1878

 

 

Mort de Victor-Emmanuel II (9 Janvier), du Pape Pie IX (7 février), de Claude Bernard (10 Février). Mort le 2 Avril de Céline Caffiaux à l'âge de 42 ans - Valenciennes.

Le samedi 2 Avril départ pour Rambouillet avec Sophie et les enfants; le Dimanche de Pâques, excursion à la Vallée Moussue. Retour de P.W. le mardi matin. Retour de Sophie le Vendredi 26 Avril.

Samedi 11 Mai: Attentat contre l'empereur d'Allemagne par Hoedel, Saxon.

Du jeudi 16 Mai au Jeudi premier Juin, service de P.W. dans l'armée territoriale à Rouen. A peu près tous les jours P.W. rentre déjeuner chez son frère Henri et revient pour l'appel de 1 1 h 1/2.

Du 4 Juin au 6 Juin, séjour de la famille à Villerville.

Mercredi 6 Juin. Mort de M. Jules Leviez à Arras.

13 Août. Départ de Sophie et des enfants pour Arras. P.W. fait la navette entre Paris et Arras. La famille part d'Arras le 12 Septembre pour Lille, fait un voyage à Gand, Bruges, revient à Arras le 16 Septembre, rentre à Paris le 22 Septembre.

Courant Octobre,nombreuses visites à l'exposition.

31 Octobre. "Mort de la mère d'Etienne, Marguerite et Geneviève 58 ans".

 

Mardi 1er Janvier

Le matin, j'emmène mon gros Charles au-devant de sa mère qui est à la messe pour aller ensemble à I'Institut. La messe se prolongeant, au lieu de rencontrer Sophie sur notre chemin rue des Ecoles nous arrivons jusqu'à la petite chapelle de la rue J. de Beauvais (dominicains). Nous entrons et à un tout petit cri que pousse son gros, petite mère se retourne toute rouge d'émotion et de plaisir. Maman, crie alors Charles, mais il est très raisonnable jusqu'au moment de la communion où voyant le prêtre passer et repasser plusieurs fois devant l'autel donnant la communion, s'imaginant sans doute une distribution de bonbons, fort étonné ou mécontent de ne pas avoir son tour il réclame en s'écriant: Toto. Craignant pour la sagesse de mon Toto, je l'emmène alors.

Itinéraire de visites et de cartes - lnstitut, Tante Jannet, Cousin Puiseux (vis.) - Malassez (carte), Ch. GarMer (carte) - Déjeuner - Isambert, Beswillard, Santon (carte), Visitation, Giaird (carte), Beliri, Olleris, Tante Corne (avec Sophie depuis le déjeuner). Boitel, Pascal, Beswillard, parents.

Toute la journée, Charles est ivre de joie. Le dada de mon oncle Henri particulièrement le transporte de joie - difficulté pour revenir de l'Institut avec lui; il veut à toute force monter son dada dans la rue ou le porter dans ses bras. A la fin, à bout de force, il consent à me le laisser porter...

Dimanche 6 Janvier

Election des Conseillers municipaux - Quartier de la Sorbonne. Engelhard conseiller sortant seul candidat. Je dépose un bulletin blanc. Le citoyen Engelhard est radical partisan de l'amnistie. Je suis partisan d'une clémence on ne peut plus étendue, mais l'amnistie, jamais! gracier tout le monde individuellement, soit, mais passer l'éponge, oublier les massacres, les incendies, les infamies de la Commune et consacrer ce pardon par une loi, jamais! jamais!

J'ai voté pour Louis Blanc au 14 Octobre, c'est vrai! Louis Blanc est également partisan de l'amnistie, mais la situation était toute autre et nous étions menacés par une bande d'aventuristes aussi redoutables que les communards. Il fallait à tout prix renverser ces hommes du 16 Mai, ces hommes du complot d'Etat. C'était une question de vie ou de mort pour la République.

Dimanche 13 Janvier

Enterrement du père Raspail.

Nous allons avec Charles et sa petite mère nous promener au Luxembourg. Charles est tout étonné de voir les cane-cane (cygnes) du bassin du Luxembourg remplacés par des patineurs et des glisseurs. Il s'amuse beaucoup du spectacle et me pousse sur le bassin; nous nous y promenons avec petite mère; gros Toto est très content. Ensuite nous courons dans le Luxembourg, faisant des boules de neige et nous les lançant.

