = 5826,66Fr; 30m50 à 3Fr = 91,50; soit 5918Fr16.

Dimanche 23 Septembre

Nous apprenons qu'Henri Guibert est reçu le 177ème à l'Ecole Polytechnique sur 230.

Bain le matin avec Charles, Louise et Henri. Avant le bain je vais avec Henri Chaine sur la falaise de St Martin derrière le terrain Robert pour photographier la maison Colin. Après midi nous allons nous promener dans les fonds de Briquedalles, je fais une aquarelle. Le soir nous donnons à dîner dans la salle à manger d'Adèle nous sommes 25 personnes: Mme Dupont, Etienne et Mathilde, M. et Mme Colin et leurs 2 enfants, Mme Cronier et Louise, M. Simonnet, Henri Chaine. Le soir les Bardy viennent, on joue aux petits papiers.

Mercredi 26 Septembre

Mer très agitée.

Le soir chez Adèle grande soirée: les Cronier, Dupont, Colin, Bardy, Bayard, Marga, Nillus, M. Simonnet; environ 40 personnes. Je joue avec Laure la comédie "En wagon". Après on fait des charades très réussies: Tourteaux, Chateaubriand, Lanterne.

Jeudi 27 Septembre

Matin bain de lames à la mer descendante mer très agitée; Sophie, Charles, Louise, Henri malgré ses cris et moi. Après midi nous allons nous promener sur la falaise de St Martin à la recherche de champignons, nous sommes surpris par une forte pluie. Le soir grande soirée chez Mme Bardy, cotillon, on se couche passé une heure.

Samedi 29 Septembre

Matin mauvais temps; après midi promenade à Anneville avec Henri, Etienne, Henri Aristide et Joseph Guibert. Je vais faire visite à M. Tuvache pour lui parler au nom de M. le Capitaine Marga de ses terrains de la falaise.

Réception du roi d'Espagne Alphonse XII à Paris à son retour de son voyage en Allemagne où Bismarck l'avait fait nommer Colonel du 15ème Uhlan en garnison à Strasbourg. Scènes scandaleuses, sifflets, injures... à la gare du Nord, à l'ambassade, à l'Elysée. Quelqu'irritation que l'on puisse avoir pour Bismarck, pour ce nouvel affront qui nous était fait, il était impolitique vis-à-vis du roi d'Espagne et grossier vis-à-vis de notre hôte d'agir comme on l'a fait. Le roi d'Espagne ayant annoncé son intention de passer quelques jours à Paris il ne pouvait guère, ayant été ensuite bombardé malgré lui colonel allemand, revenir sur sa détermination. Cette solution aurait prêté à bien d'autres commentaires. Le malheur est que le roi n'ait pas fait son séjour officiel à Paris avant de se rendre en Allemagne, tout eut été évité. M.Grévy étant alors à Mont sous Vaudrey fut la cause inconsciente de tout le mal.

Dimanche 30 Septembre

Journée très pluvieuse. Le soir nous dînons avec Adèle et ses enfants chez Mme Cronier.

M. Grévy se rend à l'ambassade d'Espagne. Après avoir salué le roi il lui dit: "Je viens au nom de la France vous prier de ne pas la confondre avec des misérables qui ont compromis sa vieille renommée par des démonstrations que je répudie. Malheureusement nos lois sont impuissantes à réprimer de pareilles manifestations. Je prie votre Majesté de me donner une nouvelle preuve de sa généreuse amitié en assistant au banquet qui réunit ce soir tout le gouvernement à ma table et vous verrez là le véritable sentiment de la France ". Le roi a répondu: "Etant venu en France pénétré des sentiments les plus amicaux pour votre pays je consens, Monsieur le Président, à donner à votre pays que vous représentez ce nouveau témoignage de ma cordiale sympathie; mais vous souffrirez qu'après ce dernier sacrifice je réserve toute ma liberté d'action". Une chasse à Rambouillet avait été organisée pour le lendemain, mais le lendemain matin le roi devait quitter Paris.

Lundi 1er Octobre

Matin très mauvais temps. Après midi nous faisons nos visites d'adieu aux Bardy, Bayard, Colin, Simonnet, Cronier. Départ d'Adèle à 4h. Promenade avec Henri, Laure, Sophie et Charles par la vieille route de St Martin et Vinnemerville. Etienne, Mathilde et Mme Dupont sont partis le matin.

