Dans ce temple où j'entrais, vaincu, je ne crois pas. Désemparé, trahi de tous, et l'âme inerte, J'avance, halluciné, dans la lumière verte Qui fuse des vitraux et s'accroche à mes pas.
Etoile d'or, gardienne ou signal, qui, là-bas, Brille éternellement dans cette nef déserte, Lueur qui me hanta, dés la porte entr'ouverte, Saurai-je donc jamais dans quel but tu flambas ?
Mais soudain, dans l'éclat des orgues, j'ai frémi. L'étreinte du passé, sur mon coeur raffermi, Desserre son étau, m'offre la délivrance.
Et libre j'ai pleuré dans l'ombre du Saint Lieu ! L'étoile du berger, le vert de l'espérance M'ont dans cette harmonie élevé jusqu'à Dieu. |
Elle avait de beaux cheveux noirs Sombres comme une nuit sans lune, Et sincère, je crus pouvoir En conclure qu'elle était brune.
Mais n'avais-je pas mal jugé, Car sur sa peau soyeuse et douce Fleurissait un duvet léger ? Couleur de feu : elle était rousse.
Pour remettre en forme les ondes De ses cheveux elle cambra Autour de son col ses deux bras, Me découvrant qu'elle était blonde.
Et quand le soir, dans son alcôve, Je connus l'intégralité De son éclatante beauté, Je m'aperçu qu'elle était chauve.
Lors, voyant mon étonnement De ces diversités charmantes Elle me dit ingénument Les lèvres toutes souriantes :
Poil roux, c'est ma constitution ; Chevelure noire : teinture ; Blonde aisselle : transpiration ; Quant au reste, c'est de l'usure ! |
A l'issue d'un réveillon Renaissante mélancolie, Un an de plus vient de finir, Sachant pourtant que c'est folie, Je voudrais ne jamais vieillir. Lorsque s'en va la vieille année Je cherche encore à découvrir Sur sa pauvre lèvre fanée Un sourire qui va mourir ; Mais elle sort la tête basse. Puisqu'aussi bien il faut partir Qu'elle laisse nette la place Que l'autre aussitôt doit tenir. Nette sans doute, mais pas vide : Il y reste le souvenir Du jour heureux, du jour aride Qu'on a vus, tour à tour venir. Il y reste aussi l'espérance, Maquilleuse de l'avenir, Mais prodigue de confiance Indispensable au devenir. La hotte de la débutante En est pleine : bonheur, plaisir En font la charge débordante : Déjà nous croyons les saisir. Mais hélas ! ce n'est que mirage Qui toujours plus loin doit s'enfuir, Et dont la séduisante image Elle même va se ternir ! Si de ces espoirs quelques choses Demeurent, sachons en jouir ; Respirons le parfum des roses Quand le soleil les fait fleurir. Retenons des heures qui passent Ce qu'un sage en peut retenir, Sans que nos désirs nous dépassent ! .... C'est le secret de bien vieillir. |
Au moment que trahi par ma dernière chainse ( Chainse est un mot français aussi discret que vieux ) J'en tâtais le tissu qui devenait bien mince, Vous m'annoncez, Madame, un trio précieux.
Pour le souci cruel que votre geste évince Je veux vous rendre grâce et rendre grâce au dieux. Il eût fallu - pour dire vrai - que j'en obtinsse Six ! C'eût été parfait mais trop ambitieux.
Cette ambition, pourtant bien légitime, Grandit quand j'eus passé la première du lot : Sa distinction me fit un succès unanime.
Ainsi, chaque matin, le barbon qu'elle enclôt, Flâne orgueilleusement, grâce à votre entremise, Devant la glace, en s'admirant, chemise mise. |
Un des consuls, tué, tombe dans la citerne ; Le Vésuve rugit puis éructe, trop plein De lave et d'or, reflets du plus vif ripolin. Le bonze en son cercueil entr'ouvre son oeil terne.
Le pontife, debout, boit près de la poterne, Et quand il veut parler, son langage bilin- Gue est coupé de sanglots; le timide orphelin Dans les plis de son deuil camoufle sa lanterne.
Et chaque soir des plébéiens jusques aux ducs La foule énamourée accourt aux aqueducs, Frileuse dans sa laine, ou suant sous son tulle.
Tous anxieux, poils humides et dos vermeil, Ils scrutent le rabbin qui lorgne le soleil De son esseulé, la main sur la rotule. |
Pour comprendre ce texte, il suffirait d'un dessin, à la Picasso.
A L.C.
En envoyant aux deux cousines Quelques vers sur le temps présent Je n'avais cette pétouine Que j'éprouve en vous en faisant. Je sais qu'elles sont indulgentes Et que vous, vous ne l'êtes point. Pourquoi diable est ce que je m'en vante ? Je devrais rester dans mon coin. Quelle précaution que je prenne Par avance je suis battu. Vous serez sévère ou, (déveine !) Fâchée en n'en ayant point eu. Je vous en fais donc, mais j'y pense, Au moment où je dis "fais en", Inutile que je commence Ma carte est finie à présent. |
1925