Samedi 2 Février

Je vais au Jardin d'Acclimatation pour faire l'estimation du Colombier militaire (Aff. des Domaines). Accueil peu courtois du Directeur du Jardin.

Dimanche 10 Février

Eté avec Sophie au concert du Châtelet - Symphonie Pastorale.

Dimanche 17 Février

Journée splendide - Le matin, je monte avec Charles sur le tramway du Collège de France à la Chapelle et nous revenons de même à la grande satisfaction de Toto. L'après-midi, nous allons nous promener avec sa maman et petite sÏur au Luxembourg. Le soir, Père, Maman, Etienne, M. Allart, Adèle et ses 5 aînés viennent dîner à la maison. Charles a été très sage pendant tout le dîner.

Mercredi 20 Février

Le cardinal Pecci qui remplissait les fonctions de camerlingue est élu Pape. Il prend le nom de Léon XIII.

Notre domestique Sidonie nous quitte.

Mardi 5 Mars (Mardi-Gras)

Le soir, promenade avec Sophie sur les boulevards. Affluence énorme; depuis longtemps, on n'avait vu de carnaval si bruyant - peut-être était-ce dû au séjour à Paris des étudiants espagnols qui viennent en corps, 50 ou 60 et dans un fort joli costume se prodiguent partout pendant plusieurs jours soit au Bal de l'Elysée soit en public, donnant partout et à tous des aubades fort pittoresques.

Mardi 29 Mars

Je prends ma première leçon d'aquarelle chez Harpignies.

Vendredi 5 Avril

Je vais chez le Ministre des Cultes M. Bardoux pour le remercier des bonnes paroles qu'il a dites à mon Père au sujet de ma nomination désormais prochaine d'Architecte Divisionnaire.- Je ne le rencontre pas.

Départ de Père et de maman pour Marseille. Père m'offre de faire avec lui un voyage d'un mois en Italie mais je ne puis me décider à abandonner Sophie et les enfants.

Vendredi 26 Avril

Déjeuner avec Arthur Lambert - à 5 h retour de Sophie et des enfants de Rambouillet. Nous dînons chez M. Allart.

5ème leçon d'aquarelle Harpignies. Payé à Harpignies 60 Fr:10 Fr pour Mai 50 Fr pour Avril.

Mardi 30 Avril

L'ordre se répend trop tardivement peut-être que les monuments publics seront pavoisés et illuminés le lendemain pour la fête de l'ouverture de l'Exposition. J'achète un drapeau et des lanternes &emdash; empressement de la foule le soir à se munir de drapeaux et de lanternes

Mercredi 1er Mai

OUVERTURE DE L'EXPOSITION UNIVERSELLE

A 6 h du matin, Père rentre à Paris, retour d'Italie. A 7 h Jeanne, Pierre et leurs enfants arrivent de Marseille qu'ils quittent définitivement pour suivre le Général Hallier à Lille.

J'assiste au Trocadéro à l'ouverture de l'Exposition. Malgré deux ou trois averses, la fête est très imposante. Le président de la République Maréchal de Mac Mahon était assisté de: le roi don François d'Assise, le Prince de Galles, le prince royal de Danemark, le prince Henri des Pays Bas, le président du Sénat accompagné du bureau le président de la Chambre des Députés accompagné du bureau etc...

Paris entièrement pavoisé produisit un effet saisissant. Le soir, illumination particulière des plus brillantes. Enthousiasme extrême. Les quartiers nobles seuls faisaient la moue; on y comptait les drapeaux et les lanternes tandis que les rues les plus étroites, les plus Populeuses, étaient splendides de décoration. Véritable fête nationale, la première à laquelle j'assistais.