Le roi d'Espagne quitte Paris. Sévères appréciations de la presse étrangère à notre égard et plus particulièrement de la presse allemande. Notre pauvre pays complètement isolé en Europe reçoit de toutes parts les plus sanglants outrages. M. le prince de Bismarck doit être heureux, son but est aujourd'hui complètement atteint, il nous a isolé de toute alliance et après nous avoir fait insulter par sa presse et poussés à bout il nous fait tomber dans ce dernier piège qu'il avait réservé pour la fin; en nommant colonel du 15ème Uhlan caserné à Strasbourg le roi d'Espagne il prévoyait et escomptait la manifestation du 29 Septembre. Le ministère Ferry commit la faute de ne pas la prévoir et de ne pas détourner le coup qui nous menaçait.

Mardi 2 Octobre

Dans la matinée je plante des piquets avec Fiquet dans mon terrain sur l'emplacement de la maison. Après midi assez beau temps promenade avec Henri, Laure, Sophie, Charles, Louise et Henri jusqu'à St Pierre en Port; aller et retour avec les enfants à pied, heureux de profiter de cette dernière belle après-midi car depuis près de huit jours le temps est détestable pluie continuelles et diluviennes, vent des plus violents, bains impossibles.

Mercredi 3 Octobre

A 4h de l'après-midi nous quittons les Petites Dalles avec Henri et Laure. Nous allons en voiture à Yvetot. Henri et Laure nous quittent à Rouen. Nous arrivons à Paris à 11h45 et à la maison à minuit1/2. Les enfants ont été très sages et très faciles pendant tout le voyage.

En somme excellente saison de bains dont tout le monde a bien profité. Habitation des plus agréables (vieille maison de père) temps généralement beau.

Sophie a pris 36 bains, Charles 36, Louise 16, Henri 12, Paul 4 et moi 41.

Charles s'est bien développé, débrouillé, la gymnastique que j'avais fait installer, le contact de ses cousins André et Jean Guibert lui ont fait beaucoup de bien. Je suis également content des progrès qu'il a faits en orthographe, il a assez bien travaillé avec moi pendant toutes les vacances.

Les quatre chéris rentrent à Paris en excellent état.

Vendredi 5 octobre

Charles et Louise retournent en classe chez Mme Cazaux. Nous avions pensé envoyer également Henri mais il parle encore si mal que de peur que ses camarades ne se moquent de lui nous ajournons; nous ne lui avons pas encore appris ses lettres du reste. Exemple de sa prononciation: C A 0 I veut dire: C'est à Louise (en prononçant chacune de ces lettres séparément).

Petit Paul commence à dire quelques mots et à bredouiller de longs discours d'un air très convaincu. Il ne serait pas étonnant qu'il parlât très vite.

Dimanche 7 Octobre

Petit Paul est un petit bonhomme impossible; à la promenade il embrasse tous les chiens même les plus affreux, il ne consent à les quitter qu'après leur avoir dit adieu et donné un dernier baiser, il essaie d'ouvrir les portières des voitures qui stationnent au Luxembourg, il s'empare de la pelle d'une petite fille, pour éviter des scènes sa maman donne à la petite fille 2 sous pour aller en acheter une autre car le polisson ne veut pas lâcher sa proie, il pense que ce qui est bon à prendre est bon à garder.

Samedi 13 Octobre

Henri prend sa première leçon de lecture avec sa maman.

Lundi 15 Octobre

Henri prend sa première leçon d'écriture avec sa maman.

Lundi 22 Octobre

Charles "Maman qu'est-ce qui fait penser?" Henri montrant sa tête "C'est Téchose là" (quelque chose là) (je ne sais qui lui avait parlé de cela). Comme Charles parlait alors du cerveau, Louise s'écrit: "le Cerveau c'est un rhume" (en ayant l'air de dire tu n'y connais rien, le cerveau voilà ce que c'est).

Depuis quelque temps à table avec Sophie nous parlons beaucoup de la guerre, des provocations des insolences continuelles de la Prusse vis à vis de la France, de la possibilité d'une guerre prochaine. Charles ne perd pas un mot de nos paroles et le soir à sa prière, après avoir dit " Mon Dieu bénissez papa et maman, faites qu'ils vivent longtemps, il ajoute faites que la France soit victorieuse ". Le "faites qu'ils vivent Longtemps" était déjà de lui.