Mercredi 15 Mai

Départ pour Valenciennes avec Adèle à 8 h du matin pour le baptême de André Deltombe; à Douai,nous trouvons ma tante Barbedienne et Jeanne Chevau; arrivée à Valenciennes à 1h. Après le baptême, déjeuner et visite à Mme Deltombe, cousin H. Caffiaux, tante Boulan, Thérèse, Hortense, cousin Emile, Mme Rousseau, tante François, cousin Giard, tante Etienne. Je pars de Valenciennes à 10h20 du soir pour arriver à Paris à 5h15 du matin. Adèle reste coucher chez Valentine et repart le lendemain matin à 6h pour Douai déjeuner avec ma tante et rentre à Paris à 6 h.

Jeudi 16 Mai

Appel de l'armée territoriale Classes 66-67. Départ de Paris à 6h30, arrivée à Rouen à 9h. Le matin, j'étais arrivé de Valenciennes à 5h.

Dimanche 19 Mai

Je vais avec Sophie visiter Rouen. Nous assistons à la revue sur la place de l'Hôtel de Ville. Après déjeuner promenade en canot avec Henri, Laure, Alphonse Vaultier, Sophie et Charles jusqu'à la Poterie chez M. Simonin. Dîner chez Mme Cronier.

Mercredi 22 Mai

A 4h lever à 6h exercice au Champ de Mars - rentrée à la caserne. Matinée très pluvieuse. Après le rapport, je rentre déjeuner chez Henri. A 11h1/2 appel; théorie en chambre sur le fusil et le tir. J'achète à la compagnie des brosses à cirage, patiences etc... des étiquettes individuelles pour le râtelier d'armes, des crayons, du papier pour le sergent major. Les hommes s'empressent d'astiquer leurs boutons, leurs chaussures avant l'appel. La 4ème Cie brille entre toutes les autres. Exercice au Champ-de-Mars de 1h à 5 h. Rentrée à la caserne; je fais établir un ordre complet à la chambrée avant de me retirer.

Vendredi 24 Mai

A 4 h1/2 lever, à 6h exercice au Champ de Mars. 8h1/2 Ecole de section. Matinée très pluvieuse. Retour à la caserne. Théorie aux officiers sur le défilé par le capitaine adjudant major du 74 ème de ligne. Je prie M. Trombert S. Lieutenant de me remplacer à l'appel pour revenir déjeuner chez Henri. J'arrive à 1h1/2 au Champ de Mars en même temps que les troupes que je pensais aller prendre à la caserne. Le rapport avait eu lieu 1/2 heure plus tôt. Ecole de Section. Défilé avec la musique du 74ème Rgt de ligne. A 5h rentré à la caserne.

Mercredi 29 Mai

Lever à 5h1/2. Henri me fait conduire en voiture jusqu'aux portes de la ville où je rejoins ma compagnie allant à la cible. Notre compagnie est la première :

Tir à 400 m (6 balles): première Cie: 21,3%, 2ème: 26,8%, 3ème: 37%, 4ème: 39,7%.

Sur 6 balles j'en mets 2 dans la cible, mon capitaine 2, M. Blanchet 4, M. Trombert 1. Le temps pluvieux toute la matinée se met au beau et l'après-midi, nous allons faire l'exercice en terrain varié sur la côte du cimetière monumental.

Samedi 1er Juin

A 6h départ de la caserne pour la revue. Les 2èmes bataillons du 21ème et 22ème territorial sont passés en revue au Champ-de-Mars par le Général de brigade Lamy - félicitations du Général. Rentrée à la caserne à 9h. Le colonel Champy adresse à mon bataillon l'ordre suivant: - Ordre du régiment " Officiers, Sous-Officiers, soldats du 2 ème Bataillon du 22 ème Régiment territorial d'Infanterie. Vous êtes arrivés à la fin de votre période d'exercice et je ne veux pas me séparer de vous sans vous exprimer comme au premier Bataillon combien je suis satisfait du bon esprit dont vous avez fait preuve, du courage avec lequel vous avez supporté les intempéries de la saison et du bon vouloir que vous n'avez cessé de montrer dans les marches comme au tir et comme dans l'instruction. Mais je désire surtout vous adresser mes félicitations spéciales sur votre excellente conduite qui ne s'est pas démentie pendant les 15 jours que vous avez passés à Rouen et qui me fera vous citer comme modèle à tout le régiment." Dans l'après-midi, départ des hommes. Avec le capitaine Boisselle je conduis à la gare les hommes de Paris. Visite des officiers au Général Lebrun. Chaleureuse allocution du Général.