Dimanche 28 Octobre

Henri, Laure et Pierre Petit viennent déjeuner avec nous en revenant du salon triennal. Henri, Laure et Sophie vont ensuite rejoindre Père et Geneviève au concert du Châtelet où l'on donne "La Damnation de Faust" de Berlioz. Avec Pierre nous allons promener les enfants au Luxembourg et au devant de la maman à la sortie du concert.

Je vais avec Sophie faire visite à ma tante Jannet, à Pierre et à Béatrice arrivés le matin même à Paris.

Dimanche 11 Novembre

Après midi je vais avec Sophie et les quatre enfants avec leur bonne au Salon triennal. Nous prenons le bateau au Pont des St-Pères et revenons à pied; petit Paul est étonnant de bonne humeur et de vigueur; c'est lui qui parait le plus s'intéresser à la peinture et à la sculpture, ce sont des oh! et des ah! des plus comiques des "dade papa as-tu" (regarde papa, vois-tu?) à n'en plus finir. A un certain moment nous perdons Henri; ce fut l'affaire d'une seconde, le temps de tourner la tète il n'était plus près de nous. Nous plantons immédiatement Charles, Louise et Paul sur un banc d'un salon avec leur bonne Bäbchen, et Sophie et moi parcourons l'un à gauche l'autre à droite toutes les galeries. Sophie retrouve son fils donnant la main à un gardien; ce gardien voyant notre pauvre gros circuler seul et pleurant l'avait arrêté, interrogé, mais n'avait pu obtenir d'autre renseignement de lui que celui-ci "il était venu en bateau", quant à son nom son adresse... rien. "Je veux ma maman", disait-il . Sois tranquille lui dit le gardien reste avec moi tu va voir ta maman va venir et en effet sa maman arrivait aussitôt.

Le soir dîner à l'Institut avec Allart, ma tante Jannet, Pierre et Béatrice Puiseux, André Puiseux, Jeanne, Valentine, Marguerite, Etienne et Mathilde.

Lundi 19 Novembre

Je reçois l'avis que je suis inscrit à la Ligue des Patriotes en qualité de "membre directeur".

Dimanche 25 Novembre

Après-midi nous allons avec Sophie, les quatre enfants et leur bonne allemande Bäbchen visiter la Sainte Chapelle, le Palais de Justice, Notre Dame et St Séverin. M. Allart vient dîner le soir avec nous.

Lundi 26 Novembre

L'après-midi je sors avec Sophie, nous allons au Musée Grévin, puis à l'Hôtel Drouot, puis chez un marchand de curiosité acheter une armoire à linge style Louis XIII.

Jeudi 29 Novembre

Je vais avec Sophie à l'odéon où l'on donne Severo Torelli de François Coppée. L'après midi j'assiste à la première réunion générale de la Société des Artistes Français au Palais de l'industrie après avoir visité le Salon officiel qui ferme le lendemain.

Dimanche 2 Décembre

Eté à Champigny. Anniversaire de la bataille. Cérémonie annuelle. Inauguration du monument des Mobiles de la Côte d'Or. Parti de Paris à 9h30, je rentre à Paris à 2h pour assister à la séance de la Société Centrale, élections annuelles. Je quitte Champigny au moment où se forme le cortège composé d'un détachement d'infanterie du 101ème avec musique du régiment, les pompiers des localités voisines, les sociétés de tir, de gymnastique, la Ligue des Patriotes ayant à sa tête Paul Déroulède, etc...

A la Société Centrale je suis réélu secrétaire adjoint avec 75 voix. Votants 77, P. Wallon 75, Lendière 1. Bulletin blanc 1. Le bulletin blanc de Paris était naturellement le mien quant à la voix dissidente donnée à Lendière elle était le fait d'une espèce de toqué de province qui avait bouleversé toute la liste proposée pour mettre des noms de membres qui ne recueillir que cette seule voix.

Dimanche 9 Décembre

Je vais l'après-midi avec Sophie et les enfants et leur bonne Bäbchen à l'Ecole des Beaux-Arts voir l'exposition de Scellier puis nous menons les enfants aux Tuileries.