Mardi 4 Juin

A 7h du matin, départ pour Le Havre: Henri, Laure, Sophie, moi et les deux enfants avec leur bonne. Arrivée au Havre à 9h1/2 - pluie - visite d'un transatlantique - promenade en voiture. A midi 1/2 départ pour Honfleur sur le bateau La Manche. Arrivée à Honfleur à 1h1/2. Une voiture nous conduit à Villerville où nous arrivons à 2h1/2 - Distance entre Honfleur et Villerville 8 Kil 8 &emdash; Nous descendons à l'hôtel de Paris - prix 6Fr par jour, non compris déjeuner du matin &emdash; la bonne 5Fr, les deux enfants 4Fr. Journée passée sur la plage; après dîner promenade sur la route d'Honfleur.

Jeudi 6 Juin

A 7h du matin, je pars pour la fontaine Virginie faire de l'aquarelle. Henri, Laure et Sophie me rejoignent apportant le déjeuner. Retour à Villerville à 4h . Nous faisons nos préparatifs de départ. Promenade délicieuse sur les plages, le temps est superbe. Dîner à 6h1/2 . Après dîner dernière promenade sur la plage. Splendide coucher de soleil. A 8h1/2, je quitte Henri et Laure avec Sophie et les enfants. Nous allons prendre le chemin de fer à Trouville 9h33. Charles est d'une sagesse exemplaire. Plein d'entrain et de bonne humeur, il a fait très gentiment ses adieux à son oncle Henri et à sa tante Laure - sa gaieté pendant le trajet en voiture - Après avoir bien joui du plaisir de se sentir en chemin de fer, il demande à faire dodo et ne fait qu'un somme jusqu'à Paris où il se laisse réveiller sans pousser un cri. Petite sÏur a été au contraire un peu chagrine.

Jeudi 13 Juin

Je vais avec Sophie à l'exposition.

Elections à l'Académie Française; remplacement de MM. Thiers et Claude Bernard:

Au fauteuil de M. Thiers: H. Martin 18 voix, élu; Taine 15.

Au fauteuil de M. Claude Bernard: Renan I9 voix, élu; Wallon 15 (Henri-Alexandre).

Vendredi 14 Juin

Convocation à 5h à la mairie du Panthéon 5ème Arrondissement pour l'organisation de la grande fête du 30 Juin. On se partage en 4 commissions, 1 par quartier. On nomme une commission formée de membres de chaque quartier pour s'occuper de la décoration, de la musique, de l'estrade, de la fête foraine. Je fais partie de cette commission avec MM Ch Garnier, Santon, Gillet, Bulliez etc ... Nous prenons rendez-vous pour le lendemain 8h. - Dîner des amis chez Notta.

Jeudi 20 Juin

Revue à Longchamp, environ 35.000 hommes. Le temps qui depuis le commencement du mois est détestable est splendide ce jour-là. La revue est des mieux réussies, la tenue des hommes, le défilé, ne laissent rien à désirer. J'assiste à la revue avec Jeanne Chevau et Etienne, nous sommes parfaitement placés, au premier rang en avant à droite de la tribune de la Maréchale où l'on voyait le Chah de Perse, le roi don François d'Assise, père du roi d'Espagne, les ambassadeurs, les ministres etc ... Partis par la gare St Lazare après avoir déjeuné chez Adèle - 12h - nous revenons de même par Suresnes, non sans appréhension au milieu de cette foule énorme, mais servis miraculeusement par les circonstances, obligés d'escalader les fenêtres de la gare pour nous précipiter dans le train qui arrivait, laissant derrière nous des milliers de personnes. A notre retour, nous apprenons l'arrivée à Paris d'Henri et de Laure. Nous dînons tous ensemble chez Adèle où Sophie vient nous rejoindre.

Vendredi 28 Juin

8ème et dernière leçon chez Harpignies.

Dimanche 30 Juin

Grande fête nationale - Temps des plus délicieux; toute la joumée, le ciel reste un peu couvert mais sans pluie. Le soir le vent qui dans la journée faisait flotter agréablement les drapeaux tombe complètement et Paris offre la plus brillante illumination qui se puisse voir.

M. et Mme Lambert, Mme Cattant viennent de Rambouillet déjeuner et dîner avec nous. Le matin, je vais aux Halles chercher des fleurs pour orner notre fenêtre (celle du pan coupé) qui se compose de 3 drapeaux, deux bouquets tricolores (Ïillets rouges, bleuets, fleurs de camomille) plantés au bout de deux grands bâtons faisant saillie sur la rue et réunis par une corde faisant chaînette au milieu desquels est suspendu un ballon vénitien. Sur la barre d'appui, 5 verres de couleur, dans la partie supérieure de la fenêtre, un ballon et deux lanternes vénitiennes. La fenêtre sur la rue des Ecoles se compose d'un drapeau et de 4 lanternes. Chacune des autres fenêtres sur la rue Champollion 2 lanternes. De 3h à4 h je promène Charles dans le quartier. A 5h1/2 quand notre domestique est rentrée j'emmène Sophie par le boulevard St-Michel, les Halles, la rue Montorgueil, la rue Mandar... jusqu'au Palais-Royal, la rue de Rivoli, les Tuileries, la place de la Concorde, les quais, la rue Mazarine, la rue de l'ancienne Comédie et la rue de l'Ecole de Médecine. Promenade ravissante. Les petites rues sont ravissantes à voir: Drapeaux de toutes nationalités et de toutes formes, guirlandes de verdure, tresses tricolores, lantemes, verres de couleur transparents, rien ne manque. Les rues Montorgueil, Mandar et Mazarine sont les plus jolies.

Nous rentrons à 7h . Après dîner, à 10h notre domestique étant rentrée, je repars avec Sophie par le Bd, Ies Halles, la rue Montorgueil, les Boulevards, la rue Montmartre, la place de la Bourse, la rue Vivienne, le Palais-Royal, la rue de Rivoli, la cour du Louvre, le pont des Arts, la rue Mazarine... nous rentrons à 11h1/2.

Vendredi 12 Juillet

Charles et petite soeur jouant tous deux sur notre lit petite soeur brusquement poussée par son frère est projetée à terre, elle se fait une forte bosse sur le derrière de la tête. La veille, étant ensemble à la fenêtre de la salle à manger, Charles enlève sa soeur au risque de la faire passer par dessus la barre d'appui dans la rue; on se précipita à temps sur eux.

L'après-midi, j'emmène Sophie et Charles voir le gonflement du ballon Giffard, cour des Tuileries. Ce ballon d'un diamètre de 35mètres, cube environ 25.000 m. L'étoffe pèse 4.000Kilog, soit 1 Kilog le mètre, le câble environ 3.000, le filet 3.500 (il y a pour 115.000Fr de cordages), Ia nacelle environ 3.000 Kg soit, avec les 50 personnes qu'il doit enlever, environ 15 à 16.000 Kilos. Le câble s'enroule sur un treuil gigantesque de 11m de portée x 2,50 de diamètre, mu par une machine de 300 chevaux. Etonnement de Charles qui a d'abord quelque peine à comprendre que cette immense cloche qui paraît sortir de terre est le ballon dont on lui a parlé et qu'il demandait tant à voir; aussi cherche-t-il partout au-dessus de sa tête ce ballon qui se gonfle devant lui et lui crève les yeux. Mais quand il a compris, il fait des réflexions dans son langage des plus amusantes. Toute la journée et le lendemain, il nous parle du ballon et de sa pételle (ficelle).

Sortie de Geneviève; Nous dînons avec Mne Cronier et Louise à l'Institut, Adèle et ses enfants.

Dimanche 14 Juillet

Dans la journée, je vais avec Sophie, Charles, Adèle (GUIBERT) et ses enfants, Marie, Anna (plus tard LANCRENON), Joseph et Jean, et Marguerite (plus tard RABUT), cour des Tuileries assister au gonflement du ballon Giffard. Je les fais tous monter sur la terrasse du Pavillon de Flore.