Lundi 10 Décembre

Père part pour Caen où il va présider le lendemain la séance de la Société des Antiquaires de Normandie. Le soir nous dînons chez Pierre Puiseux avec la famille de sa femme, ma tante Jannet, Etienne et Mathilde. Dîner et soirée très gais, on fait de la musique. Dans l'après-midi je conduis Sophie chez Lejeune rue St Honoré pour la faire photographier.

Vendredi 14 Décembre

Le soir été au gymnase rue des Martyrs à la réunion semestrielle de la ligue des Patriotes. Paul Déroulède en termes très émus annonce la mort du président de la ligue Henri Martin décédé dans la matinée d'une congestion pulmonaire puis fait un très éloquent et patriotique récit de sa tournée en province pour l'organisation de la Ligue.

Vendredi 21 Décembre

Le soir à 8h1/2 reprise des conférences à la Société Centrale. Je fais une allocution d'ouverture puis M. Abel Tommy-Martin docteur en Droit, avocat à la Cour d'Appel, fait une conférence sur la propriété artistique et littéraire comparée à la propriété foncière.

Samedi 22 Décembre

On vient prendre le thé à la maison; Père, Geneviève, Adèle, Marie et Anna, ma tante Jannet, Béatrice, André, Mme Bouvet et sa fille Marguerite. On joue au whist et on fait de la musique; Sophie charme tout le monde par l'exécution pleine de goût et de sentiment de plusieurs mélodies de Schubert et de l'Arlequin de Massenet.

Dimanche 23 Décembre

Je vais au concert du Châtelet entendre la "Damnation de Faust".

Le soir je dîne avec Sophie à l'Institut avec ma tante Jannet, Pierre Puiseux et sa femme, André, Mme Bouvet et sa fille Marguerite, Mme Prével, Etienne et Mathilde, Henri Guibert et Marie, Mme Bouvet repartant le lendemain matin pour Salins.

Lundi 24 Décembre

Dès l'après midi les souliers des enfants sont en mouvement, on en trouve partout sur les chaises sur ou sous les tables, dans toutes les pièces; le soir alignement général devant la cheminée de notre chambre.

Mardi 25 Décembre

Grande joie des enfants à leur réveil; toute la matinée se passe en admiration devant les mille petits rien, jouets, bonbons et gâteaux qu'ils ramassèrent devant la cheminée. L'après-midi nouvelle fête, nous allons leur montrer les boutiques; petit Paul surtout est d'une exaltation comique.

Jeudi 27 Décembre

Louise va à sa pension, quoiqu'on soit jeudi, afin de travailler au petit ouvrage qu'elle nous prépare pour nos étrennes. Nous l'envoyons chercher à midi mais Mme Cazaux refuse de la donner disant qu'elle a trop à faire. Je vais la chercher à 2h1/2 car la maman doit la conduire avec Charles chez Mme Isambert pour préparer un chant de petit Noël. Notre pauvre petite fille a été bien triste d'être privée de venir déjeuner avec nous d'autant plus qu'elle avait été sévèrement punie par Mme Cazaux sous prétexte qu'elle ne mettait pas assez d'activité à un travail à l'aiguille que la pauvre enfant n'avait jamais fait. En allant la chercher je lui avais porté un morceau de gâteau, jamais je ne fus mieux inspiré. Nous mettons en délibération, Sophie et moi, si nous ne la retirerons pas de sa pension. Nous sommes l'un et l'autre très montés contre Mme Cazaux. Finalement nous pensons que notre pauvre petite fille serait la première punie dans sa tristesse de quitter sa pension; Sophie se contentera le lendemain matin d'aller elle-même dire à Mme Cazaux combien nous avons été froissés de son procédé.

Vendredi 28 Décembre

Petit Paul nous cause un terrible moment d'effroi; il avise sur la table de toilette une petite bouteille d'iode dont on s'était servi la veille pour lui badigeonner la poitrine pour combattre un rhume naissant, la porte à sa bouche et avant que sa mère n'ait pu l'arrêter s'en emplit la langue et les gencives. Sophie l'inonde immédiatement d'eau et lui lave la bouche à grande eau avec une éponge qu'elle tenait en ce moment à la main. Le pauvre enfant doit souffrir beaucoup car je fis l'expérience sur moi-même; c'était terriblement mauvais; mais après dix minutes de pleurs il n'y pensa plus et joua comme à son ordinaire.