Mercredi 17 Juillet

J'étais rentré de l'agence (son cabinet) depuis un instant lorsqu'à 5h1/2 Désirée, la domestique, revient essoufflée du Luxembourg en m'annonçant que Charles s'est perdu et que sa mère parcourt le Luxembourg en tous sens pour le retrouver. Je descends immédiatement et cours au poste de police le plus voisin - Place St Sulpice - faire une déclaration. On télégraphie au bureau central et on me prie de repasser dans 1/2 heure; dans 1/2 heure, on vous dira où est votre enfant. J'entre au Luxembourg que je parcours en tous sens, questionnant gardiens, chaisières etc... puis je vais chez le Commissaire de Police de l'Odéon. Avant de retourner Place St Sulpice, je repasse vers la maison et j'aperçois à la fenêtre Charles, petite soeur et la maman m'attendant. Henriette, la domestique de M. Allart, prévenue en même temps que moi, était partie directement au Luxembourg et avait immédiatement rencontré le gros Charles se promenant d'un air indifférent sur la terrasse de l'Est près de l'emplacement réservé à la musique.

Jeudi 18 Juillet

Charles et petite soeur viennent avec leur maman à l'agence des Tuileries. Nous allons voir ensemble le ballon Giffard.

Lundi 22 Juillet

Visite à l'Exposition avec Sophie. A 2h1/2 je rentre à l'agence des Tuileries.

A 5h je monte dans le grand ballon captif des Tuileries de M. H. Giffard. Ascension splendide. C'est la première ascension à laquelle les invités soient admis. Le samedi et le dimanche une ascension avait eu lieu, mais l'une et l'autre spéciales pour les aéronautes. Notre ascension était une épreuve d'essai en présence de la Commission de sécurité publique appelée à donner son avis avant l'autorisation de l'exploitation publique du ballon. Nous montons à 350 mètres environ. Le spectacle est féérique, le temps très clair, pas un souffle de vent, nous restons dans la verticale. Après nous, le préfet de police et la Commission montent à leur tour. Puis deux autres ascensions d'invités ont encore lieu.

Mardi 23 Juillet

Sophie vient me retrouver aux Tuileries avec les enfants. Les frères Tissandier sont assez aimables malgré le nombre considérable de solliciteurs dont ils sont assaillis pour me donner 2 billets pour la 4ème ascension. La première se fait vers 6h. Nous montons avec Charles vers 7h. Charles n'est pas le moins heureux: l'appui de la nacelle étant trop élevé pour qu'il puisse voir de lui-même, il veut toujours être sur mes bras et se pencher en dehors pour mieux voir les vodons (maisons), péteux, pétaires (messieurs,militaires) dadas, eau, beaucoup d'eau (la Seine et les bassins des Tuileries). Sophie revient enthousiasmée de son ascension. Quant à Charles, il ne voulait pas sortir de la nacelle et disait "encore ballon". Nous étions montés à près de 400 mètres.

Lundi 29 Juillet

Eté à l'Exposition (Trocadéro) pour la séance d'ouverture du Congrès International d'Architecture. Présidence de M. Lefuel. Conférence de Mr. Hermant sur l'esthétique; beaucoup de faconde, beaucoup de prétention, aucun fond.

Jeudi 1er Août

Excursion à Reims avec le Congrès International des Architectes. Départ gare du Nord à 8h50 arrivée à Reims midi 1/2 déjeuner au buffet. Nous étions 130. Après déjeuner, nous allons voir une mosaïque très remarquable de l'époque romaine découverte dans un terrain vague près de la gare; je vois l'arc de triomphe romain dit porte de Mars, I'Hôtel de Ville, la Cathédrale, splendide édifice du XIII ème siècle, St Rémy ancienne basilique en 800 qui a subi des transformations en trois époques, au 13ème siècle, l'ancienne basilique est voûtée, garnie de contreforts... De St. Rémy, nous allons voir les caves immenses de la Veuve Pommery. Les bouteilles de champagne s'entassent par millions dans les voûtes des caves taillées dans la craie. Très sympathique accueil, les caves éclairées à notre intention sur tout leur parcours; après la visite, collation au Champagne. Nous terminons par la visite à l'Ecole Professionnelle et au théâtre construit par notre ancien camarade Gosset. Départ de Reims à 6h15. Rentrée à Paris à 10h.

Mardi 6 Août

Père, maman, Marguerite, Geneviève, Adèle et les enfants partent le soir pour les Petites Dalles.

Lundi 9 Septembre

Arrivée à Paris d'Etienne (Wallon); revenu de Vittel. Nous déjeunons et dînons ensemble, allons le soir à l'Alcazar d'Eté aux Champs-Elysées.

Samedi 14 Septembre

A 11h05 du matin, départ (de Lille où la famille est arrivée la veille venant d'Arras) pour Gand. Arrivée à 1h1/2. Nous conduisons les enfants au Jardin zoologique près de la gare, les y laissons avec leur bonne et parcourons la ville: place d'armes, place du Marché aux Grains, maison des bateliers, St. Michel, St. Nicolas, St Bavon, peintures des frères van Eyck, Hôtel de Ville, St. Jacques, le Béguinage, retour au jardin zoologique où nous retrouvons les enfants. Le pauvre Charles souffrait d'un besoin et n'avait pas voulu le satisfaire n'ayant pas de van. Nous en trouvons un et le pauvre chéri reprend sa gaieté après de longues heures de souffrance peut-être. Petite sÏur est toujours très gaie depuis son départ d'Arras, Charles un peu difficile. Nous partons pour Bruges à 6h1/2 - arrivée à 7h1/2 Hôtel du Panier d'Or; nous occupons la chambre 17 au 2ème sur la place en face du beffroi. Après souper, nous couchons Charles et Louise dans notre chambre sur un matelas par terre. Au milieu de la nuit, le gros Charles écrasant sa sÏur, nous mettons petite sÏur dans le lit et je couche avec Charles.

Dimanche 15 Septembre

Nuit très pénible à cause des piqûres de cousins. Le matin, promenade par la ville le long du canal, nous conduisons les enfants au Parc. Ascension du beffroi, carillon. Après dîner à 2h nous allons Sophie et moi à Ostende. Les enfants se reposent à l'hôtel et à leur réveil retournent au Parc. A 6h1/2 nous revenons d'Ostende où nous avons pris un bain, souper, coucher. Concert sur la place à propos du congrès des instituteurs.

Notre pauvre Charles est si difficile, si colère depuis notre départ que nous prenons la résolution de retourner dès le lendemain à Arras. Notre itinéraire, en quittant Bruges était Anvers, Bruxelles, Valenciennes et Arras où nous devions arriver Samedi.

Lundi 16 Septembre

Le matin visite de Notre Dame, tableaux, de la cathédrale de Bruges de St Sauveur et de l'Hôpital St Jean où se trouve la magnifique peinture de Memling la châsse de Ste Ursule etc...

Déjeuner à 11h. A midi, nous faisons porter nos bagages à la gare hésitant entre la direction d'Anvers et le retour à Arras. Les deux trains étaient en partance. Nous nous décidons pour Arras. Départ à midi40. Changement de train à Courtrai, changement de train à Mouscron. Visite de douane à Tourcoing. Chgt de train à Lille. La visite de la douane nous fait manquer le train de 4h25. Nous prenons pour gagner Arras un chemin détourné avec billet pour Lens par Violaine. A Violaine, nous changeons de train. A Bally Grenay, nous changeons encore de train. A Lens, je demande au chef de gare de faire continuer nos bagages sur Arras. Nous arrivons enfin à Arras à 7h après mille difficultés. Une idée des caprices de Charles: arrivé à Arras, l'idée lui vient de ne pas descendre du train - encore chifer, encore chifer crie-t-il en se roulant. Je suis forcé de le prendre dans mes bras. Dieu merci, j'en avais assez du chemin de fer !

Dimanche 22 Septembre

Au moment de quitter Arras, je reçois la lettre d'Henri m'annonçant la terrible scène qui s'était passée le vendredi précédent aux Dalles. Le sauvetage opéré au péril de leurs vies par Père et Etienne. Voir la lettre d'Henri, d'Adèle et de Père.

Samedi 28 Septembre

Pierre Petit arrive à Paris pour passer une huitaine de jours.

Rentrée à Paris d'Adèle et de ses enfants revenant des Dalles. Elle nous apprend le terrible accident qui a failli arriver à André Puiseux. Voyageant en Suisse avec son frère, son père et ma tante Jannet, dans une excursion qu'il faisait seul avec son frère, il est resté suspendu pendant 4h dans une crevasse au dessus d'un abîme pendant que Pierre courait chercher du secours.

Dimanche 20 Octobre

Eté à l'Exposition avec Sophie et les enfants. Nous leur montrons: au Trocadéro, l'aquarium, la cascade - peur de Charles pour passer sous la cascade, déjeunons sur le pont d'Iéna, montons dans la tête de la Liberté (monument franco-américain) visitons sur le quai les hangars de la marine parcourons la galerie des machines et quelques galeries du mobilier, la galerie des jouets, les intérieurs des Pays-Bas (grands mannequins habillés) et sortons par la galerie du Travail.

Lundi 21 Octobre

Distribution des Récompenses au Palais de l'Industrie. J'y assiste avec Geneviève. Henri obtient une médaille d'argent pour son exposition.

Le soir illumination. Soirée splendide, nous sortons avec les enfants, remontons le boulevard jusqu'à la rue Soufflot et descendons par la rue de Médicis, le Palais du Luxembourg, la rue de Tournon, la rue St. Sulpice, la rue de l'Odéon, la rue monsieur le Prince, la rue de l'Ecole de Médecine. Les enfants paraissent bien jouir de la vue des illuminations.

Mardi 22 Octobre

Arrivée d'Henri et de Laure, de Valentine et 3 de ses enfants. Henri et Laure descendent chez nous, Valentine à l'Institut.

Le soir, je vais avec Henri à Versailles au grand bal donné dans le château en l'honneur de l'Exposition - Prince et Princesse de Galles, roi d'Espagne, Prince de Danemark etc... Fête splendide - Galerie des Glaces - Feux d'artifice sur la terrasse. Foule considérable. Vestiaire insuffisant - Après avoir vainement attendu une distribution possible de vêtements, nous prenons le parti de retourner à Paris sans nos par-dessus - par le train de 2h du matin.

Mercredi 23 Octobre

Je retourne à Versailles pour rechercher nos pardessus. Au milieu d'un amas de vêtements entassés dans plusieurs salons, je parviens à retrouver mon pardessus, mais je ne puis trouver celui d'Henri, ni nos parapluies. Tous les vêtements ayant ensuite été transportés à l'Elysée, Henri retrouve son pardessus.

Jeudi 31 Octobre

Mort de Maman. 5h du soir (à I'âge de 58 ans).

Nous étions passés par l'Institut, Henri et moi, vers midi, revenant d'une ascension en ballon cour des Tuileries, maman était comme à l'ordinaire très bien.

Vers 1h1/2 Valentine accourt chez moi, maman vient d'être frappée d'une attaque de congestion cérébrale en se mettant à table. Henri et moi courons en toute hâte, Valentine, Laure et Sophie nous suivent. Une dépêche avait été envoyée immédiatement à Père qui était à Versailles. M. le Docteur Colin était accouru, avait fait poser des sangsues. Henri court chercher Adèle qu'il ramène avec Marie. Je vais de mon côté prévenir ma tante Jannet. Nous envoyons une dépêche à Etienne à Valenciennes pour lui dire d'arriver.

Père n'ayant reçu la dépêche qu'à 3h arrive enfin à 4h40. Quelques minutes arès, maman rendait le dernier soupir sans avoir un seul instant repris connaissance. Nous étions auprès d'elle: Père, Marguerite, Geneviève, Adèle, Marie, Henri, Louise, Sophie, moi, ma tante Jannet, Madame Cronier, Mariette et M. Colin qui ne l'avait pas quitté d'une minute. A 11h15, je vais avec Henri au-devant d'Etienne

Mardi 24 Décembre

Nous mettons coucher les enfants de bonne heure et faisons nos préparatifs pour la surprise du lendemain matin. Petite mère fit dans la soirée la literie d'un petit berceau en osier pour le didon (le garçon) de petite sÏur. J'accroche à un petit arbre de Noël jouets, gâteaux, bombons. Avec quel plaisir nous disposons toutes nos petites affaires dans la cheminée ! Jamais soirée de Noël ne m'avait parue si charmante.

Mercredi 25 Décembre

Au réveil illumination de l'arbre; ébahissement des enfants !